"Emilie Dequenne était authentique" : Danielle Gain, son agent, évoque l'actrice célébrée par le festival De l'écrit à l'écran à Montélimar
Elle illumine l'affiche de l'édition 2025 du festival qui se tient jusqu'au 25 septembre. Rencontre avec Danielle Gain qui a représenté l'actrice belge Emilie Dequenne, disparue en mars, dès le début de sa carrière en 1999.
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Toute la journée du mardi 23 septembre, à Montélimar, où se déroule le festival De l'écrit à l'écran, les spectateurs ont pu découvrir trois films d'Emilie Dequenne qui s'est éteinte le 16 mars 2025. Rosetta, celui qui l'a révélée en 1999, Pas son genre (2014) et son dernier film de cinéma, TKT (2024). La journée d'hommage s'est poursuivie avec une soirée en présence de sa fille Mila, des comédiens Virginie Efira et Jérémie Renier, des cinéastes Christian Carion et Lucas Belvaux, du producteur Patrick Sobelman ainsi que de Danielle Gain, son agent.
Franceinfo Culture : Comment avez-vous rencontré Emilie Dequenne et comment êtes-vous devenue son agent ?
Danielle Gain : J'avais rencontré les frères Dardenne [Jean-Pierre et Luc] quelques années auparavant. Ils étaient venus me voir pour proposer un film à Bernard Giraudeau qui n'a pas pu le faire parce qu'il n'était plus libre quand le projet a pu se réaliser. Je les avais trouvés intéressants ces deux frères. Et quelques années après, en 1999, je vois au Festival de Cannes que Rosetta est projeté. C'était un vendredi, le dernier jour de la compétition.
Et quand je suis sortie, j'ai vu les producteurs, Michèle Halberstadt et Laurent Pétin. Je leur ai dit : "C'est la Palme d'or." Et Michelle m'a dit : "T'es complètement givrée." Mais j'avais quand même raison [elle sourit avec une mine entendue]. Michelle s'est souvenue de ça et, après le Festival de Cannes, elle m'a demandé si je voulais rencontrer Emilie parce qu'elle n'avait pas d'agent. Elle avait encore 17 ans. Je l'ai rencontrée à l'hôtel Lancaster, à Paris, et puis ça s'est fait tout de suite.
Vous avez côtoyé Emilie Dequenne pendant plus d'un quart de siècle. Qu'est-ce qui vous a marqué chez elle ?
La rigueur de ses choix. Elle n'aurait jamais tourné dans un film qui ne lui plaisait pas, même avec beaucoup d'argent. C'était vraiment la nécessité de faire ce qu'elle avait envie de faire. Bien sûr, quand on démarre une carrière avec une Palme d'or et un prix d'interprétation – ce que je n'avais pas prévu –, ça vous ouvre grand les portes. Elle a enchaîné avec Le Pacte des loups qui était un film à gros spectacle avec Samuel Le Bihan et Vincent Cassel. Les propositions sont ensuite arrivées et dès le début, elle a su choisir. Ce n'était pas quelqu'un qui rêvait de faire trois films par an. Comme elle dit, "peut-être des fois, je me suis trompée", mais je ne crois pas.
Quand elle a su pour son cancer, vous en a-t-elle parlé tout de suite ?
Oui, c'était il y a environ trois ans. Elle était jurée à Un certain regard à Cannes. Elle devait tourner trois films cette année-là. C'était des participations dont TKT, projeté ici, et qui est son dernier film de cinéma. Des tournages de 5, 6, 10 jours... Elle devait faire une série pour la RTBF [la télévision belge]. Elle a tourné TKT. Quand elle a démarré l'autre film, la productrice m'avait appelée en me disant qu'elle la trouvait fatiguée. Et puis un vendredi soir, elle avait très mal au ventre, ils l'ont emmenée d'urgence à l'hôpital. Ils ont fait des examens et découvert la tumeur. À l’époque, on ne savait pas si c'était cancéreux, mais la tumeur était très grosse. Ils l'ont opérée trois jours après pour l'enlever. Fin août, après la biopsie, on a su que la tumeur était cancéreuse, qu'il s'agissait d'un cancer agressif, non guérissable mais qui pouvait se stabiliser.
A-t-elle voulu communiquer sur son état dès le début ? Vous avait-elle expliqué sa démarche ?
