Festival de Cannes 2025 : "O agente secreto", extraordinaire plongée dans le Brésil de la dictature militaire des années 1970 dans un passionnant thriller

Kleber Mendonça Filho signe un thriller politique, poétique et bouleversant, porté par un Wagner Moura impressionnant de justesse et de présence. Ce dernier a obtenu le Prix d'interprétation masculine.

Mohamed Berkani

France Télévisions - Rédaction Culture

Publié le 19/05/2025 15:03 Mis à jour le 24/05/2025 23:46

Temps de lecture : 4min

Wagner Moura dans "O agente secreto" ("L'Agent secret") de Kleber Mendonça Filho. (VICTOR JUCA)

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Cet article a été mis à jour le 24 mai. "L"Agent secret" a remporté le Prix de la mise en scène, Wagner Moura le Prix d'interprétation masculine.

Treize minutes de standing ovation pour Kleber Mendonça Filho et son équipe après la projection de son dernier opus, O agente secreto (L'Agent secret), une œuvre d'une rare originalité. Le film s'ouvre sur un succès musical de 1977 au Brésil. Deux personnes échangent en off sur ce titre qui fait danser tout le pays. Une discussion banale, mais la situation ne l'est pas. Le pays est tenu d'une main de fer par une dictature militaire depuis 1964.

À l'écran, rien ne transparaît de ce régime, sinon le portrait officiel du président et des flics ripoux, mais l'atmosphère demeure suffocante, oppressante. Il règne une forme d'urgence anxiogène, sombre, que seule la solidarité arrive à illuminer par intermittence. Kleber Mendonça Filho signe avec O agente secreto, en course pour la Palme d'or, un thriller politique subtil et poétique. Et Wagner Moura qui incarne Marcelo, un quadragénaire fuyant une menace diffuse, est bluffant de justesse et de présence. L'acteur brésilien, dont la notoriété a explosé après son interprétation de Pablo Escobar dans la série Narcos diffusée sur Netflix, porte le film de bout en bout. L'acteur ne cache pas sa joie de tourner chez lui, au Brésil, et dans sa langue maternelle, en portugais.

O agente secreto est un film hybride, hétéroclite, qui mélange avec talent de nombreux genres. Kleber Mendonça Filho adresse ainsi un clin d'œil au cinéma hollywoodien et à… Jean-Paul Belmondo qu'on voit dans un extrait du film Le Magnifique, pastiche de film d'espionnage de Philippe de Broca dont lequel il joue le rôle d'un faux agent secret. Le long-métrage flirte aussi avec le réalisme magique, comme avec ce pied retrouvé dans le ventre d'un requin, en référence au film Les Dents de la mer, et qui jeté une nouvelle fois d'un pont, revient terroriser la population.

Présent pour la troisième fois à Cannes, le réalisateur brésilien confie qu'il s'est penché sur cette page noire du pays pour des raisons personnelles. "En 1977, j'avais 9 ans, c'étaient mes premiers souvenirs de cette période marquante de ma vie", confie-t-il. "Le Brésil a un problème d'amnésie qui a causé un traumatisme."

En 1977, donc, Marcelo met fin à son exil intérieur, quitte Sao Paulo pour Recife afin de rejoindre son fils élevé par ses beaux-parents. Un industriel lance contre lui deux tueurs à gages. Marcelo trouve asile dans un immeuble habité par des réfugiés.

Dans ce film à tiroirs, Kleber Mendonça Filho aborde de nombreux thèmes, dont la question essentielle : quel comportement adopter face à un pouvoir dictatorial ? Résister, accepter, se soumettre, participer ? Ce choix individuel est déterminant. "Ce film est centré sur les valeurs. Quand les valeurs d'en haut sont tordues, comment faire pour vivre avec les siennes ?", observe Wagner Moura. O agente secreto, un thriller politique atypique, ténébreux et traversé par des éclairs de lumière et d'humanité.

La fiche

Genre : Policier

Réalisateur : Kleber Mendonça Filho

Scénario : K. Mendonça Filho

Avec : Wagner Moura, Maria Fernanda Candido, Gabriel Leone

Date de sortie : NC

Synopsis : Brésil, 1977. Marcelo, un homme d'une quarantaine d'années, fuyant un passé trouble, arrive dans la ville de Recife où le carnaval bat son plein. Il vient retrouver son jeune fils et espère y construire une nouvelle vie. C'est sans compter sur les menaces de mort qui rôdent et planent au-dessus de sa tête…