L'exposition "Noires" de Roxane Mbanga, une invitation à se sentir chez soi à la Maison des mondes africains
Une "maison rêvée" comme une feuille de route pour la nouvelle Maison des mondes africains (MansA). L'artiste Roxane Mbanga y a conçu un "Grand Salon" où l'on s'installe à son aise. Visite guidée.
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On est accueilli avec une explosion de couleurs en arrivant au 26 rue Jacques Louvel-Tessier dans le Xe arrondissement de Paris, l'adresse temporaire de la Maison des mondes africains (MansA) qui a ouvert ses portes début octobre.
L'extérieur de la nouvelle institution culturelle publique est habillé aux couleurs de son exposition inaugurale, Noires de Roxane Mbanga, à voir jusqu'au 26 octobre. L'artiste y convie les visiteurs à prendre place dans son Grand Salon, une installation immersive pensée comme un lieu de rencontre, habité par des œuvres, textiles et objets qui mêlent héritages et récits personnels. Partie prenante de son projet global né en 2021, Roxane Mbanga donne corps à sa "maison rêvée".
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Noires est "un refuge où [l'artiste née à Paris] tisse les récits de ses héritages guadeloupéen, camerounais et ivoirien", décrit Imane Lehérisser, curatrice de l'exposition dans le texte de présentation.
Roxane Mbanga a créé pour la Maison "une pièce originale qui se déploie en dialogue avec l'architecture du lieu, habillant les murs encore vierges et les sols jamais foulés de l'institution", précise encore la note.
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L'objectif est "d'avoir un espace chaleureux, convivial où les gens puissent sentir, toucher, où tous les sens sont activés", explique la critique d'art Elia-Rosa Guirous-Amasse, l'une des médiatrices de l'exposition.
En pénétrant la Maison, l'on est cueilli par la reconnaissable et entêtante odeur d'un encens, très populaire au Sénégal (en Afrique de l'Ouest), tout comme la musique, bande originale concoctée par la maîtresse des lieux.
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Niveau sensation, on sent déjà son pas amorti par les nattes (tapis faits de fils en plastique) qui couvrent le sol de l'espace d'exposition. Ils ont été rapportés de l'un des voyages de l'artiste, et une fois le rideau passé, qui est une création de Roxane Mbanga, se déploie enfin le Grand Salon dont le visiteur a déjà parcouru l'antichambre.
Quatre options s'offrent alors à lui. La première : un environnement où il peut regarder et écouter des installations audiovisuelles, affalé ou non sur des grands poufs ou encore assis tout simplement par terre sur des nattes ou des tapis. L'une des vidéos présente les artistes féminines oubliées du coupé-décalé, célèbre genre musical né en Côte d'Ivoire.
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Deuxième choix : un espace où il peut se poser, écouter de la musique, jouer au ludo ou à l'awalé – ces jeux de stratégie très populaires sur le continent africain –, discuter ou encore lire face à une bibliothèque dont les titres ont été choisis par Roxane Mbanga et l'équipe de MansA.
Troisième possibilité : descendre dans les ateliers de l'artiste qu'elle occupe tout au long de l'exposition. On y découvre, seulement avec les yeux et sans toucher donc, sa fabrique. Les couleurs, les tissus, les notes… Cet accès aux coulisses prolonge "le partage entre l'intime et l'espace public parce que l'on est comme à la maison, mais aussi dans un espace public", note Elia-Rosa Guirous-Amasse. L'ultime option : exercer sa liberté de visite dans ce Grand Salon.
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"C'est une exposition totale, rappelle la critique d'art. On sort de l'exposition habituelle : ici, on invite les gens à prendre possession. Il y a des objets un peu profanes qui ont été mélangés aux créations de l'artiste", poursuit la médiatrice.
Dans l'art, explique-t-elle, "il y a souvent une hiérarchisation des médias. Ici, il s'agit de faire voler tout ça, de mettre tout sur le même plan". Avec le Grand Salon, Roxane Mbanga mêle des textiles teintés avec la technique du batik, des mobiliers, des sculptures, des photos, de l'audiovisuel, des dessins et "engage une réflexion sur les seuils à franchir, ces espaces de transition entre l'intérieur et l'extérieur, entre l'intime et le social".
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La mise en parallèle de "l'intime, du personnel et de ce qui est perçu de l'extérieur", c'est ce qu'a ''beaucoup aimé" Octavia, 52 ans, qui s'est offert la visite de l'exposition le jour de son anniversaire, le 14 octobre. "J'avais lu dans le Bondy Blog que l'artiste voulait créer un endroit où les personnes noires se sentent chez elles, se sentent bien. C'est fort."
