Pourquoi l'auteur de BD Bastien Vivès est renvoyé devant la justice pour des images à caractère pédopornographique
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Un peu plus de deux ans après l'ouverture d'une enquête, le parquet de Nanterre a ordonné un procès pour le dessinateur, accusé de représenter des enfants et des adolescents dans des scènes pornographiques avec des adultes.
Un garçonnet avec un pénis démesuré, convoité par des adultes qui lui imposent des relations sexuelles. Ce scénario est celui de la bande dessinée Petit Paul, de Bastien Vivès, pour laquelle l'auteur est renvoyé devant le tribunal correctionnel de Nanterre, mardi 27 et mercredi 28 mai. Il doit être jugé pour fixation et transmission en vue de la diffusion d'images ou de représentations de mineurs à caractère pornographique, dans deux albums sortis en 2018. Les éditions Les Requins Marteaux, qui ont publié La Décharge mentale, et les éditions Glénat, pour Petit Paul, sont citées à comparaître à ses côtés, pour avoir diffusé ces images.
Ce procès est la suite de l'affaire qui a émergé fin 2022, au moment où le Festival international de la bande dessinée d'Angoulême dévoile sa programmation. L'organisation d'une exposition avec des dessins inédits de l'auteur suscite alors une polémique. Deux pétitions dénoncent "la banalisation et l'apologie de l'inceste et de la pédocriminalité" dans les ouvrages de Bastien Vivès. L'exposition est annulée, tandis que trois associations de protection de l'enfance déposent plainte contre l'auteur et ses éditeurs. Début janvier 2023, le parquet de Nanterre ouvre une enquête préliminaire pour diffusion d'images pédopornographiques. Les investigations sont confiées à la Brigade de protection des mineurs de Paris.
Des mineurs mis en scène dans "des actes de nature sexuelle"
Deux ans plus tard, le parquet de Nanterre estime, dans une décision consultée par franceinfo, que dans deux BD de Bastien Vivès, trois représentations d'enfants et d'adolescente revêtent un caractère pornographique. De fait, La Décharge mentale, parue en février 2018 dans une collection intitulée "BD Cul", narre l'histoire de Michel, qui fait la connaissance de la femme de son vieil ami Roger et de ses filles, âgées de 10, 15 et 18 ans, avant d'avoir des rapports sexuels avec chacune d'elles.
Le parquet estime que l'image d'"une mineure scolarisée en classe de CM2", présente lors "des actes de nature sexuelle à la demande de personnes majeures", notamment ses parents, et celle d'une adolescente "ne disposant pas de ses dents de sagesse qui assiste à des actes de nature sexuelle" et les "subit", notamment "sur sollicitation parentale", tombent sous le coup de la loi. Car selon l'article 227-23 du Code pénal, la représentation pornographique d'un mineur est interdite, et comme le mentionne un arrêt de la Cour de cassation du 12 septembre 2007, les dessins entrent dans ce cadre légal.
Idem pour Petit Paul. Dans cette BD, le héros est "un jeune garçon de sexe masculin doté d'un pénis de taille importante", "scolarisé à l'école primaire qui subit des actes de nature sexuelle tant de nature incestueuse que par des personnes ayant autorité sur lui", ce qui présente "un caractère pornographique", souligne le parquet. Dès sa parution, en septembre 2018, le contenu de l'album fait couler beaucoup d'encre. A l'époque, deux enseignes, Cultura et Gibert Joseph, décident de cesser de vendre la bande dessinée, commercialisée dans une collection érotique, sous blister et avec la mention "ouvrage à caractère pornographique".
"Une confusion entre réalité et fiction"
"Dessiner peut donc être un délit", a réagi Bastien Vivès auprès de l'AFP, le 13 février, lorsqu'il a appris son renvoi devant le tribunal correctionnel de Nanterre. "Je ne suis pas là pour panser les plaies de la société, œuvrer pour la morale, mais juste pour donner à réfléchir", a ajouté l'auteur de bande dessinée, âgé de 41 ans, qui a publié, en octobre 2024, La Vérité sur l'affaire Vivès, une satire sur ses déboires judiciaires. De son côté, la patronne de la maison d'édition Glénat a annoncé le 21 mai à l'AFP qu'à l'audience, elle défendrait "la liberté d'expression" de son auteur, tout en disant "comprendre" que la BD Petit Paul "ait pu choquer, interroger, poser des questions auprès des lecteurs".
