L'Afrique des routes : l'histoire d'un continent au Quai Branly
L'Afrique, un continent sans histoire ? C'est pour tordre le cou à cette idée et prouver que l'Afrique a depuis toujours été en lien avec le reste du monde que le musée du Quai Branly a rassemblé des objets qui en sont les indices, de la préhistoire à nos jours, et exploré les routes qui la parcourent. Une exposition ambitieuse et passionnante (jusqu'au 12 novembre 2017).
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"Il n'y a pas si longtemps, en tout cas quand j'ai commencé ma carrière, les historiens eux-mêmes, à l'université, disaient que l'histoire africaine n'existait pas. C'était dans les années 1960-1970", souligne Catherine Coquery-Vidrovitch, historienne et professeur émérite à l'université Paris-Diderot et co-commissaire de l'exposition.
C'était il y a un moment, penserait-on. Mais en juillet 2007 encore, dans un discours très controversé à Dakar, l'ex-président français Nicolas Sarkozy estimait que "l'homme africain n'est pas assez entré dans l'Histoire".
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Une histoire très ancienne
" Or l'histoire africaine est très ancienne et, depuis une petite cinquantaine d'années, les travaux se sont multipliés, nos connaissances sur l'histoire africaine, de la préhistoire à nos jours, sont infiniment plus grandes qu'elles ne l'étaient au lendemain des indépendances", raconte Catherine Coquery-Vidrovitch, qui se définit comme une "généraliste d'histoire africaine sub-saharienne".Dans cette exposition qui se veut une "bataille contre les idées reçues", il s'agit de faire connaître au public ce que les spécialistes savent maintenant sur l'importance de l'histoire de l'Afrique sub-saharienne dans l'histoire du monde", explique la commissaire, soulignant que cette région, berceau de l'humanité, a toujours été en contact avec le reste du monde. "Quand j'enseignais encore, je disais à mes étudiants que la découverte de l'Afrique n'en était pas une, parce que les Européens étaient les derniers à avoir découvert l'Afrique".
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Des objets indices de l'histoire
L'histoire de l'Afrique, l'exposition du Quai Branly entend la faire découvrir, à travers 300 œuvres et objets, souvent très beaux, qui "sont des preuves, des indices de cette histoire", souligne Gaëlle Beaujean, l'autre commissaire, qui est responsable des collections Afrique au musée. Des objets qui datent de 6000 avant notre ère jusqu'à nos jours, même si ceux dont on dispose sont souvent assez récents, datant de l'époque de la colonisation.L'exposition suit des "routes", des itinéraires thématiques, des routes physiques, avec les moyens de transports et les étapes qui les jalonnent, les routes commerciales, essentielles en Afrique depuis des millénaires, les routes spirituelles, les routes coloniales, les routes artistiques.
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Les villes, jalons des routes
Un relevé d'art rupestre du Sahara algérien datant du 1er millénaire avant notre ère ouvre l'exposition : une image de char qui y figure atteste de la connaissance de la roue et des échanges certains entre ses auteurs et le Nord du continent. Une série de selles de cheval ou de chameau racontent les moyens de transports millénaires du commerce caravanier. Modèles réduits de pirogues et bateaux racontent les déplacements le long des fleuves et des côtes.Carthage, Tombouctou, Zimbabwe, des noms de villes qui font rêver : leur histoire est évoquée par des objets magnifiques, fragment de statue en terre pour Nok, un village et une civilisation qui s'est épanouie entre Niger et Nigeria actuels, œuf d'autruche à décor incisé de Carthage. Une bouteille en céramique de Nubie, décorée de rinceaux de vigne évoque le répertoire décoratif gréco-romain.
Une photo des ruines de Zimbabwe nous fait imaginer la splendeur d'une ville qui a prospéré autour du commerce de l'or entre 1100 et 1450 avant d'être abandonnée. On y a retrouvé du céladon de Chine.
