Marx et Lenine dans la poussière d'un entrepôt en ex-RDA
Dans un entrepôt à 90 km de Berlin, s'entassent en vrac 23.000 œuvres d'art oubliées de la RDA, vestiges de l'art officiel communiste. Des bustes de Marx aux peintures magnifiant les "Héros du travail", l'Allemagne s'est débarrassée ici d'un héritage jugé encombrant.
Sur les étagères de fortune d'un bâtiment vétuste où l'on stockait autrefois de la nourriture pour animaux, un tableau plus grand que les centaines d'autres attire le regard. On y distingue nettement une tache rouge sur un front dégarni qui dépasse des autres peintures. C'est Mikhaïl Gorbatchev et son angiome.
L'ancien homme d'Etat soviétique pose avec le dirigeant déchu est-allemand, Erich Honecker. Le tableau a été réalisé à l'occasion des 40 ans de la RDA, quelques semaines avant l'effondrement du Mur de Berlin et, dans son sillage, du monde communiste.
Cette oeuvre de propagande est l'une des 1.500 peintures qui remplissent l'entrepôt de Beeskow (est), du sol au plafond, sur trois étages. "Piètre qualité", juge toutefois Kristina Geisler, qui travaille pour les Archives artistiques de Beeskow, l'organisme chargé de la gestion de ces oeuvres.
L'historienne de l'art boude le kitsch socialiste et préfère évoquer les artistes est-allemands qui ont tenté de trouver leur place entre liberté et dictature. "Nous avons ici aussi des travaux de grande qualité artistiques", renchérit Ilona Weser, qui dirige les Archives.
Elle tire l'un des tiroirs où sont rangés 13.000 graphiques pour montrer des travaux de Bernhard Heisig, peintre majeur de l'époque communiste, reconnu en RDA mais aussi en RFA.
Les oeuvres de nombreux autres représentants du réalisme socialiste dorment à Beeskow, bourgade tranquille à 90 km au sud-ouest de Berlin. Certains enveloppés dans du papier bulle, d'autres posés à même le sol en linoléum. Au total, ce sont près de 2.000 dessins, 1.300 photos, 4.000 médailles et 300 bustes qui reposent dans le vacarme assourdissant provoqué par un système de climatisation vétuste.
Art révolutionnaire, vestige d'un monde et trace de l'histoire
Des "Fête des mineurs" au "Paysage industriel" en passant par un "Album sur l'histoire de l'armée soviétique", ces oeuvres d'art ont couvert les murs des maisons de la Culture et Ligue de l'Amitié entre les peuples. Elles ont trôné sur les bureaux des officiers de l'Armée populaire nationale (NVA) ou des fonctionnaires du Parti de l'Unité socialiste (SED), parti au pouvoir de 1949 à 1989. Avant de disparaître emportées par la gronde des manifestants qui ont fait tomber le Mur de Berlin, le 9 novembre 1989.
On décroche alors au plus vite ces tableaux ancrés dans une idéologie politique en état de mort clinique. Peu avant la Réunification le 3 octobre 1990, le dernier ministre est-allemand de la Culture en sauve toutefois une partie en les stockant à Beeskow.
Elles tombent dans l'oubli. Pourtant, "l'art en RDA jouait un rôle particulier", défend Kristina Geisler. "Il ne s'agissait pas seulement de décorer les murs. L'art reflétait l'évolution de la société et c'est aujourd'hui une source pour l'Histoire".
Directeur adjoint de l'institut de recherches en histoire de Potsdam (ZZF), Jürgen Danyel tente depuis trois ans de recenser les oeuvres d'art de la RDA avec l'aide d'autres institutions cultuelles. "L'art agit comme un sismographe et rend visible l'érosion du pouvoir communiste dans les années 80 par exemple", souligne-t-il.
Mais personne ne semble vouloir s'intéresser à cet héritage. Fin 2011, l'Union européenne a rejeté un dossier de subvention pour rénover et transformer l'entrepôt.
Munies de grosses clés en métal, Kristina Geisler referme la porte de la bâtisse. Dans son grand cadre doré, Lénine, cadeau de la Tchécoslovaquie à la RDA, aujourd'hui stocké dans les escaliers, peut se rendormir tranquillement.
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