"Connemara" : Alex Lutz traduit l'esprit de l'œuvre de Nicolas Mathieu là où on ne l'attend pas

L'acteur Alex Lutz livre sa version cinématographique de ce roman, qu'il adapte après s'être fait doubler sur les droits de "Leurs enfants après eux", qu'il souhaitait mettre en scène.

Article rédigé par Laurence Houot
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Mélanie Thierry et Bastien Bouillon dans Connemara, d'Alex Lutz, sortie le 10 septembre 2025. (JEAN-FRANCOIS HAMARD  / INCOGNITO PICTURES - SUPERMOUCHE PRODUCTION - STUDIOCANAL - 2025)
Mélanie Thierry et Bastien Bouillon dans Connemara, d'Alex Lutz, sortie le 10 septembre 2025. (JEAN-FRANCOIS HAMARD / INCOGNITO PICTURES - SUPERMOUCHE PRODUCTION - STUDIOCANAL - 2025)

Après l'adaptation un peu étouffante en 2024 de Leurs enfants après eux, signée des frères Boukherma, Alex Lutz s'attaque à son tour à une œuvre du Prix Goncourt 2018. Connemara, sixième long-métrage d'Alex Lutz à la réalisation, avec Mélanie Thierry, Bastien Bouillon, et Jacques Gamblin, sort dans les salles le 10 septembre.

Hélène (Mélanie Thierry), la quarantaine, est en burn-out. Elle a depuis longtemps quitté les Vosges, où elle a grandi dans une famille de la classe moyenne. Elle est montée à Paris, a fait carrière, s'est mariée, a deux filles. Pour se reconstruire, elle a décidé de revenir s'installer avec sa famille dans sa région. Là, elle retrouve son fantasme de jeunesse : Christophe Marchal (Bastien Bouillon), le beau gosse du lycée, hockeyeur prometteur quand ils étaient ados. Alors qu'elle n'a rien calculé, elle tombe dans les bras de cet homme, resté sur place, à des années-lumière de ce qu'elle est devenue.

Pendant qu'Hélène est montée à la capitale et a réussi à s'extraire de son biotope et de sa famille qu'elle méprise, Christophe, lui a fait du surplace. Il vend des croquettes pour animaux domestiques, s'est séparé de la mère de son fils, et vit dans la maison de son vieux père chez qui il est revenu. Il dort dans sa chambre d'ado, intacte, et passe pas mal de temps à faire la fête et à picoler avec ses amis d'enfance. Il a bien du mal à aider son garçon, victime des moqueries de ses camarades de classe.

"Il a fait le choix d’un périmètre, et, dans ce monde-là, il assure"

L'acteur et réalisateur d'Une nuit ou de Guy passe à nouveau derrière la caméra pour adapter cet ambitieux roman paru en 2022, celui qui a suivi Leurs enfants après eux, prix Goncourt 2018. L'entreprise d'adaptation d'une œuvre comme celle de Nicolas Mathieu est périlleuse. Comment restituer au cinéma cette matière littéraire composée de couches habilement entremêlées, qui peignent non seulement des personnages, des corps, des sentiments, mais aussi un corps social, un monde, celui des fractures, des hontes et des désirs de revanche qui les accompagnent ?

L'engagement de Bastien Bouillon et de Mélanie Thierry et les quelques scènes à message posées là un peu lourdement ne parviennent pas à traduire à l'écran les enjeux du roman de Nicolas Mathieu, et ce presque jusqu'au bout du film. Comme celle des frères Boukherma, l'adaptation d'Alex Lutz, à la mise en scène un peu maniérée, avec grand renfort d'effets de flous, d'images surexposées, façon comédie romantique, reste en surface.

Il faut attendre la fin pour qu'enfin les enjeux de l'oeuvre de Nicolas Mathieu surgissent, là où on ne les attend pas. Le film prend tout son sens avec une intrigue secondaire, la plus émouvante, qui finit par cannibaliser le film tant elle est forte : la présence de Christophe auprès de Gérard, ce vieux père incarné par un magnifique Jacques Gamblin, perdant la mémoire, et l'attention merveilleuse du fils à le protéger et à lui offrir une fin de vie digne. C'est à travers cette histoire périphérique que la question du déterminisme, de l'émancipation, du choix et de ses modalités, au cœur du livre de Nicolas Mathieu, comme du film d'ouverture du festival de Cannes, Partir un jour, arrive enfin sur le devant de la scène.

Entre Christophe et Hélène, qui a raison, qui a tort ? Qui a fait le bon choix de vie ? Faut-il quitter (renier ?) ses origines pour devenir un adulte respectable, et fier ? Le film, comme le livre, ne tranche pas. Mais "ce 'loser' s’entend avec son ex-femme, s’occupe de son père du mieux qu’il peut, en dépensant tout ce qu’il a d’économies pour lui offrir une fin de vie acceptable, et il prend soin de son fils. En plus, il vit une magnifique liaison. Il n’est pas devenu un grand champion de hockey, et alors ? Il a fait le choix d’un périmètre, et, dans ce monde-là, il assure", répond Alex Lutz.

Affiche du film "Connemara", d'Alex Lutz, sortie le 10 septembre 2025. (STUDIOCANAL)
Affiche du film "Connemara", d'Alex Lutz, sortie le 10 septembre 2025. (STUDIOCANAL)

La Fiche

Genre : Drame
Réalisation : Alex Lutz
Avec : Mélanie Thierry, Bastien Bouillon, et Jacques Gamblin
Pays : France
Durée : 1h 52min
Sortie :
 10 septembre 2025
Distributeur : StudioCanal
Synopsis : Issue d'un milieu modeste, Hélène a quitté depuis longtemps les Vosges. Aujourd'hui, elle a la quarantaine. Un burn-out brutal l’oblige à quitter Paris, revenir là où elle a grandi, entre Nancy et Epinal. Elle s'installe avec sa famille, retrouve un bon travail, la qualité de vie en somme… Un soir, sur le parking d’un restaurant franchisé, elle aperçoit un visage connu, Christophe Marchal, le bel Hockeyeur des années lycées. Christophe, ce lointain objet de désir, une liaison qu'Hélène n'avait pas vue venir... Dans leurs étreintes, ce sont deux France, deux mondes désormais étrangers qui rêvent de s’aimer. Cette idylle, cette île leur sera-t-elle possible ?

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