: Entretien "Artistes comme activistes, on s'autorise parfois à transgresser les règles, à désobéir" : l'activiste Camille Étienne lie engagement et amour de l'art au musée d'Orsay
Dans un parcours imaginé par Camille Étienne au milieu des œuvres du musée, l'avenir des océans et leur beauté sont racontés par des danseurs, musiciens et comédiens.
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La mer en plein Paris ? C'est presque possible au musée d'Orsay mardi 29 et mercredi 30 avril lors de deux nocturnes artistiques imaginées par l'activiste Camille Étienne. Le parcours performatif "Impressions de la mer" met en évidence ce milieu naturel, son aspect enchanteur, mais aussi les dangers auxquels il est exposé. Afin d'immerger totalement les spectateurs, la militante écologiste s'est appuyée sur la beauté des œuvres impressionnistes du musée et le soutien d'artistes et personnalités engagés comme Léa Lopez de la Comédie-Française ou l'autrice et musicienne Blandine Rinkel.
Lors des répétitions, nous sommes emportés par les vagues, mises en mouvement par les danseurs Léonore Baulac et Florent Melac. Une salle plus loin, devant les Nymphéas bleus de Monet, la voix de Camélia Jordana résonne a capella. La chanteuse est là pour dire les préoccupations de l'association SOS Méditerranée et apporter son soutien. En bref, le beau est célébré dans le cadre d'une cause engagée. Pour comprendre les enjeux de cette démarche, nous avons posé trois questions à l'activiste, Camille Étienne.
Franceinfo Culture : Vous semblez proposer ici un lien entre l'art et l'activisme, pourquoi ce parallèle ? Pourquoi avoir choisi l'art ?
Camille Étienne : Peut-être parce qu'ils ont en commun une certaine radicalité. Artistes comme activistes, on s'autorise parfois à transgresser les règles, à désobéir. À chaque fois que de nouveaux mouvements artistiques sont nés, c'est parce qu'ils ont désobéi à ceux d'avant.
Il y a aussi une sensibilité commune au monde et à la beauté. Pour Stendhal : "Un roman, c'est un miroir qu'on promène le long des chemins." Le parcours correspond un peu à ce combat. Avec les tableaux, c'est encore plus évident. Je vous parle devant une mer déchaînée [de Gustave Courbet], ça nous invite à peut-être nous poser et à regarder d'un angle précis, comme un miroir qui augmenterait une réalité à laquelle on ne peut échapper. Ce qu'on fait peut-être moins au quotidien. Donc voilà, le projet Impressions de la mer est une invitation à redécouvrir la beauté du monde.
Cette relation passe-t-elle, dans ce parcours, par la politisation des œuvres ?
Non, ce n'est pas du tout explicatif. Je me suis dit que je ne voulais pas faire quelque chose de littéral. Pour une fois, je ne veux pas faire de discours. J'ai décidé d'inviter des artistes qui sont de grands artistes, qui sont connus pour leur art "pur et dur". Et qui, par ailleurs, sont aussi très engagés intimement et qui n'hésitent pas à prendre des positions politiques, à être là lors d'actions. (...) Pour le coup, on va faire du beau. (...) Je n'ai pas pour ambition, avec cette proposition, de dire : les gens vont ressortir et vont tous vouloir prendre une licence chez Greenpeace.
Tant mieux si c'est le cas, ce serait un dommage collatéral magnifique ! (rires) Mais l'idée, c'est plutôt de se dire, on se rassemble aussi entre personnes qui sont touchées par ce sujet, que ce sujet bouleverse et qui ont envie et besoin d'avoir un peu de force pour continuer. C'est une résistance contre l'urgence constante du temps.
Les actions de collectifs comme Just Top Oil qui jetaient de la soupe sur des œuvres ont été largement médiatisées. Pourquoi l'activiste que vous êtes tend, à l'inverse, à louer les mérites de l'art ?
Je ne pense pas que ceux qui ont jeté de la soupe détestent l'art ou ne le respectent pas. J'ai d'ailleurs entendu certains, dans des interviews, dire que c'était une forme de performance artistique aussi. Alors moi, je choisis peut-être quelque chose d'un peu lâche. Je fais souvent de la désobéissance civile, je n'en fais pas ici. Peut-être parce que ça m'impressionne. Et parce que le dérèglement climatique n'est pas la faute de ces artistes. Ils nous ont permis tellement de fois de voir la beauté de notre environnement, de donner envie de la préserver en fait. J'ai beaucoup travaillé sur George Sand par exemple, et qui était en réalité une des premières écologistes.
J'ai choisi une autre voie, mais en respectant totalement d'autres formes d'action en fait. Je n'ai pas de prétention à dire que c'est mieux ou moins bien, c'est juste différent. Et d'ailleurs, ce qui est assez amusant, c'est que des études ont été faites sur l'impact réel de ces jets de soupe. Et en fait, ça a été très utile. Des personnes choquées dans un premier temps, comme j'ai pu l'être sans pour autant l'exprimer publiquement, se sont renseignées sur la cause dénoncée.
"Impressions de la mer. Parcours performatif", les 29 et 30 avril 2025, 20h, musée d'Orsay, 75007 Paris
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