Expo : trois clés pour décrypter les toiles énigmatiques de Chagall
Le peintre est mis à l'honneur dans une exposition au musée du Luxembourg. Voici comment décoder ses œuvres.
Il a traversé deux conflits mondiaux, fui le régime soviétique, fait des allers et retours sur le globe pour chercher la paix… et inlassablement témoigné de l’horreur de la guerre dans ses tableaux. Moyshe Segal, alias Marc Chagall (1887-1985), a tenté de sublimer la violence du monde par l’art et le rêve. Ses toiles, marquées par le judaïsme, le folklore russe et sa vie intime, évoquent une forêt de signes incompréhensibles. La grande exposition qui s'est ouverte jeudi 21 février et se tient jusqu’au 21 juillet au musée du Luxembourg, "Chagall, entre guerre et paix", donne l’occasion de décrypter les signaux parfois complexes envoyés par l'artiste.
1Un juif errant fuyant la guerre
Les deux conflits mondiaux et le durcissement du régime soviétique vont contraindre plusieurs fois Chagall à l’exil.
Cette toile a été réalisée en 1943 alors qu’il a fui aux Etats-Unis. Tout n’est que mouvement : chevaux, chariots, femme volante, soldats (en haut à gauche, cachés dans la brume) se déplacent. On remarque surtout la présence de ce juif errant (en bas à gauche), avec son baluchon sanglant. Il faut fuir ou mourir. Le cadavre qui gît sur le sol enneigé, remarquablement mis en avant au cœur de la composition, est un macabre avertissement.
Ici, le juif errant est métamorphosé en une vision proche de la caricature : un rabbin portant une Torah colossale sur le dos. Originaire d’Europe de l’Est, Chagall est influencé par le judaïsme hassidique. Les hassidim cultivent un rapport direct à Dieu plutôt joyeux qui s’exprime par exemple par le chant et la danse. De là les personnages virevoltants et les musiciens qui traversent ses toiles. Marqué par sa foi, Chagall multiplie les références au judaïsme : chandeliers à sept branches, tables de la Torah, mariages juifs foisonnent dans ses œuvres.
2L’amour malgré tout
Le visage d’une belle brune revient souvent dans les toiles de Chagall, c’est celui de Bella, que le peintre a épousée en 1915.
Ce tableau a été peint pendant la première guerre mondiale. Comme souvent, les amoureux semblent seuls au monde. La robe rouge de Bella crée un contraste saisissant avec cet environnement vert (la couleur complémentaire du rouge) qui noie les amants. Les tourtereaux sont enlacés, presque soudés : le nez du peintre se fond dans la collerette de sa belle. Et sont représentés, comme dans beaucoup de toiles, à l’oblique : la diagonale crée une dynamique dans le tableau et donne l’impression que les amoureux sont en apesanteur, dans un rêve éveillé.
Bella meurt en 1944, mais Chagall continuera de la représenter longtemps, comme dans ce tableau emblématique découpé en petites scènes isolées, qui se lit comme une BD. Bella, dans son linceul, est à gauche, près d’une blonde qui n’est autre que le nouvel amour du maître : Virginia. Chagall se représente en Janus, avec un visage double : à la fois attentif à ses amours, à sa création, et angoissé par la guerre. Au fond, des flammes s’échappent des toits des maisons, et des habitants fuient, encore, sur un traîneau.
3L'éternel retour au village natal
Le gros bourg qu’on peut voir sur le tableau ci-dessous est celui de Vitebsk, la ville natale de Chagall, une bourgade ordinaire avec ses clochers à dômes et ses baraques en bois. On le retrouve dans toutes les œuvres de l’artiste qui évoquent la Russie, comme celle-ci…
… ou celle-là :
Chagall, qui a quitté deux fois la Russie (une fois à 23 ans pour étudier à Paris, puis une autre à 35 ans), l’évoquera toute sa vie durant. Et la physionomie de sa ville natale sera transfigurée par les mouvements artistiques qui séduiront le peintre. Farouchement individualiste, Chagall n’a officiellement appartenu à aucun mouvement, et refusera même de faire partie du groupe surréaliste.
Il a toutefois été influencé lors de son premier séjour parisien par le cubisme et l’orphisme (dans lequel, pour aller vite, le réel n’est pas découpé en cubes, mais en ronds). On retrouve donc ici Vitebsk… décomposé en formes géométriques simples : des cercles, des triangles et des cubes. Pourtant, Chagall garde sa singularité. Alors que les cubistes s’appuient sur des couleurs ternes (gris, bruns…), lui s’amuse avec des rouges vifs, des verts émeraude et de beaux bleus. Et essayez d’imaginer chez Picasso ou Braque, les deux monstres sacrés du cubisme, un juif errant volant dans le ciel !
Informations pratiques :
"Chagall, entre guerre et paix"
Du 21 février au 21 juillet
19, rue de Vaugirard, 75006 Paris
M° Saint-Sulpice ou Mabillon, RER B Luxembourg
Tél. : 01 40 13 62 00
10 h-19h30, sauf lundi* et vendredi 10 h-22 h (*hors vacances scolaires zone C et fériés)
Tarifs : 7,50 € / 11 €
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