"Gébé, un génie du dessin de presse" : la Bibliothèque François Mitterrand expose pour la première fois l'œuvre unique du caricaturiste
/2025/05/30/img-4796-68396a6231d9b760160434.jpg)
Co-créateur des journaux "Hara-Kiri" et "Charlie Hebdo", Gébé a marqué la seconde moitié du XXe siècle en France en révolutionnant le dessin d’humour, le dessin satirique, le dessin d’actualité et la caricature politique dans la presse.
"Les écoles, les jeunes, les gens qui travaillent ici, peuvent en profiter, s'arrêter ou jeter un coup d'œil lorsqu'ils passent dans ce couloir", se réjouit Alexandre Devaux, co-commissaire de l'exposition Gébé : un génie du dessin de presse, installée dans une des allées de la Bibliothèque François Mitterrand.
Certains visiteurs reconnaissent facilement le trait de crayon emblématique de Gébé, celui qui a fait vivre, entre autres, les journaux d'Hara-Kiri et de Charlie Hebdo, pendant de longues décennies. D'autres, plus jeunes, s'interrogent et s'approchent par curiosité. Le rire d'un couple se fait même entendre à l'autre bout du couloir, en résonance, preuve que l'humour du dessinateur n'a pas pris une ride. La BnF, en collaboration avec la Maison du dessin de presse, qui ouvrira en 2027 à Paris, présente la première rétrospective consacrée au dessinateur de presse, Gébé.
Un humour absurde et un graphisme dépouillé
Sur 16 immenses tableaux, on explore l'univers unique du caricaturiste, de ses débuts jusqu'à sa mort en 2004. Explorateur de techniques, de langages graphiques et de formes littéraires multiples, Gébé a déployé à travers son œuvre de dessinateur de presse une réflexion sur la politique, la place de l'individu, de l'humour et du dessin dans la société. Dès la fin des années 1950, il joue un rôle central dans l'histoire du dessin d'humour, puis dans celle des journaux Hara-Kiri, Pilote ou encore Charlie Hebdo.
Bien avant d'être reconnu dans ses journaux de référence, Georges Blondeaux, dit Gébé, né à Villeneuve-Saint-Georges, en banlieue parisienne, fait ses premiers pas dans les dessins de presse à seulement 14 ans, dans le journal de son quartier, Le Canard libre. Après avoir obtenu son baccalauréat en 1947, il est embauché comme dessinateur calqueur à la SNCF. Tout en prenant des cours de dessin à l'école ABC, le jeune Gébé réalise des dessins pour le journal des cheminots, La Vie du Rail. Dès 1956, sa signature apparaît dans presque chaque numéro. Même si tous ses dessins doivent répondre à des contraintes éditoriales et à des gags en rapport avec le monde cheminot, on voit, sur les premiers tableaux de l'exposition, que le dessinateur affirme sa personnalité, son humour absurde et son graphisme dépouillé.
/2025/05/30/img-4803-6839ae9786a48888049728.jpg)
Repéré par l'écrivain et journaliste Jacques Sternberg, Gébé participe à la "Nouvelle vague" du dessin d'humour qui, dans des gags sans parole, mêle à l'héritage du surréalisme et de l'absurde, les inspirations du roman policier, de la science-fiction et de la cinéphilie. Au début des années 1960, il publiait très régulièrement chez Paris Match : "Il y avait Raymond Castans qui fut très important pour le dessin d'humour. Le jour où j'y ai eu une page, c'était vraiment pour moi comme le prix Goncourt", avait raconté le dessinateur sur France Inter en 1985.
On (re)découvre avec joie, les grands débuts de Gébé dans Hara-Kiri, sur le mur de la Bibliothèque François Mitterrand. En effet, il repère fin 1960 une publicité pour un journal humoristique dans le journal Arts. Il s'y rend immédiatement : "Hara-Kiri était un journal à faire. Il n'y avait pas que le dessin. Tout était à faire", se souviendra-t-il. Par ses reportages absurdes, ses parodies, ses romans-photos du Professeur-Choron, son personnage Berck, ses fausses publicités, Gébé et avec Cavanna le plus important producteur du contenu du journal. L'humour "bête et méchant", fustigeant la bêtise et la méchanceté, rencontre un franc succès auprès d'un large public dans une société encore conservatrice. Mais sa liberté de ton dérange, en mai 1966, l'Etat français condamne Hara-Kiri à une interdiction à l'affichage durant six mois. Mais rien n'arrête Gébé, il se tourne alors vers le journal Pilote et parvient rapidement à imposer sa créativité. Son influence est déterminante dans la mutation du journal.
