Le mystère Pierre Soulages, ou quand la peinture de certains de ses tableaux redevient liquide
Le phénomène déconcerte les scientifiques et risque de désespérer les amateurs du maître de l'outrenoir. La peinture de certaines de ses toiles, peintes dans les années 60, se ramollit et se met à couler.
Des gouttes de peinture sur des tableaux de plus de 60 ans. Un étrange phénomène touche en ce moment certaines des toiles du maître Pierre Soulages. À certains endroits, la peinture est redevenue liquide. "C'est vraiment poisseux. Si on regarde à la lampe à UV, on voit un petit suintement. On voit quelque chose d'un peu plus brillant et des petites gouttes qui se forment. Et quand elles sont vraiment formées, ça peut être un écoulement de plusieurs centimètres de long qui sort d'un empâtement", décrit la restauratrice spécialiste de Soulages Pauline Hélou de la Grandière, doctorante à Cergy Paris Université.
"On a vraiment une sensation de quelque chose qui est redevenu liquide."
Pauline Hélou de la Grandièreà franceinfo
"Normalement une peinture, quand elle vieillit, se craquelle et devient de plus en plus cassante. Et là, c'est le phénomène tout à fait inverse qui s'opère", constate la spécialiste. "Ce qui est très étrange, c'est que des peintures d'autres artistes qui ont créé des œuvres à Paris, dans les mêmes périodes, sont concernées", ajoute-t-elle. Au total, "quelques dizaines" d'œuvres sont touchées, précise Pauline Hélou de la Grandière.
La faute au fournisseur ou aux conditions de séchage ?
Si c'est étrange, c'est aussi bien utile à la chercheuse, qui s'est lancée une mission avec toute une équipe du CNRS et de l'Institut d'optique de Saint-Etienne : expliquer le phénomène, et réussir à le limiter voire le prévenir sur d'autres toiles, afin de conserver "des œuvres qui respectent l'intention initiale de Pierre Soulages". Et le premier point commun, c'est donc le lieu et la période des toiles concernées, peintes entre "décembre 1959 et mars 1960". Le fournisseur de la peinture fait donc sûrement partie des points communs, détaille la spécialiste, tout comme "la forte pollution au sulfure" présente dans la capitale à ce moment-là.
"Ce sont aussi des toiles qui ont été exposées immédiatement après leur création, dans des expositions qui sont parfois parties très loin, donc qui ont été stockées tout de suite dans des caisses, mises dans l'obscurité et avec des variations de climat", avance aussi Pauline Hélou de la Grandière, qui explore avec son équipe toutes ces pistes à la fois, sans qu'aucune n'ait pu pour l'instant être complètement concluante. "À chaque fois qu'on trouve une hypothèse, Il faut qu'elle se vérifie dans les œuvres qui ont le même problème et et surtout qu'elle ne se vérifie pas dans les œuvres qui n'ont pas de problème."
"Les conditions de séchage et le founisseur sont des hypothèses qui ont l'air de bien marcher, reconnaît toutefois la restauratrice. Ce n'est pas un problème qu'on retrouve chez les Américains contemporains de Soulages par exemple, sauf quand ils sont venus travailler à Paris."
"Il n'est pas exclu que cela ait pu exister avant, mais avec moins de visibilité, parce que les couches de peintures étaient plus fines" et les toiles vernies, développe encore Pauline Hélou de la Grandière. L'enjeu est important. Comprendre le phénomène permettrait de protéger d'autres toiles de l'après-guerre. Pour surveiller l'avancée du phénomène, la chercheuse a fait appel à l'Institut d'optique de Saint-Etienne, qui a mis au point un appareil permettant d'objectiver et surveiller la brillance des toiles. Puisque la peinture ainsi liquéfiée est plus brillante, un tel outil sera précieux pour que le travail de Soulages ne finisse pas complètement en tache noire au pied du tableau.
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