La visiteuse, dont le père est Guadeloupéen, a appris l'existence de MansA par la presse, notamment par cet article du Bondy Blog autour de Noires. "Du coup, j'étais curieuse de savoir ce qui est fait à la Maison des mondes africains". Si c'est "important" pour Octavia que MansA existe, elle a toutefois encore "plein de questions politiques".
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"C'est une Maison qui a été voulue par le gouvernement. Quelle va être [sa] liberté d'expression ? J'attends de voir comment ça va évoluer. Il a fallu attendre 2025 pour qu'il y ait une Maison des mondes africains... C'est un bon premier pas, mais on attend un pas plus grand [qui serait par exemple] un musée de l'esclavage, un musée de la colonisation, un musée de la Françafrique… L'idée serait de mettre tout à plat, de parler de ce côté asymétrique entre les mondes africains et le monde européen. Il est là, mais on n'en parle pas", estime Octavia.
En attendant, la quinquagénaire compte bien profiter de MansA. Elle reviendra "très prochainement" pour "les cinéclubs, les tables rondes". "Je pense que ça va être passionnant. Il y a plein de choses qui m'intéressent. Pour l'instant, c'est très chouette que ça existe. C'est important parce que c'est une reconnaissance de la place des personnes issues de la diaspora, il est important que la culture des mondes africains soit mise en avant en plein cœur de Paris."
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Armance, 22 ans, a trouvé son chemin vers MansA grâce à L'Officiel des spectacles. Confortablement installée sur un pouf, elle parcourt les ouvrages mis à disposition dans le coin bibliothèque de l'exposition. "Je suis allée sur le site de L'Officiel des spectacles et je voulais savoir ce qu'il y avait dans le coin où j'étais à ce moment-là. Et l'affiche m'a tout de suite donné envie, tout comme ce lieu que je ne connaissais pas et que L'Officiel indiquait comme nouveau."
La jeune femme se réjouit de l'existence de "ce chouette endroit avec une exposition où [elle] a l'impression [qu'elle va] apprendre plein de choses". Armance, musicienne et comédienne de son état, n'a aucun lien particulier avec le continent. "Ça m'intéresse en général de découvrir des maisons qui évoquent d'autres endroits [du monde]. Et l'intitulé de l'exposition me donnait envie, le fait que ce soit un dispositif qui exploite toutes les sensations, que l'on soit plongé dans un salon, cette atmosphère immersive et la performance pluridisciplinaire me parlent. Je suis une artiste aussi", conclue-t-elle.
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Dans cet espace dans lequel Armance s'est installée, on retrouve le papier peint vu à l'extérieur et dont le motif se retrouve aussi sur des tapis. Créé en collaboration avec la designer Marthe Kady Nachtman, il est le produit d'un collage de photos d'archives de Roxane Mbanga.
Dans cette exposition, où sont disséminés des objets personnels et des portraits de famille de l'artiste, on retrouve une grande fresque murale où sont représentées sa grand-mère, sa mère et elle-même. "Elle a voulu rendre hommage aux femmes de sa famille, à son héritage et aux femmes noires en général", explique Elia-Rosa Guirous-Amasse.
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C'est à proximité de l'œuvre que Wesley, 36 ans, a pris place. Il a invité une amie designer, Nilda venue de "l'est de la France", à le rejoindre pour la visite. Assise à côté de lui, elle décortique les motifs présentés dans l'ouvrage Wax & Co. (La Martinière) pris dans la bibliothèque.
Toujours en quête de ce "qu'il est intéressant à voir par rapport à [ses] origines [camerounaises]", le jeune homme a découvert MansA sur les réseaux sociaux. "Une Maison pareille me met en connexion directe avec ce que je suis, estime Wesley qui a grandi en France. C'est intéressant, mais pas uniquement pour moi. Ça l'est aussi pour d'autres personnes issues d'autres cultures. Cela permet de nous [les Africains, le continent] découvrir sous un angle autre que celui véhiculé par les médias. La culture, c'est quelque chose de plus touchant. Il y a un lien émotionnel."
En s'appuyant sur la production intuitive, engagée, pluridisciplinaire et colorée de Roxane Mbanga, MansA a donné corps à l'une des multiples versions de cet "espace de dialogue" qu'elle compte désormais incarner.
L'exposition "Noires" de Roxane Mbanga est à voir jusqu'au 26 octobre à la Maison des mondes africains (entrée gratuite sur réservation) et l'expérience peut être prolongée à la 193 Gallery, à Paris, où deux nouvelles installations du projet "Noires"- "La Salle à manger" et "La Terrasse" - sont à découvrir du 8 novembre 2025 au 10 janvier 2026
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