Dans l'ombre de Charonne, une magistrale leçon d'histoire en BD
Une leçon d'histoire en bande dessinée. Cela peut paraître austère, mais dans ce cas, c'est une aventure passionnante et sensible. Les jeunes éditions du Mauconduit ont laissé carte blanche à Désirée et Alain Frappier pour conter la manifestation sanglante du 8 février 1962 à Paris, avant les accords d'Evian. Ils ont donné la parole à Maryse, qui échappa à la mort dans le métro Charonne. Ce qui apparait à peine dans les manuels scolaires devient soudain concret, comme une blessure toujours ouverte.
Métro Charonne
8 février 1962. Une manifestation pacifique est organisée contre la répression violente que subissent les Algériens en métropole, contre la guerre, et contre l'OAS et ses agissements criminels. Dans les cortèges, des ouvriers, des familles, des étudiants. Le rassemblement n'a pas été autorisé, mais tout se déroule dans le calme. Au moment où les organisateurs sonnent la dispersion, des policiers chargent, et s'en prennent violemment à la foule, la poursuivant jusqu'au métro et dans les immeubles, frappant aveuglément. Neuf personnes décèdent. Des milliers d'autres garderont un traumatisme plus ou moins important. Parmi eux, Maryse, qui avait alors 17 ans.
Une histoire personnelle
A 17 ans, on ne pense qu'à s'amuser, et à discuter du monde dans lequel on vit. Maryse a grandit dans une famille communiste. Elle s'y reconnait. Mais, dit-elle aussi, depuis l'école primaire, elle n'entend parler que de guerre d'Algérie. L'engagement pacifiste, pour la décolonisation, est une évidence. Elle ne veut pas se reconnaître dans un Etat qui pratique la torture de l'autre côté de la Méditerranée, elle veut contester, manifester. Le 12 octobre 1962, alors que des Algériens sont parqués dans un stade parisien, que d'autres ont été jetés à la Seine, Maryse décide de se joindre, comme des dizaines de milliers de personnes, à une manifestation non autorisée par le Préfet de police de Paris, Maurice Papon.
Déchaînement de violence
Tous les manifestants ont les yeux rivés sur les orateurs, qui annoncent la dispersion des cortèges, mais soudain les premiers coups pleuvent, dans le dos. Les témoignages collectés dans cette bande dessinée sont réels et nombreux : Maryse, ses amis, la presse d'alors, des syndicalistes, des enfants de victimes. Tous racontent la férocité des policiers munis de bidules, ces longs batons capables de tuer. Une demi unité, une pleine tout au plus, s'acharne dans la violence, tabasse, jette des corps et des barrières en métal dans la bouche du métro Charonne. Des personnes sont piétinées, écrasées, on suffoque sous les gaz lacrymogène. Dans la station, les survivants sont hébétés.
Dire des vérités en bande dessinée
La grande force de ce roman graphique est d'avoir recueilli avec sensibilité et douceur le témoignage de Maryse Douek-Tripier, qui avait jusque là refusé de rouvrir cette plaie. La mise en images de son récit et de l'époque permet de rendre concrets des évènements politiques et historiques longtemps occultés, d'évoquer une histoire contemporaine et de la mettre à la portée de tous les public, sans omission ni concession. Les annexes, les témoignages recueillis au présent, les articles, montrent que de cette période, les meurtriers n'ont pas été punis. Comment, alors, faire le deuil ? Cette bande dessinée est une claque, une leçon comme on aimerait en avoir d'autres dans notre histoire -parfois trouble-contemporaine. Chapeau bas aux deux auteurs, Désirée et Alain Frappier, à Maryse, leur témoin, et à cette nouvelle maison d'édition qui n'a pas froid aux yeux.
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