/2025/05/30/img-4811-6839b45bd837c453106317.jpg)
On remarque, dans les premiers pas de l'exposition, que le dessin dit politique apparaît timidement dans l'œuvre du caricaturiste. Pendant quelques semaines en 1962, sa participation à Minute – qui n'est pas encore un journal d'extrême droite – marque les prémices du dessinateur dans ce domaine. Six ans plus tard, en 1968, il participe au journal L'Enragé, lancé par Siné durant les événements de Mai où il ose affirmer plus directement ses convictions.
Et vient enfin la période Charlie Hebdo, en 1970, où l'on se surprend à rire ou sourire devant des dessins, datant de plusieurs décennies mais restant terriblement d'actualité. Dans ce journal, Gébé a une pleine page. En écho aux actualités, parfois en leur tournant le dos dans un mouvement plus introspectif et sensible, il crée un lien d'intimité avec ses lecteurs. Il invente un nouveau langage où les dessins et les textes s'entremêlent, parfois complétés par des fragments de photographies. En mars 1977, le dessinateur publie une page intitulée Un moment d'amnésie. Il y incarne des victimes d'assassinats idéologiques ou racistes. Quelques jours plus tard, il reçoit un appel, d'Yves Montand qui l'adaptera en chanson, que l'on peut d'ailleurs écouter lors de l'exposition.
/2025/05/30/thumbnail-img-4817-6839bc71c286c610869685.jpg)
L'œuvre la plus emblématique de Gébé restera L'An 01, que l'on retrouve sur un des grands panneaux de la rétrospective. Elle débute par une série de publications dans Politique Hebdo mais faute d'un lectorat suffisant, cette publication s'interrompt. Mais c'était sans compter sur Gébé qui décide de poursuivre L'An 01 dans Charlie Hebdo. Les ventes du journal s'envolent, à tel point que le dessinateur propose aux lecteurs un projet de film à faire ensemble, lui qui est un grand adepte du septième art. Le film sortira en salles en 1973. Contre toute attente, vu les modestes conditions de production, le succès est immense avec 500 000 entrées.
La fin de cette exposition riche et passionnante retrace les dernières décennies de Gébé en évoquant l'apparition de dessins en couleur dans Charlie Hebdo et Hari-Kari, dont il deviendra le rédacteur en chef, sa collaboration avec L'Idiot International, la création de La Grosse Bertha et évidemment la renaissance de Charlie Hebdo en 1992.
Exposition Gébé : un génie du dessin de presse à la Bibliothèque nationale de France, site François-Mitterrand, Allée Julien Cain (Paris, 13). Gratuit. Jusqu'au 19 octobre 2025. Le lundi de 14h à 20h, du mardi au samedi de 10h à 19h et le dimanche de 13h à 19h.
À regarder
-
Affaire Epstein : le prince Andrew renonce à son titre royal
-
Grandir à tout prix
-
Cédric Jubillar : 30 ans de prison pour meurtre
-
Mal de dos : comment le soigner
-
Faire des têtes au foot, c'est stylé, mais...
-
En Chine, le plus haut pont du monde est devenu une attraction touristique
-
Quand t’es collé en forêt
-
À Marseille, la Bonne Mère retrouve sa couronne
-
Meurtre de Lola : ce qu’il s’est passé
-
Chili : un miracle dans le désert
-
Faux diplômes : tricher pour se faire embaucher
-
Vignes : des algues pour remplacer les pesticides
-
Du Maroc au Népal, en passant par Madagascar, la génération Z structure ses luttes sur Discord
-
À Londres, le café c'est dans les toilettes
-
De la propagande russe dans nos infos locales
-
Ordures ménagères : une taxe toujours plus chère
-
Temu, Shein... ça va coûter plus cher ?
-
C'est très compliqué dès qu'on parle de la France
-
Départ anticipé d’E. Macron : “La seule décision digne qui permet d’éviter 18 mois de crise”
-
Donald Trump : le Venezuela dans sa ligne de mire
-
Hommage à Samuel Paty : des minutes de silence "inutiles" pour sa sœur.
-
Avion low cost : payer pour incliner son siège
-
Otages français en Iran : l'appel de détresse de leurs familles
-
Cédric Jubillar : ses défenseurs passent à l'attaque
-
Salomé Zourabichvili : "La Russie utilise la Géorgie comme test"
-
Se faire recruter dans l’armée par tirage au sort ?
-
La détresse de Cécile Kohler et Jacques Paris, otages en Iran
-
Le fléau des courses-poursuites à Los Angeles
-
Se soigner risque-t-il de coûter plus cher ?
-
Bac sans calculette : les conseils de Lucas Maths
Commentaires
Connectez-vous ou créez votre espace franceinfo pour commenter.
Déjà un compte ? Se connecter