"Brian Jones & les Rolling Stones" : un documentaire revient sur la trajectoire chaotique du fondateur du "plus grand groupe de rock du monde"

Article rédigé par Laure Narlian
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Brian Jones des Rolling Stones, en juillet 1964. (MIRRORPIX / GETTY IMAGES)
Brian Jones des Rolling Stones, en juillet 1964. (MIRRORPIX / GETTY IMAGES)

Ce film fourmillant d'images rares revient sur la personnalité et le destin tragique de l'initiateur, fondateur et pièce manquante des Pierres qui roulent. En salles mercredi.

Qui était vraiment Brian Jones ? Comment ce musicien accompli et dandy qui a fondé les Rolling Stones, et dont l'amour du blues a façonné le son, s'est-il retrouvé mis à la porte de son propre groupe ? Nick Broomfield, connu pour ses documentaires sur Leonard Cohen, Whitney Houston et Kurt Cobain, entend avec ce film en salles mercredi 19 février, percer un peu le mystère et surtout remettre Brian Jones, mort en 1969, au centre de la photo de famille du plus grand groupe de rock du monde.

La qualité première de ce documentaire est de nous donner à voir de très nombreux films et photos d'archives inédits, ou très peu vus, y compris durant la jeunesse de Brian Jones. La seconde est d'avoir recueilli une foule de témoignages rares de première main, pas forcément actuels, et souvent uniquement audio, qui renseignent en profondeur sur le personnage, sans jamais nous assommer avec une succession de "têtes parlantes".

L'un des fils rouges du film concerne les parents de Brian Jones, dont l'ombre sévère puis poignante ouvre et referme le film. Bourgeois et très guindés, ils n'approuvaient ni son mode de vie ni son amour du jazz qu'ils ne considéraient pas comme de la musique. À 17 ans, ils le jettent dehors en espérant qu'il se ressaisisse.

Ce geste aura de lourdes conséquences. Tout en rejetant résolument leur modèle, Brian Jones cherchera toute sa vie à obtenir leur approbation, montre Nick Broomfield.

Insatiable Don Juan

Une fois à la rue, ce charmeur aux manières de gentleman développe un modus operandi détestable de coucou (l'oiseau qui pond dans les nids des autres) : il séduit (et aime aussi sans doute) une jeune femme, trouve refuge dans sa famille, s'y fait adopter, met la belle enceinte puis part sans laisser d'adresse. À sa mort, il avait au moins cinq enfants de cinq femmes différentes dont il ne s'est jamais occupé.

La parole de plusieurs de ces femmes est particulièrement saisissante. L'une le décrit comme un cynique absolu. Une seconde évoque un amant exceptionnel et "insatiable". Une troisième raconte avoir été chez lui en compagnie de son petit garçon pour lui réclamer de l'aide et avoir été laissée à la porte tandis que Brian et sa nouvelle conquête Anita Pallenberg les regardaient par la fenêtre en gloussant.

Le multi-instrumentiste Brian Jones, fondateur des Rolling Stones, en 1967. (DAVID MAGNUS / REX / SIPA)
Le multi-instrumentiste Brian Jones, fondateur des Rolling Stones, en 1967. (DAVID MAGNUS / REX / SIPA)

Car si Brian Jones & les Rolling Stones peut être vu comme un hommage, il n'occulte pas la face sombre du personnage, aggravée par une prise de drogues et d'alcool de plus en plus effrénée.

"Une part de lui était horrible. Il pouvait être cruel. Et quand il n'avait pas ce qu'il voulait, il devenait agressif", se souvient Bill Wyman. De tous les témoignages, le sien brille plus que les autres. En sweat-shirt éponge, chez lui et à portée de clic de la playlist de son ordinateur, l'ancien bassiste des Rolling Stones, aujourd'hui âgé de 88 ans, souligne l'inventivité musicale de son ancien complice, imitant flûte ou guitare slide en roulant des yeux admiratifs.

Brillant musicien incapable de composer

La musique tient bien sûr une grande place dans ce documentaire qui explore les lignes de fracture au sein des Stones. Le blues, "un genre sublime qui mérite d'être connu", était tout pour Brian Jones. Pour le populariser, il fonde le groupe, le baptise d'après une chanson de Muddy Waters, et propose des reprises de ses héros.

Au départ, il fait tout, y compris trouver des dates de concerts et répondre au courrier des fans. Mick et Keith envient cet aimant à femmes qui subjugue tout le monde par la qualité de son jeu. Rapidement cependant, des frictions se font jour pour le leadership avec Mick le magnétique. Leur rivalité saute aux yeux dans les regards qu'ils échangent (ou pas) durant une interview improvisée en Australie.

Surtout, Mick et Keith se mettent à composer et lui ne sait pas ou manque de confiance en lui pour le faire, et il en souffre visiblement. Une séquence télévisée en témoigne : quand un présentateur lui demande de façon répétée comment il compose, Brian se décompose.

Puriste du blues

Pour ne rien arranger, les rênes du groupe lui échappent lorsque le manager Andrew Loog Oldham entre en scène. Or leurs visions sont radicalement opposées : Oldham veut de la pop, Brian le puriste veut du blues, du blues et encore du blues. Selon la chanteuse et actrice française Zouzou, qui fut un temps sa compagne et dont le témoignage cash sort du lot, il méprisait (I Can't Get No) Satisfaction qu'il qualifiait de "merde vulgaire".

En 1967, l'étoile de Brian, qui était l'âme du groupe, pâlit dangereusement. Il est arrêté en possession de drogue, sa condamnation l'empêche de suivre le groupe en tournée et il s'enfonce dans les excès. Le couple glamour et très en vue des Swinging Sixties qu'il formait avec le mannequin Anita Pallenberg prend l'eau, puis elle le quitte pour Keith. Pour Brian, c'est la trahison de trop, le début de la fin. Avec Zouzou, il boit alors beaucoup, prend du speed et ne ferme pas l'œil pendant plusieurs nuits d'affilée, fait des crises et pleure la nuit, nous apprend-elle.

Selon Bill Wyman, les dernières années de sa vie, il était devenu paranoïaque et on ne pouvait plus compter sur lui. Pour Marianne Faithfull, une autre de ses maîtresses, "il avait besoin d'aide". Au lieu de quoi les Stones le mettent à la porte en juin 1969. "Il n'était pas surpris", assure Keith Richards, "il était déjà dans la stratosphère". Trois semaines plus tard, le 2 juillet 1969, il était retrouvé mort dans sa piscine, à 27 ans. Premier du "Club des 27" partis trop tôt (Jimi Hendrix, Janis Joplin, Jim Morrison, etc), il se console peut-être en constatant que les Rolling Stones n'ont en réalité jamais lâché son grand amour, le blues.

L'affiche du documentaire de Nick Broomfield "Brian Jones & les Rolling Stones". (LAFAYETTE FILMS)
L'affiche du documentaire de Nick Broomfield "Brian Jones & les Rolling Stones". (LAFAYETTE FILMS)

La fiche

Genre : Documentaire
Réalisateur : Nick Broomfield
Pays : Grande-Bretagne
Durée :
1h38
Sortie :
19 février 2025
Distributeur :
Lafayette Films, BBC Music
Synopsis : Qui se souvient vraiment de Brian Jones ? Pourtant, il est le visionnaire à l'origine des Rolling Stones. À travers des interviews exclusives de proches, des membres du groupe et grâce à des archives rares et inédites, ce documentaire retrace l'incroyable parcours de ce musicien de génie.

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