Accusations d'antisémitisme, enquête... Ce que l'on sait des notes "anormalement basses" d'élèves d'un lycée juif à l'oral du bac
L'avocat Patrick Klugman a expliqué que le lycée Yabné "a constaté un biais de notation au préjudice de 15 de ses élèves". Selon une enquête ouverte par le ministère de l'Education, les éléments recueillis ne permettent toutefois "pas de conclure" que les élèves ont "subi une quelconque discrimination".
Des candidats au bac ont-ils été pénalisés en raison de leur confession, dans un contexte de hausse des actes antisémites en France ? De telles accusations ont vu le jour après des plaintes concernant des notes "anormalement basses" qu'auraient reçues des élèves d'un lycée juif à l'issue du grand oral de spécialité du bac 2024 qu'ils ont passé dans un lycée public du 18e arrondissement de Paris.
La ministre de l'Education, Nicole Belloubet, a demandé l'ouverture d'une enquête administrative. Les résultats de l'enquête, communiqués jeudi soir par le ministère, font valoir que les modalités d'examen ont été "conformes" et que les éléments recueillis "ne permettent pas de conclure" que les élèves du lycée ont "subi une quelconque discrimination à raison de leur religion supposée ou de leur établissement d'origine". Voici ce que l'on sait de cette affaire.
Des personnalités rapportent un problème avec les notes d'une quinzaine d'élèves juifs
L'affaire a émergé mercredi soir sur les réseaux sociaux à la suite de messages postés par des personnalités. "Les élèves des oraux du bac du lycée Yabné (une institution éducative religieuse juive en contrat avec l'État) s'étonnent de notes anormalement basses (y compris pour des élèves frôlant l'excellence)", a ainsi rapporté sur le réseau X Amine El-Khatmi, cofondateur du Printemps républicain.
D'autres détails ont été relayés jeudi matin. L'avocat Patrick Klugman a expliqué sur X que le lycée Yabné "a constaté un biais de notation au préjudice de 15 de ses élèves qui ont passé l'oral de spécialité du bac devant deux jurys d'un même centre d'examen à Paris". "On parle de 9 points d'écart sur 20 en moyenne par rapport aux 123 autres candidats du lycée qui sont passés devant d'autres jurys", détaille-t-il. Cet écart n'est selon lui "explicable ni statistiquement ni pédagogiquement".
Franceinfo a pu joindre le père d'une candidate au bac issue de ce lycée du 13e arrondissement de Paris, qui souhaite rester anonyme. Selon lui, 15 à 18 élèves sont concernés, tous passés avec le même jury composé de deux examinateurs. Il affirme que tous les élèves ont eu entre 3 et 8 lors du grand oral, tandis que sa fille a obtenu "une note proche de 0" lors du grand oral de spécialité mathématiques.
L'avocate et présidente de l'Organisation juive européenne (OJE), Muriel Ouaknine, qui a eu accès aux notes de ces élèves, a assuré sur franceinfo que "les notes qui ont été attribuées dans ces matières scientifiques ne correspondent évidemment pas du tout à la réalité du niveau de ces étudiants-là. C'est quelque chose qui est inadmissible qu'il faut dénoncer".
Des accusations d'antisémitisme
Les familles d'élèves et leurs représentants redoutent que la différence de traitement dont elles accusent les examinateurs soit motivée par l'antisémitisme. L'écart de notes dont les élèves disent avoir été victimes "fonde une suspicion de discrimination", selon l'avocat Patrick Klugman.
Dans un communiqué, le lycée Yabné explique avoir "également été alerté par des parents d'élèves d'une attitude particulièrement agressive du jury lors du passage de leur enfant". "Nos élèves ont des patronymes juifs et les fiches que présentent les élèves au jury sont tamponnées par Yabné", précise-t-il. L'établissement évoque aussi d'autres signalements : une de ses "enseignantes, présente le jour des épreuves sur l'établissement d'examen, a fait part à la direction du lycée de discussions en salle des professeurs stigmatisant Yabné comme 'école hors contrat'".
