Kandinsky, l'homme qui peignait comme un musicien, dans une exposition vibrante à la Philharmonie de Paris
Pour apprécier la peinture d'un des pères de l'art abstrait, l'exposition invite à se laisser porter par la musique, au cours d'une expérience immersive sur bien des aspects.
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"Je ne veux pas peindre de la musique. Je ne veux pas peindre d'états d'âme. Je souhaite uniquement peindre de bons tableaux, nécessaires et vivants", déclarait en 1914 le peintre russe, figure de l'art abstrait, Vassily Kandinsky, dont le Musée de la musique de la Philharmonie de Paris propose une rétrospective créée en collaboration avec le Centre Pompidou : Kandinsky. La musique des couleurs, du 15 octobre 2025 au 1er février 2026.
De la Russie à l'Allemagne, en passant par la France, la Philharmonie invite à redécouvrir près de deux cents œuvres et objets de Vassily Kandinsky, à travers ce qui n'était pas seulement une passion, mais une fascination, un cap et une inspiration derrière chaque coup de pinceau : la musique. Ballade sonore, musicale surtout, et colorée à travers l'œuvre d'une vie.
Wagner et Monet
Surprenant pour une exposition centrée sur un homme et sa peinture : la première salle en est démunie. À la place, les notes graves du prélude de l'opéra Lohengrin de Richard Wagner s'élèvent d'un casque indispensable qui accompagne chaque visiteur. Face à eux, les costumes et les décors de l'opéra du compositeur allemand.
Ainsi, on tente de se rapprocher de ce que Kandinsky a décrit comme son premier "choc esthétique" : Wagner, donc. Né en 1866 dans une famille de commerçants bourgeois de Moscou, Vassili Kandinsky grandit baigné de musique et de culture.
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Il apprend tôt le solfège, le piano, le violoncelle et le dessin. Il suit une formation de droit à l'université de Moscou, se destine à être juriste... Jusqu'en 1896 où il décide de tout arrêter afin de se dédier à la peinture.
Pourquoi ? Wagner, d'abord. Et Monet aussi. Il écrit dans ses mémoires que c'est en 1895, en découvrant successivement l'abstraction de l'œuvre Les Meules de foin du peintre impressionniste et les représentations visuelles que lui suscite la musique de l'opéra du compositeur allemand, que Kandinsky découvre la force "spirituelle" de l'art. C'est une révélation : dorénavant, il sera peintre.
Voyage vers l'abstraction
Ce double choc esthétique passé, l'exposition traverse alors différentes étapes et projets de la vie de Kandinsky, qui peindra jusqu'à quelques mois avant sa mort, en 1944, à Neuilly-sur-Seine.
Ainsi sous nos yeux se déroule le voyage vers l'abstraction qu'a effectué le peintre. Inspiré à ses débuts par la musique et les fêtes populaires russes qu'il peint assez précisément, ses tableaux représentent de moins en moins des scènes identifiables que des suppositions, des énigmes. Est-ce un cheval ? Sans doute, il en a la vague forme en tout cas. Mais dans ce cas-là, pourquoi est-il bleu ?
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"Kandinsky peint comme un musicien", explique Marie-Pauline Martin, directrice du Musée de la musique de la Philharmonie et co-commissaire de l'exposition. "La musique est un imaginaire, c'est un modèle intellectuel : elle n'imite jamais la nature, dit-elle. Quand vous écoutez un morceau qui soit de pop ou une symphonie, vous ne voyez pas un portrait ou une campagne très précise. La musique ne fonctionne pas par imitation de la nature, mais par l'expressivité pure des sons", poursuit-elle.
Fort de son éducation musicale et de sa passion du genre, Kandinsky le comprend très vite – et très bien : selon lui, si la musique est aussi universelle, c'est que son langage d'abstraction permet de parler directement à l'âme. Il emprunte même son vocabulaire et nomme ses toiles "Composition", "Mouvement"...
"Il a mis de côté des siècles de peinture réaliste, naturaliste, qui va chercher son motif dans la nature. Et il a dit : 'Moi, je vais faire comme un musicien avec une symphonie. Je ne travaille que sur les couleurs, que sur les formes, que sur les lignes'", poursuit la commissaire.
"L'art n'est pas une question de forme, mais de contenu artistique"
Aux côtés des toiles de Kandinsky sont exposées celles de ses amis ou élèves – il aura longtemps enseigné au Bauhaus, à Berlin. Parmi ses amis, des peintres, mais aussi des musiciens, dont le compositeur viennois Arnold Schonberg.
En 1911, il vit de nouveau un choc émotionnel et esthétique à Vienne lors d'un de ses concerts. Il le qualifie de "meilleur de la musique contemporaine" et découlera de cette admiration une correspondance de vingt ans. Kandinsky encouragera Schonberg à s'exprimer par la peinture, une collaboration à laquelle l'exposition laisse une grande place tant elle illustre l'intrication des deux arts pour le peintre.
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Kandinsky est profondément ancré dans son temps : il voyage, enseigne, écrit, créé des projets avec d'autres artistes, pousse toujours plus loin l'abstraction de son art jusqu'à ce que ses peintures ne soient plus que couleur et formes. Parfois même que formes.
Convaincu de la transversalité des arts, il ambitionne dans les années 1920 la création d'un d'almanach : un recueil où se retrouveraient toutes les formes d'arts qui refléteraient l'année passée, de l'estampe japonaise au dessin d'enfant. La Seconde Guerre mondiale aura raison de ce projet, dont l'exposition propose le premier ouvrage, qui voulait pourtant démontrer, comme l'écrivait alors Kandinsky, "une bonne fois pour toutes, que toutes les formes d'art nourrissent les mêmes aspirations spirituelles" et que "l'art n'est pas une question de forme mais de contenu artistique".
Se laisser porter par la couleur
Ainsi l'exposition Kandinsky. La musique des couleurs se découvre comme on écoute une symphonie : en se laissant porter par la beauté de ce que l'art propose. Il ne faut pas essayer de comprendre ce qu'il se retrouve sous nos yeux, le regarder est déjà bien assez. "On a beaucoup intellectualisé Kandinsky et l'art abstrait", explique Marie-Pauline Martin, qui invite les visiteurs à se perdre dans la couleur. Observer ces tableaux, "c'est juste apprécier la science du coloris. Lui, il a inventé toute une science des couleurs. Mais en fait, c'est très émotif".
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La couleur guide le visiteur, comme un appât hypnotisant, toile après toile. Tel un compositeur arrangeant savamment des progressions d'accords, pour en faire de la musique, Kandinsky a peint ses toiles avec minutie, réflexion. Après tout, ce qu'il souhaitait faire, et il l'a dit, c'était "peindre de bons tableaux nécessaires et vivants". Pas plus.
"Kandinsky, la musique des couleurs" à la Philharmonie de Paris, du 15 octobre 2025 au 1er février 2026, Cité de la musique - Philharmonie de Paris, 221 avenue Jean-Jaurès, 75019 Paris
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