Marcel Ophüls, maître du documentaire historique à qui l'on doit "Le Chagrin et la Pitié", est mort à 97 ans
Le style de ce documentariste de légende obsédé par l'Holocauste, c'était une subjectivité revendiquée et un questionnement au scalpel.
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Fils du grand réalisateur Max Ophüls, Marcel s'était fait un prénom grâce à ses films captivants sur l'histoire du XXe siècle, dont le plus célèbre, Le Chagrin et la Pitié (1969), qui revenait sur la France de Vichy, a été interdit d'antenne pendant dix ans. Documentariste de légende, Marcel Ophüls s'est éteint samedi 24 mai.
Chronique d'une ville française – Clermont-Ferrand – sous l'Occupation, Le Chagrin et la Pitié a scandalisé ses contemporains en dynamitant la légende rose de la résistance. Interdit jusqu'en 1981 à la télévision publique, qui l'a pourtant financé, c'est dès 1971 un succès en salles malgré sa durée (4H15).
Pour se défendre de ce succès, jugé un peu encombrant, Marcel Ophüls aimait à rappeler qu'il s'agissait d'un film de commande, tombé au bon moment.
"Je crois qu'il y a des moments dans l'histoire où si ce n'est pas untel qui s'y colle, ce sera un autre. En 1969-1970, le mythe gaullisto-communiste touchait à son terme. Il fallait bien que quelque part quelqu'un crève l'abcès", racontait-il au magazine Les Inrocks en 2014.
Avant de s'imposer dans le documentaire, en renouvelant la technique de l'interview et celle du montage, il avait longtemps rêvé de fiction. "La comédie et la comédie musicale, c'est vraiment ce que j'aurais voulu faire", confiait-il à l'AFP en 2013.
Truffaut et la fiction avant le documentaire
Né Hans Marcel Oppenheimer, à Francfort (Allemagne), le 1er novembre 1927, il devient français en 1938 après le départ de sa famille qui fuit en 1933 les persécutions des juifs par les nazis, puis américain après un nouvel exil en 1941 loin de la France collaborationniste. Il grandit à Hollywood et part en 1947 comme GI au Japon. De retour à Paris en 1950, il débute comme assistant-réalisateur, notamment sur le dernier film de son père, Lola Montès (1955).
Grand ami de François Truffaut, il passe derrière la caméra en 1962 avec un sketch pour L'Amour à 20 ans et s'essaie à la fiction (Peau de banane en 1963, avec Jean-Paul Belmondo et Jeanne Moreau, Faites vos jeux, mesdames en 1965) avant d'opter pour le documentaire, embauché par l'ORTF, la radiotélévision publique française.
Sa rencontre avec Alain de Sedouy et André Harris, maîtres d'œuvre d'une émission de reportage sur l'ORTF, va donner naissance, après quelques péripéties, au Chagrin et la Pitié. Son style, c'est une subjectivité revendiquée, un questionnement au scalpel. L'Holocauste l'obsède : "Je ne crois pas à la culpabilité collective", dit celui pour qui le documentaire est "un remède contre le faux sérieux des commémorations".
Sa méthode : choisir une idée "portemanteau", une base qui lui laisse plus de liberté qu'un scénario, mener des entretiens serrés avec des témoins, puis effectuer un gros travail de montage avec des citations musicales et cinématographiques en contrepoint.
L'Oscar pour "Hôtel Terminus" sur Klaus Barbie
Les Petits chanteurs viennois rythment ainsi Hôtel Terminus - Klaus Barbie, sa vie et son temps, son chef-d'œuvre qui lui vaut l'Oscar du meilleur film documentaire en 1989, après un tournage épuisant.
Dans Veillées d'armes, histoire du journalisme en temps de guerre (1994), l'interview à Sarajevo d'un acteur privé de ses jambes par un obus est ponctuée d'extraits shakespeariens – Henry V de Laurence Olivier – ou musicaux – Yankee Doodle Dandy de Michael Curtiz.
"Les documentaires restent de la mise en scène", expliquait à l'AFP le cinéaste qui abhorrait le commentaire et l'"hypocrisie faussement objective", mais détestait également qu'on mélange sans prévenir réalité et fiction.
La maîtrise de trois langues l'aidera à interviewer le nazi Albert Speer pour Memory of Justice (L'Empreinte de la justice, 1976) interrogeant le procès de Nuremberg ou le maître-espion est-allemand Markus Wolf pour November Days (1991) après la chute du mur de Berlin.
Suite à l'échec commercial de Veillées d'armées, il se réfugie dans le Béarn, dans le Sud-Ouest de la France, et reste de longues années sans travailler. Jusqu'à Un voyageur, présenté en 2013 dans une salle comble au Festival de Cannes. Carnet de voyage intime, entrecoupé d'extraits de classiques du cinéma dont des films d'Ophüls père, ce dernier film ramène le réalisateur dans les lieux marquants de sa jeunesse, en Suisse, en Amérique et en France.
Selon sa famille, au moment de sa mort, Marcel Ophüls travaillait à un film quasi achevé sur la montée de l'extrême droite en Europe et aux États-Unis et sur le conflit israélo-palestinien. Il y interrogeait l'occupation des territoires palestiniens et le lien possible entre cette situation et le regain d'antisémitisme en Europe.
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