#MeToo au pays du "libertinage" : comment la tribune pour la "liberté d'importuner" est vue à l'étranger
Le texte signé par une centaine de femmes françaises, à contre-courant du mouvement #MeToo, a lancé un virulent débat dans la presse étrangère, particulièrement dans le monde anglo-saxon.
Le texte n'en finit pas d'être commenté, même au-delà des frontières françaises. La tribune défendant, entre autres, une "liberté d'importuner" les femmes a provoqué de vives réactions à l'étranger depuis sa publication dans Le Monde, mardi 9 janvier. "Depuis sa parution, elle est abondamment traduite et commentée", indique le quotidien, qui lui consacre une revue de presse internationale.
Rédigée notamment par les écrivaines Catherine Millet ou Catherine Robbe-Grillet, la tribune est aussi signée par des personnalités comme Catherine Deneuve, Brigitte Lahaie et la journaliste Elisabeth Lévy. Dans ce texte, les auteures s'émeuvent d'un retour "du puritanisme" et de l'avènement "d'un féminisme qui prend le visage d'une haine des hommes et de la sexualité" dans le sillage de l'affaire Weinstein.
Catherine Deneuve abondamment citée
Parmi les signataires, Catherine Deneuve est probablement la plus connue à l'étranger. Elle focalise particulièrement l'attention alors qu'aux Etats-Unis, les actrices se mobilisent en masse pour la lutte contre le harcèlement et les violences sexuelles depuis les révélations de l'affaire Weinstein. Asia Argento, l'une des victimes présumées du producteur américain, a violemment critiqué la comédienne française et les autres signataires de la tribune en les dénonçant comme "lobotomisées au-delà du point de non-retour" par "leur intériorisation de la misogynie".
Catherine Deneuve and other French women tell the world how their interiorized misogyny has lobotomized them to the point of no return https://t.co/AuH0aZdnCq
— Asia Argento (@AsiaArgento) 9 janvier 2018
"Catherine Deneuve, laissez-moi vous expliquer pourquoi #metoo [l'équivalent anglophone de #balancetonporc] n'a rien d'une chasse aux sorcières", écrit une chroniqueuse du Guardian (en anglais). Elle voit dans cette tribune un "rappel" que "l'élaboration d'une politique (...) demande des compétences" plus poussées que celles nécessaires pour être "une star de cinéma" ou "une icône populaire".
Une illustratrice du New York Times s'en est aussi pris personnellement à l'actrice française. "Catherine Deneuve aurait peut-être des opinions très différentes sur le harcèlement si elle n'était pas une femme extraordinairement belle, très riche et blanche, vivant dans une bulle de privilège, explique-t-elle. Et si elle avait de l'empathie."
Catherine Deneuve might have very different opinions about harassment if she weren't an extraordinarily beautiful, very rich white woman living in a bubble of heightened privilege. And had some empathy.
— Colleen Doran (@ColleenDoran) 9 janvier 2018
Une exception française ?
Plusieurs journaux étrangers, particulièrement allemands, britanniques et américains, évoquent la culture et l'histoire françaises au moment de présenter la tribune et son impact dans le pays. Le journal conservateur Die Welt (en allemand), cité par Courrier international, décrit ainsi la France comme "un pays dont la culture et la littérature se caractérisent depuis des siècles par le libertinage, la galanterie et la liberté sexuelle, et qui a produit des auteurs comme le marquis de Sade ou le philosophe Michel Foucault". Dans ce contexte, "la police du puritanisme – pour qui toute tentative de drague un peu lourde est assimilable à un crime – ne pouvait pas œuvrer longtemps sans susciter de résistance".
Différence de pays, différence de mœurs ? Le journal américain The Atlantic (en anglais) souligne aussi que "dans les pays anglo-saxons, pour bon nombre de femmes, le fait de ne pas être seule est source de réconfort et le fait de s’exprimer fait naître un sentiment de solidarité. En France, l’idée est que si vous donnez des noms, vous avez plus de chances d’être accusée de 'collabo' ou de 'traître'."
De son côté, la BBC (en anglais) pointe aussi un fossé générationnel entre les femmes plus âgées "qui voient dans #MeToo une menace pour la libération sexuelle obtenue dans les années 1960", et les plus jeunes pour qui "la lutte contre le harcèlement sexuel constitue la dernière étape dans le combat des droits de femmes". Même analyse chez le New Yorker (en anglais), qui évoque aussi l'origine sociale des signataires : "Ce sont surtout des professionnelles et des artistes blanches : des journalistes, des conservatrices, des artistes, des professeurs, des psychanalystes, des médecins, des chanteuses. Il n'y a aucune femme de ménage ou conductrice de bus sur la liste."
Une tribune qui est aussi saluée
S'il est né en France, le débat provoqué par cette tribune trouve aussi de l'écho à l'étranger. En Italie, une journaliste de la Nazione juge par exemple que "Catherine a raison", et que la publication de la tribune "est le premier acte véritable de féminisme depuis le début de l’affaire Weinstein – ce moment zéro, qui a divisé le monde masculin en deux, banalement, entre les hommes et les porcs".
En Allemagne, Süddeutsche Zeitung salue la médiatisation du point de vue des femmes qui ont signé la tribune polémique : "La contribution venue de France est importante pour faire en sorte que #MeToo ne soit pas perçu comme un mouvement unilatéral des femmes contre les hommes", avance le journal.
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