"Ce qui se joue, c'est la possibilité pour les artistes de continuer à créer comme ils le veulent", pointe auprès de franceinfo Richard Malka, l'avocat de Bastien Vivès. "Si on doit interdire ses BD parce qu'elles font la promotion de la pédopornographie – ce que nous contestons totalement – dans ce cas il faut enlever un paquet de tableaux des musées, dans la littérature il faut retirer les polars sur les psychopathes, et même L'Iliade et l'Odyssée, la Bible ou le Coran", s'insurge-t-il. Selon lui, il y a "une confusion entre réalité et fiction".
"C'est absurde : vous ne devenez pas meurtrier et cannibale après avoir regardé 'Le Silence des agneaux'."
Richard Malka, avocat de Bastien Vivèsà franceinfo
"En audition, une policière a demandé à Bastien Vivès si Petit Paul était consentant… C'est comme demander aux Romains s'ils sont d'accord pour recevoir les baffes d'Astérix et Obélix, ça n'a aucun sens", poursuit Richard Malka. Et l'avocat de s'interroger : "Est-ce que la justice n'a pas mieux à faire que d'enquêter sur un délit de papier ? De vrais enfants souffrent."
Surtout, l'avocat affirme que le parquet de Nanterre "se déjuge et revient sur sa première appréciation". Il fait référence à un signalement émis peu après la parution de Petit Paul, par Patrick Loiseleur. A l'époque "simple citoyen particulièrement sensibilisé à la question de la pédocriminalité", il se disait, dans son courrier envoyé au parquet et consulté par franceinfo, préoccupé "par la possible utilisation de ce matériel pédopornographique par des agresseurs, dans le but de convaincre l'enfant que la pédocriminalité, c'est bien, c'est normal, c'est 'fun'". Ce signalement avait finalement été classé sans suite, le 7 février 2019, pour "absence d'infraction".
"Les créateurs ne sont pas au-dessus des lois"
Aujourd'hui, Patrick Loiseleur est vice-président de Face à l'inceste, l'une des trois associations qui ont déposé plainte contre le dessinateur et ses maisons d'édition. Pour l'avocate de la structure, la "question de la banalisation de la pédopornographie et, plus globalement, de l'inceste" est centrale dans cette affaire. Un constat partagé par les autres associations plaignantes.
"Des relations incestueuses sont mises en scène entre Magalie et son frère, Petit Paul", dont "l'absence de consentement" est "présentée comme évidente", pointe la Fondation pour l'enfance dans sa plainte, dévoilée par franceinfo en décembre 2022. A la veille du procès, Céline Astolfe, qui représente l'association en plus d'être avocate en droit de la presse, rappelle "l'importance de la liberté d'expression". Mais, souligne-t-elle à franceinfo, "ici, la question est celle de l'application de la loi et ce, quel que soit l'auteur des faits, artiste ou non". "La représentation d'un mineur de moins de 15 ans, présentant un caractère pornographique, est interdite. Inutile de vouloir déplacer le sujet", insiste-t-elle.
"Ce type d'images peut être utilisé par des prédateurs sexuels ou des pédocriminels, les planches sont accessibles sur internet", abonde Delphine Girard, qui représente l'association Innocence en danger. "Les enfants ne sont pas suffisamment protégés", constate-t-elle au quotidien. "On n'est pas contre les artistes, notre combat n'est pas là. Ce qu'on ne souhaite pas, c'est donner du matériel à des pédocriminels pour satisfaire leurs besoins ou pour qu'un enfant les satisfasse", expose à franceinfo l'avocate, rejetant tout parallèle avec "des œuvres antédiluviennes".
"La liberté d'expression a des limites dès lors qu'elle porte atteinte à l'image d'un enfant."
Delphine Girard, avocate de l'association Innocence en dangerà franceinfo
"Les dispositions légales doivent être appliquées comme il se doit", souligne Delphine Girard. Elle espère qu'à l'issue du procès, les ouvrages de Bastien Vivès visés par les plaintes seront retirés des librairies, à la fois en boutique et en ligne, afin de rappeler que "les créateurs ne sont pas au-dessus des lois".
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