En créant des images inspirées du Studio Ghibli, sans accord de licence, ChatGPT donne corps aux craintes des auteurs

Les géants américains de l'intelligence artificielle, comme OpenAI, veulent faire fi du droit d'auteur pour développer leurs outils.

Article rédigé par franceinfo Culture avec AFP
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 6min
La photo de profil, façon Studio Ghibli, de Sam Altman, le fondateur d'OpenAI sur le réseau social X (ex-Twitter). (COMPTE X DE SAM ALTMAN)
La photo de profil, façon Studio Ghibli, de Sam Altman, le fondateur d'OpenAI sur le réseau social X (ex-Twitter). (COMPTE X DE SAM ALTMAN)

Tout y passe depuis quelques jours : photos personnelles, images d'actualités, œuvres artistiques ou encore messages politiques. La version actualisée de l'interface d'intelligence artificielle (IA) générative ChatGPT d'OpenAI offre désormais la possibilité de produire une image inspirée du style du célèbre créateur japonais de films d'animation Studio Ghibli sans accord de licence. Ce qui relance le débat sur l'utilisation de contenus protégés pour développer ces logiciels.

Beaucoup d'internautes ont mis en ligne, sur les réseaux sociaux, des images générées par ChatGPT après avoir demandé un dessin dans le style, très reconnaissable, du Studio Ghibli, le créateur de films animés à succès comme Mon voisin Totoro, Porco Rosso ou Princesse Mononoké. Le compte du président Macron a suivi le mouvement : le 29 mars, c'est une image façon Studio Ghibli qui lui a servi à rendre hommage à la Protection Civile qui célèbre ses soixante ans.

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Beaucoup moins positive, la Maison Blanche a posté, elle, jeudi 27 mars une image inspirée du studio japonais d'une ressortissante dominicaine interpellée pour trafic de stupéfiants. La jeune femme, qui apparaît pleurant les menottes aux poignets, a été interpellée à Philadelphie, d'après la Maison Blanche, après avoir été expulsée du territoire américain.

Plusieurs internautes soulignent que les dessins générés par ChatGPT ne seraient pas du goût du grand maître japonais, Hayao Miyazaki, dont le style a été célébré à Cannes en 2024 par une Palme d'or. Le cofondateur et personnage emblématique de Ghibli s'est montré, par le passé, très critique sur l'utilisation de l'IA dans le dessin animé. "Je n'aurais jamais l'idée d'intégrer cette technologie dans mon travail", avait-il déclaré dans un documentaire de la télévision publique japonaise NHK. "Je pense sincèrement que c'est une insulte à la vie même."

OpenAI n'a pas passé d'accord de licence avec le fameux studio. Jeudi, plusieurs internautes ont affirmé s'être vus refuser une demande mentionnant le Studio Ghibli, ChatGPT invoquant une violation du règlement d'OpenAI. "Nous empêchons la création de contenu inspiré spécifiquement d'artistes vivants, mais nous le permettons pour le style d'un studio, qui est plus large", a indiqué à l'AFP une porte-parole d'OpenAI. "Notre objectif est d'offrir aux utilisateurs autant de liberté créative que possible", a-t-elle ajouté. 

Il était déjà possible de générer des images grâce à ChatGPT, mais l'actualisation du modèle, ou programme (GPT-4o), sur lequel s'appuie l'interface permet d'obtenir des résultats sophistiqués grâce à des demandes très succinctes, ce qui n'était pas le cas auparavant. GPT-4o est différent des versions initiales de l'algorithme (GPT 3.5 pour la première mouture de ChatGPT par exemple) car il peut "raisonner", c'est-à-dire décomposer la demande en étapes plutôt que de produire un résultat instantané.

Convaincre l'administration Trump

La dernière cuvée de ChatGPT, mise en ligne mercredi 28 mars, propose aussi des évolutions plus pertinentes d'une image en fonction de la discussion avec l'utilisateur (itérations). OpenAI avait initialement indiqué que le nouveau modèle serait disponible pour tous les utilisateurs de ChatGPT, payants ou non, mais le patron d'OpenAI, Sam Altman, a annoncé un report pour la version gratuite.

"Les images de ChatGPT sont beaucoup plus demandées que ce que nous imaginions (et nous avions des attentes élevées)", a-t-il écrit mercredi sur X (ex-Twitter) pour justifier ce délai. Ces dernières heures, le patron d'OpenAI n'a cessé de faire savoir que ses équipes étaient submergées par l'enthousiasme suscité par le style du Studio Ghibli. 

Si OpenAI semble dépassé par son succès actuel, la firme mène pourtant une campagne de lobbying agressive auprès de la Maison Blanche et du Congrès pour que l'utilisation de contenus protégés par le droit d'auteur par les entreprises d'intelligence artificielle fasse partie de la doctrine du"Fair Use" (de utilisation équitable).

Les géants de la tech, Google et OpenAI au premier plan, souhaitent entraîner leurs modèles d'IA sur le plus possible de contenus protégés par les droits d'auteur. Autrement, selon eux, les pays rivaux comme la Chine pourraient acquérir un avantage concurrentiel sur les États-Unis dans le domaine. 

Hollywood organise la résistance

Dans une lettre ouverte à la Maison Blanche, plus de 400 artistes ont appelé mi-mars le président Trump, qui a fait du développement de l'Inteligence artificielle une priorité, à protéger les droits d'auteur des œuvres cinématographiques et musicales contre leur exploitation par l'intelligence artificielle. Le cinéma américain s'est déjà mobilisé sur le sujet lors de sa grève historique de plusieurs mois en 2023.

La nouvelle prouesse de ChatGPT vient nourrir le débat autour de l'utilisation par les géants de l'IA générative de données, texte, images, dessins, sons ou vidéos sans autorisation explicite pour développer leurs interfaces. Plusieurs d'entre eux ont été assignés en justice aux Etats-Unis, pour infraction au droit de propriété intellectuelle, mais aucun de ces dossiers n'a encore été tranché sur le fond.

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