L'art à la lumière des écrits de Sade au Musée d'Orsay
Si la violence sexuelle n'était pas absente de la peinture avant le XIXe siècle, les écrits du marquis de Sade en ont fait depuis une préoccupation majeure de la peinture. C'est ce qu'entend montrer la dernière grande exposition du Musée d'Orsay (jusqu'au 25 janvier 2015).
On connaissait l'influence des écrits de Sade sur des auteurs comme Baudelaire, Flaubert, Huysmans ou Apollinaire. On découvre avec "Sade, attaquer le soleil" comment il a aussi influencé des artistes comme Delacroix, Rodin ou Degas, mais aussi Géricault, Ingres, Gustave Moreau, et même Cézanne. Sans oublier Picasso et les surréalistes, les seuls à s'en réclamer ouvertement.
De Fragonard à Francis Bacon, d'Odilon Redon à Man Ray, confrontant peinture, sculpture, dessin, photo, l'accrochage serré concocté par Annie le Brun, spécialiste du célèbre marquis, et Laurence des Cars, grande spécialiste de l'art du 19e, explore "le monde à l'envers" de l'auteur des "Cent vingt journées de Sodome", mort en décembre 1814.
Reportage T. Choupin / F. Blévis / J. Denoyelle
La liaison entre désir et férocité inhérente à l'homme ?
La "liaison qu'il a mise en évidence entre le désir et la férocité, qui, à ses yeux, est inhérente à l'homme, hante complètement la peinture", explique Annie Le Brun. "Cette exposition est l'histoire de cette révolution souterraine", dont "Scène de guerre au Moyen-Age" d'Edgar Degas "pourrait être le tableau-symbole". Une oeuvre représentant des hommes à cheval qui tirent à l'arc sur des femmes nues.
"Degas a souvent représenté les corps dans une liberté absolue, y compris avec une forme de violence, d'abandon", ajoute Laurence des Cars, directrice du Musée de l'Orangerie.
Mais les peintres du 19e ne sont pas les premiers à avoir représenté des corps nus et des scènes de viols ou d'enlèvements, fréquents aux siècles précédents, sous le couvert de scènes mythologiques. Pour Annie Le Brun, "l'influence plus ou moins occulte de Sade va aider les artistes à se dégager de ces modes de représentation traditionnels".
Rodin, un artiste obsédé par le désir
Géricault dessine une "Scène de cannibalisme sur le Radeau de la Méduse", Delacroix représente une "Médée furieuse", bien loin des standards classiques. Et le premier à franchir le pas de la représentation sanglante n'est autre que Rodin illustrant le "Jardin des supplices" d'Octave Mirbeau.
"S'il y a un artiste qui est obsédé par la question du désir, c'est Rodin" qui produit 10.000 dessins érotiques, dont plusieurs présentés à l'exposition, affirme Annie le Brun, qui voit "aussi chez lui une violence incroyable".
Si "le 19e siècle n'a pas découvert la violence amoureuse", il va en faire une de ses préoccupations majeures", écrit Annie Le Brun, poète et essayiste, auteur notamment de "Soudain un bloc d'abîme, Sade " (1993.). Avec "Angélique", Ingres réinvente la figure ambiguë de la jeune captive et Cézanne signe en 1867 un "Enlèvement" à l'inquiétante atmosphère.
Un premier Cézanne sexuel et violent
"Le premier Cézanne est très sexuel, lyrique, violent", souligne Laurence des Cars, "c'est intéressant de le remettre dans ce fil-là", comme "d'autres oeuvres qui sont relues dans le contexte sadien".
"Le choix est plutôt français, un peu germanique avec le Suisse Johann Heinrich Füssli ou l'Autrichien Alfred Kubin. Vous ne trouverez pas beaucoup d'impressionnistes", plaisante-t-elle.
L'accrochage ponctué de citations de Sade
Labyrinthique et mystérieuse, la scénographie a pris aussi le parti du sombre. Les accrochages sont ponctués de citations de Sade : "Chacun a sa manie, nous ne devons jamais ni blâmer, ni nous étonner de celle de personne", ou "le crime est une volupté comme une autre".
Intitulée "Voir dans la nuit", une salle présente des écorchés en cire d'Honoré Fragonard et des planches anatomiques de Jacques-Fabien Gautier-d'Agoty. Mais les cires de femmes éventrées qui, lors de son voyage en Italie, avaient davantage ému le jeune Donatien Alphonse François de Sade que les sculptures de Michel-Ange, sont restées dans leur pays : trop fragiles pour être déplacées.
Sade. Attaquer le soleil, Musée d'Orsay, 1 rue de la Légion d'Honneur, Paris 7e
Tous les jours sauf lundi, 9h30-18h, le jeudi jusqu'à 21h45
Tarifs : 11€ / 8,50€
Du 14 octobre au 25 janvier 2015
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