"Journal intime du Liban" : le cri de colère et d'espoir de Myriam El Hajj dans un documentaire bouleversant

Trois personnes, trois destins, trois parcours, un seul pays, le Liban : Georges Moufarej, vétéran hanté par la guerre civile, Joumana Haddad, ancienne journaliste candidate à la députation, et Perla Joe Maalouli, artiste activiste en lutte contre un système politique sclérosé.

Myriam El Hajj filme avec ses tripes ce pays qu'elle aime malgré tout ; malgré la corruption, malgré le système politique et confessionnel, malgré la dizaine de familles qui tient le Liban entre leurs mains depuis des décennies. Dans son documentaire lumineux et résolument humaniste, Journal intime du Liban, elle s'attache à dire les traumatismes qui traversent le pays du cèdre à travers trois habitants de Beyrouth, trois générations sacrifiées. En salles mercredi 15 octobre.

Georges vit dans le passé, toujours présent. En 1975, au début de la guerre civile, il a participé à une action qui continue de le hanter. En regardant l'état de son pays, il questionne son engagement militaire et ses certitudes volent en éclats. Georges en arrive à douter de tout. Il confie que s'il devait reprendre les armes, ses cibles seraient peut-être autres. Georges, insomniaque, vit dans un pays déserté par l'espoir. Alors, il veille tard à refaire et défaire chaque nuit ce qui n'est plus de son ressort. Georges se rend quotidiennement chez son coiffeur, unique lien vers le monde.

Si Georges souffre de solitude, comme mis aux oubliettes, Joumana et Perla, elles, au contraire, sont dans l'action, dans le mouvement. Elles rêvent d'un nouveau monde, débarrassé des scories du passé. Joumana et Perla veulent un peuple uni au-delà des religions et des castes sociales. "Pourquoi mon père prie les saints pour faire guérir ma mère de son cancer au lieu de pouvoir la faire soigner dans un pays digne de ce nom", se révolte Perla. Elle dénonce la corruption endémique.

La caméra de Myriam El Hajj est empathique, jamais dans le jugement. Pudique quand Georges, au soir de sa vie, porte un regard désabusé sur le jeune homme qu'il était, lumineuse et complice devant l'indignation de l'ancienne journaliste et la lutte de l'artiste. Parce que "même maudit", elles l'aiment ce pays.

Le documentaire, qui couvre la période allant de 2018 à 2021, est un défi à plus d'un titre : il donne corps et parole aux révoltés. La réalisatrice entend faire en sorte que les politiciens ne soient pas les seuls à détenir le narratif. Sa caméra est un témoin privilégié de la révolution d'Octobre 2019.

Journal intime du Liban est aussi le combat d'un pays empêché, un film qui malgré tout fait du bien. Parce que même dans les moments les plus douloureux demeure l'espoir. Journal intime du Liban, un documentaire de rage et de résistance.

La fiche

Genre : Documentaire
Réalisation : Myriam El Hajj
Titre original : Diaries from Lebanon
Durée : 1h50
Distributeur : Les films des deux rives
Synopsis : Maudits sur trois générations ! Dans un pays pris en otage, trois habitants de Beyrouth tentent de survivre : Georges, vétéran hanté par le passé, Joumana, militante candidate à la députation, et Perla Joe, artiste engagée. Un récit intime et brûlant d'un pays en perpétuelle quête de liberté.