L'Atelier des lumières invite à un grand bain dans l'œuvre de Pablo Picasso
Le centre d'art numérique parisien propose une immersion dans les tableaux du maître espagnol, rythmée par des musiques, pour une approche sensorielle des créations de l'artiste espagnol. Spectaculaire mais frustrante.
"Donnez-moi un musée et je le remplirai", disait Pablo Picasso. Le peintre a peint si longtemps (de ses premières toiles, dès l'âge de 8 ans, à sa mort en 1973, à 91 ans) et travaillé avec tellement d'acharnement qu'un seul musée serait loin de suffire.
Le grand mérite de l'exposition immersive Picasso, l'art en mouvement, à l'Atelier des lumières, jusqu'au 29 juin, est justement de donner à voir, en seulement 40 minutes, plus de 450 images d'œuvres, de photos et de vidéos de cet artiste prolixe, disséminées dans le monde entier. C'est également, et de façon presque paradoxale, l'une de ses principales limites.
"Il est strictement interdit de recadrer, de couper, de faire une surimpression ou d'altérer les reproductions des œuvres de Pablo Picasso". Cette mention, que les journalistes spécialisés connaissent par cœur, figure en toutes lettres dans le dossier de presse communiqué par l'Atelier des lumières.
Étonnamment, la Picasso Administration a en revanche autorisé ce type de découpages, recadrages, trucages et autres effets de montage (des voiles rouges, de la fumée, des fenêtres qui s'ouvrent sur les tableaux) pour cette création digitale produite par Culturespaces Studio.
Après l'exposition consacrée à Paul Cezanne en 2022, c'est donc l'un de ses plus fervents admirateurs, Picasso, qui est convié dans cette ancienne fonderie transformée en centre d'art numérique en 2018. Le dispositif reste identique : les murs et le sol s'habillent de tableaux au format XXL grâce à une armée de projecteurs presqu'invisibles installés au plafond.
Ni commentaires, ni sous-titres explicatifs. Juste quelques citations et une bande-son diffusée par quelque 60 enceintes qui accompagne et rythme les images projetées en haute définition, pour une expérience purement sensorielle de l'œuvre.
Dans ce musée aux illusions, quelques panneaux explicatifs, cachés dans un petit couloir au niveau de la mezzanine, donnent les informations qui pourraient manquer à ceux qui découvrent ou connaissent mal les créations de Pablo Picasso. Peut-être pourrait-on conseiller de prendre le temps de les lire avant le démarrage de la projection, car ensuite tout s'enchaîne très vite.
Après une introduction et un prologue spectaculaire, en noir et blanc, où dominent les portraits de Picasso (peintre, mais aussi sculpteur, graveur, céramiste et décorateur de théâtre), des séquences thématiques se succèdent à une cadence effrénée, dans un ordre plus ou moins chronologique. C'est extrêmement beau, surprenant par moments, mais il y a une telle accumulation d'œuvres et tellement d'effets que l'on finit par ne plus les voir vraiment.
La séduction par le travail
La corrida et ses "toros", les nuits parisiennes, les saltimbanques avec le personnage d'Arlequin, son double, la période bleue après le suicide de son ami Casagemas et ses toiles sublimes teintées de tristesse... le talent infini de Picasso envahit tout l'espace. Sur quelques gros plans (notamment la flamme d'une bougie) on parvient à distinguer, de manière fugace, la touche du peintre avant qu'une fumée noire ne fasse tout disparaître.
Vient alors la période rose qui voit sa palette s'éclaircir. Les trois coups retentissent, comme au théâtre, et le grand rideau du ballet Parade peint en 1917 par Picasso se dévoile. Quand arrive la période cubiste, des percussions résonnent dans le grand Atelier. Les Demoiselles d'Avignon, toile qui a révolutionné l'art moderne, nous observent de leurs grands yeux en amande. Le fameux Guernica, grande fresque de 1937 dénonçant les ravages de la guerre civile en Espagne, fait l'objet d'une séquence à part entière. Sur les murs, les visages des portraits de Picasso se tordent et quand, sur la plage, courent les grandes baigneuses, le sol se couvre de vagues. Le charme opère, indéniablement. L'Espagnol ne disait-il pas que "c'est dans le travail d'une vie que réside la véritable séduction" ?
La toute dernière séquence, en forme de "best of", plonge les visiteurs dans une immense salle d'exposition virtuelle. Elle rassemble, comme aucun musée au monde ne pourra jamais le faire, les plus grands chefs-d'œuvre du maître espagnol dans des formats proches des originaux. C'est extrêmement beau, mais il y a une telle accumulation de tableaux dans ce grand kaléidoscope et tellement d'effets que l'on finit par ne plus les distinguer vraiment.
"Qui trop embrasse mal étreint", dit un proverbe. C'est le sentiment (et le regret) que l'on peut avoir à l'issue de la projection de ce flot d'images. Tout va trop vite. Le but est clair : nous en mettre plein la vue en forçant le trait avec les musiques pour surligner "la dimension émotionnelle des œuvres". Or, comme le disait Picasso lui-même, "rien n'est plus difficile qu'un trait".
Attirer les jeunes
Les promoteurs de l'art immersif expliquent qu'il ne s'adresse pas au cerveau mais aux émotions et qu'il permet d'attirer un public différent, notamment les jeunes, peu coutumiers des musées traditionnels. Ils estiment qu'il n'est pas nécessaire d'ajouter, sous les œuvres elles-mêmes, des informations et des éléments de contexte. Pour eux, il suffit de se laisser porter.
On peut cependant espérer que cette exposition sensorielle donnera envie à certains visiteurs de pousser, un jour, la porte d'un musée Picasso, à Paris, Antibes, Barcelone ou encore Malaga, et de prendre le temps de s'arrêter devant ses œuvres. Pour observer notamment la touche du peintre, la façon dont il a composé son tableau, juxtaposé les couleurs, travaillé les volumes. Et qui sait... L'émotion sera peut-être aussi au rendez-vous.
Atelier des lumières, 38 rue Saint-Maur, 75011 Paris
Deux expositions immersives du 14 février au 29 juin 2025 :
Programme long : Picasso, l'art en mouvement
Programme court : Le Douanier Rousseau, au pays des rêves
Plein tarif à 18 euros, réduit à 16 euros, 11 euros pour les enfants de 3 à 11 ans
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