Plusieurs institutions juives ont réagi. "Toute rupture éventuelle du principe d'égalité devant les épreuves académiques et toute discrimination d'élèves en raison de leur appartenance religieuse, si elles étaient confirmées, seraient une atteinte extrêmement grave aux valeurs de la République", avertit le Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif).
"Il n'y a aucun doute sur le fait qu'ils aient été victimes de discrimination", assure à franceinfo la présidente de l'OJE, Muriel Ouaknine. "Vu le nombre de notes catastrophiques attribuées par ce seul jury, vu les autres notes qui ont été attribuées pour les autres étudiants de cette école, ça ne laisse place à aucun doute."
De nombreux élus réagissent
Plusieurs élus de différents bords politiques ont demandé de faire la lumière sur ces accusations. "Si les faits et l'antisémitisme sont avérés, c'est extrêmement grave. Si c'est une rumeur, il faut y mettre fin", a écrit sur X la sénatrice PS Laurence Rossignol jeudi matin.
"Je n'ose croire que des examinateurs de Paris 18 se soient livrés à une telle discrimination", a affirmé sur X Caroline Yadan, députée Renaissance de la 8e circonscription des Français de l'étranger. "Aucun élève ne doit être discriminé par ses professeurs en raison de sa religion", abonde sur X la présidente de la région Ile-de-France, Valérie Pécresse, qui a "saisi le rectorat de Paris pour faire toute la lumière sur cette affaire".
L'enquête administrative conclut que les élèves n'ont pas été discriminés
La ministre de l'Education a annoncé jeudi matin le lancement d'"une enquête approfondie". "Si les faits étaient avérés, ils seraient intolérables dans notre école. Et je ne laisserai rien passer", a ajouté Nicole Belloubet. Dans un communiqué, le ministère a précisé la méthode de l'enquête administrative. "La distribution des notes obtenues par ces élèves est examinée, jury par jury, sous l'angle statistique afin d'établir si la moyenne, la variance et la distribution de celles-ci sont anormalement différentes de celles des autres élèves ayant passé les épreuves dans les mêmes circonstances". La méthode sera appliquée à tous les élèves des jurys incriminés, et "les éléments des bordereaux de l'épreuve sont également analysés de façon systématique".
Sollicité par franceinfo, le SNPDEN-Unsa, syndicat des proviseurs, assurait dans la journée que "les examinateurs ne disposent pas de la provenance des établissements scolaires" et "sont soumis à une charte de déontologie avec des grilles de notation". Il rappelle que tous les ans "il y a des notes contestées car jugées trop sévères", et précise "qu'il y a une harmonisation des notes", dont un candidat peut faire appel.
Les résultats de l'enquête ont été communiqués jeudi soir par le ministère. Selon lui, les éléments recueillis "ne permettent pas de conclure que les élèves du lycée Yabné auraient subi une quelconque discrimination à raison de leur religion supposée ou de leur établissement d'origine". "Si certaines élèves ont pu connaître des notes plus faibles à cette épreuve très spécifique du Grand oral qu'à celles d'autres épreuves écrites dans les mêmes matières, rien n'établit que ces notes attribuées par un jury souverain l'auraient été pour des raisons autres que la maîtrise ou l'absence de maîtrise de cet exercice par ces élèves", ajoute l'enquête. Les modalités d'examen ont été "conformes", fait valoir l'enquête.
Sur "les deux jurys incriminés", pour le premier, "l'analyse des résultats des candidats notés par ce jury, en comparant les élèves issus de Yabné et les autres élèves, ne révèle aucune distorsion de notation", d'après les conclusions de l'enquête. Et pour le deuxième, s'il "s'est montré globalement plus sévère, rien ne permet de retenir une discrimination réelle ou supposée à l'égard des élèves du lycée" Yabné, ajoute-t-elle.
"Notre Ecole et ses personnels méritent la vérité", a asséné la ministre de l'Education Nicole Belloubet sur X après la publication des résultats de l'enquête. "L'Ecole doit être un rempart contre toutes les formes de discrimination. (...) Elle est également le lieu où nul ne peut être injustement accusé ou suspecté."
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