Toujours. Elle était pas mal sur les réseaux sociaux. Et elle me disait : "Je communique mes joies quand je suis sur les réseaux. Il n'y a pas de raison que je ne communique pas mes peines et mes douleurs." En plus, j'étais très pour parce que j'avais eu l'expérience, vingt ans plus tôt, avec Bernard Giraudeau quand il a eu son cancer. À l’époque, j'en avais marre d'avoir des gens qui appelaient pour me dire qu'il était très malade. Ils faisaient presque sa nécrologie avant l'heure. Et Bernard avait communiqué sur le cancer. On avait fait une grande interview dans Paris Match, la couverture, en disant que le cancer n'est pas une maladie honteuse. Les comédiens craignent d'en parler parce qu'après, les productions disent que les assurances ne veulent plus suivre. En même temps, bien portant, vous pouvez traverser la rue et avoir un accident ou encore un infarctus. Les artistes ont peur de ça et surtout les femmes. Elles ont peur de ne plus travailler. Mais Emilie a toujours voulu communiquer sur la maladie.
Son état de santé a-t-il changé quelque chose à ses choix ?
Quand elle a arrêté le film en cours de route puisqu'elle a été opérée, elle n'a jamais plus tourné, à part Capitaine Marleau à la fin. Il n'y avait plus de choix à faire. Emilie n'espérait qu'une seule chose : guérir pour reprendre son métier. Je me suis aperçue que le troisième film dans lequel elle devait tourner, c'était Louise (2025). Cécile de France a repris le rôle.
La maladie a été assez lourde. Dès le début, il y a eu la chimio : elle a perdu ses cheveux, elle avait des nausées, tout ce que la chimiothérapie peut apporter comme désagréments. Un an après, il y a eu ce moment où on lui a parlé de rémission totale. C'est de cette période que date la photo de l'affiche du festival De l'écrit à l'écran. En 2024, Thierry Frémaux l'avait invitée à Cannes pour les 25 ans de Rosetta. Elle n'est pas restée tout le temps parce qu'elle entamait le tournage de Capitaine Marleau.
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Quand elle a su pour la rémission en avril 2024, elle m'avait dit :"Il faut que je tourne." Et puis elle me rappelle le lendemain, c'était un mardi : "J'ai vu que Deborah François faisait un Capitaine Marleau. Je ferais bien un Capitaine Marleau." Et le samedi, le téléphone sonne et le directeur de casting de Marleau m'appelle et me dit : "Il y a Josée Dayan qui veut savoir comment va Emilie". Je lui réponds que ça va puisqu'elle vient d'apprendre qu'il y a une rémission totale. Et je lui lance en rigolant : "Pourquoi ? Tu ne m'appelles pas pour me proposer un Capitaine Marleau ?". Il me dit si.
Ça a été formidable pour Emilie. Le tournage était en même temps que le Festival de Cannes, mais elle a pu y aller pour l'ouverture. Elle y est allée les cheveux courts. Elle m'a dit qu'elle ne voulait pas mettre de perruque : "Je vais y aller comme ça." Les cheveux courts lui allaient très bien. Emilie est magnifique sur la photo. Ensuite, elle a tourné Marleau. Et puis, tout d'un coup, en juillet, tout a recommencé.
Qu'est-ce qu'on devrait retenir d'elle selon vous qui l'avez si bien connue ?
Emilie était évidemment une comédienne extraordinaire. Mais j'ai été sidérée par le nombre de gens qui m'ont appelée pour me dire : "On ne la connaissait pas, mais on l'aimait." Je crois qu'il y avait chez elle une authenticité entre la comédienne qu'elle était et sa manière de vivre. Elle était profondément gentille, ouverte et je crois que ça se ressentait. C’était ça, cette authenticité qu'elle avait toujours aussi eue dans ses choix. À son enterrement, je rappelais que Brassens dit toujours que les morts sont tous des braves types, mais ce n’est pas vrai. Cependant, en ce qui concerne Emilie, c'est vrai. Elle était exactement ce qu'on a dit : une femme généreuse, qui avait son caractère bien sûr, simple, naturelle. D'ailleurs, je vois le nombre de comédiennes et comédiens qui lui rendent hommage. Emilie Dequenne était authentique.
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