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Il y a, plus récemment, les villes coloniales, du comptoir portugais de São Jorge das Minas représenté dans une gravure, Saint-Louis, capitale du Sénégal jusqu'à l'indépendance dans une aquarelle de Léon Armand. Ou les villes contemporaines comme Nairobi en 2016, avec ses buildings et ses publicités pour Coca-Cola, sous l'objectif du photographe sud-africain Guy Tillim.
Le commerce entre l'Afrique sub-saharienne et le reste du monde est très ancien. Elle a besoin de sel qui arrive du nord par caravanes, contre du fer. Elle fournit de l'ivoire à l'Asie et à l'Europe qui l'utilisent pour de somptueux objets sculptés. L'or aussi, est très important : avant la découverte de l'Amérique à la fin du 15e siècle, il vient essentiellement d'Afrique, contrôlé par les grands empires de l'Ouest et exporté par le Sahara, puis par les Portugais, installés sur les côtes dès 1415.
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Du textile et de la porcelaine arrive d'Asie
Les échanges commerciaux sont très importants entre l'Afrique et l'Asie : la Chine, l'Inde, l'Indonésie ou le monde arabe cherchent de l'ivoire, ils apportent du textile, de la porcelaine, comme ces magnifiques plats chinois trouvés à Madagascar. Le batik est arrivé d'Indonésie au 10e siècle, tandis que les perles sont très recherchées en Afrique : on peut voir au Quai Branly un magnifique masque de buffle orné de coquillages et de perles bleues et rouges du Cameroun.Les hommes aussi sont arrachés à leur terre et vendus. Le continent a été saigné par la traite atlantique des Occidentaux, vers l'Amérique, évoquée par une lithographie de 1830 montrant l'intérieur d'un bateau négrier. Mais auparavant, des Africains ont été esclaves dans le monde arabe et en Asie, agriculteurs en Irak, eunuques ou porteurs pour des commerçants.
Les plantes voyagent également depuis des siècles : le café est exporté vers l'Arabie au 14e siècle, le riz vers l'Amérique au 16e, tandis que l'Afrique reçoit les bananes ou le riz d'Asie vers le 8e siècle, puis, quelques siècles plus tard, l'ananas, l'arachide, le manioc ou le cacao américains à travers les Européens.
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Un colon sur un pélican
La vie spirituelle est un autre indice des influences croisées entre l'Afrique et le reste du monde : une délicate Vierge à l'enfant en bois de Madagascar côtoie des colliers protecteurs en cuir du Bénin ou du Sénégal, une tunique protectrice portant des inscriptions en arabe, des manuscrits et tablettes coraniques, indices de la pénétration du catholicisme et de l'islam qui sont venus supplanter, cohabiter ou se mélanger avec les "religions du terroir". Mais à l'inverse, l'esclavage a introduit celles-ci en Amérique, où le syncrétisme entre religions chrétienne et africaines produit le candomblé, photographié par Pierre Verger au Brésil, ou le vaudou haïtien, dont l'artiste Myrlande Constant reprend les bannières, en perles de verre colorées.Parmi les pièces exceptionnelles de l'exposition, on peut citer un masque en forme de pélican sur lequel volent deux jeunes femmes et un colon de Guinée, ou un tableau récent (1973) qui raconte l'acte de résistance de Memlik II qui a réussi, en 1896, avec 100.000 hommes à repousser les Italiens en 1896 en Ethiopie.
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Le catalogue dédié à Georges Balandier
Des chronologies, des projections multimédia et des extraits de films complètent l'exposition. Notamment des images de René Vautier, qui a passé un an en prison pour avoir filmé les excès de la colonisation."L'Afrique, elle, sait ce qu'elle est. Elle l'a toujours su, mais nous en Occident, et beaucoup d'autres aussi, avons simplifié sa complexe réalité, ignoré sa force d'être et de maintenir ce qu'elle est, par notre incapacité peut-être, par paresse et calcul surtout", écrivait Georges Balandier dans "Afrique ambiguë" (1957). Le catalogue de l'exposition est dédié au sociologue et ethnologue français, décédé en octobre dernier.
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