"Fragments d'un parcours amoureux" : Chloé Barreau explore son passé sentimental dans un documentaire intime à la portée universelle
De son premier émoi à sa dernière rupture, la réalisatrice se met à nu dans un documentaire à la frontière du film de fiction.
Leurs histoires d'amour ressemblent à une chanson de Marie Laforêt. Sauf qu'au lieu d'Anton, Boris et Ivan, il y a Sébastien, Laurent, Ariane, Rebecca, Anne, Jean-Philippe, Anna, Bianca, Marina, Marco et Caroline. Ils ne se connaissent pas tous, mais à un moment de leur vie, ils se sont épris de la réalisatrice Chloé Barreau.
"L'idée n'est pas de réaliser un film sur moi, plutôt d'être le cobaye d'une exploration amoureuse", explique la cinéaste à Franceinfo Culture pour décrire son travail. Ce documentaire inédit allie prises de parole face caméra et vidéos d'époque pour un résultat poignant bien qu'expérimental. Présenté à la Mostra de Venise, Fragments d'un parcours amoureux s'invite dans les salles françaises à partir du 4 juin.
Avec son premier film, La faute à mon père (2012), Chloé Barreau s'attaquait à son histoire familiale. Dans ce nouveau documentaire, la cinéaste française convoque ses anciens amours, et dévoile au public les fragments de son parcours amoureux. Si le jeu de mots avec l'essai de Roland Barthes Fragments d'un discours amoureux (1977) est évident, la démarche de Chloé Barreau dépasse la théorie. Depuis son adolescence, entre la France et l'Italie, la réalisatrice documente sa vie amoureuse qu'elle filme et archive. "C'est une manie, j'ai ce besoin de saisir l'instant présent et de garder des traces de ce que je vis", raconte-t-elle.
En plus des vidéos d'archives, douze anciens et anciennes partenaires de la cinéaste témoignent face caméra. "C'est une expérience particulière, mais quelles que soient les réticences, c'est une proposition assez irrésistible de raconter sa version d'une histoire d'amour" estime Chloé Barreau. Parmi ses anciens amours, nous reconnaissons la réalisatrice Rebecca Zlotowski, l'actrice Anna Mouglalis et l'écrivaine Anne Berest, nommées seulement après leur prénom. "Leur participation a été plus compliquée, en Italie ça ne venait pas parasiter le débat mais en France elles sont célèbres", explique la réalisatrice, "je leur suis très reconnaissante d'avoir accepté".
L'œuvre d'une amoureuse de l'amour
"Quand elle entre dans votre vie, c'est un attentat" raconte Laurent lorsqu'il évoque sa rencontre avec Chloé qu'il qualifie affectueusement de "terroriste de l'amour". D'ailleurs la réalisatrice définit elle-même l'amour comme son "activité principale", et dans ce domaine, elle prêche un romantisme pur. "Nous nous sommes lues à voix haute L'Homme qui rit de Victor Hugo, de la première ligne au dernier mot" se rappelle Anne Berest, avec nostalgie.
Il faut imaginer, Chloé Barreau est la fille d'un prêtre défroqué et d'une infirmière. En 1971, son père, l'abbé Jean-Claude Barreau marie sa mère, Ségolène. À l’époque, l'affaire est reprise par les médias et fait scandale. "En matière d'amour, ils ont placé la barre très haut" témoigne le fruit de cette union interdite. À son tour, Chloé Barreau médiatise sa vie amoureuse, sûrement moins scandaleuse mais extrêmement romanesque. "Sa vie est son œuvre" résume Marco, ami et ancien amant. La réalisatrice confirme ce lien étroit entre art et existence : "Je n'avais rien vécu tant que je ne l'avais pas raconté.". Elle qui déplore le manque de récits documentaires sur le thème de l'amour.
Raconter sa vie nécessite de convoquer ses souvenirs, et c'est Rebecca Zlotowski qui met le doigt sur la question qui nous occupe : "A qui appartiennent nos souvenirs ?" ou pour reprendre les paroles de Charles Trenet : "Que reste-t-il de nos amours ?". Pour répondre à ces questions Chloé Barreau choisit l'absence et opte pour un récit à la troisième personne. La réalisatrice délègue le travail à la journaliste Astrid Desmousseaux qui mène les entretiens et recueille la parole de ses anciens partenaires.
"Je m'expose à un retour de flamme, c'est la règle du jeu", souligne Chloé Barreau consciente qu'interviewer douze ex-partenaires signifie revenir sur douze ruptures. Leurs souvenirs dressent un portrait pas toujours flatteur de la réalisatrice qui a gardé contact mais réside désormais en Italie. Rebecca Zlotowski parle même d'un "exil sentimental", rien que ça. Encore une preuve que les dégâts amoureux occupent une place prépondérante dans l'existence de Chloé Barreau.
Jamais lasse d'aimer, la réalisatrice montre avec brio que si elles sont bien racontées, les histoires privées peuvent aussi être universelles. Avec générosité, elle révèle son passé amoureux mais sait rester dans l'ombre pour permettre au spectateur d'être touché par cette exploration sensible. Pour reprendre les merveilleux mots d'Anna Mouglalis, Fragments d'un parcours amoureux est la confirmation que "Plus on aime, plus on aime".
La fiche
Genre : Documentaire
Réalisation : Chloé Barreau
Avec : Rebecca Zlotowski, Anna Mouglalis, Anne Berest
Pays : Italie
Durée : 1h35min
Sortie : 4 juin 2025
Distributeur : Destiny Films
Synopsis : Depuis ses 16 ans, entre Paris et Rome, Chloé a filmé ses amours. Coup de cœur adolescent, relation à distance, passion charnelle... alors qu’elle vivait une histoire, elle en fabriquait déjà le souvenir. Mais de quoi se souviennent ces ex ? Quelle est leur version des faits ? Douze d’entre eux se livrent pour reconstituer un parcours sentimental aussi singulier qu’universel.
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