"Springsteen: Deliver Me From Nowhere" : mélancolique, le premier biopic autorisé du Boss se concentre sur la genèse douloureuse de son album "Nebraska"
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L'acteur Jeremy Allen White, vu dans la série "The Bear", se glisse tout en retenue dans la peau du chanteur et musicien Bruce Springsteen.
Même en cherchant bien, on ne trouve pas trace de soufre dans l'existence du Boss. Nulle frasque, zéro excès. Bruce Springsteen n'est pas Elton John, Amy Winehouse ou Freddie Mercury. Comment, dans ces conditions, captiver les foules en transposant sa vie à l'écran ? Une faille douloureuse accompagne cependant en silence le musicien depuis des lustres : une dépression au long cours, dont peu avaient conscience avant qu'il n'en fasse état ces dernières années, à la fois dans son autobiographie sortie en 2016 et en interviews.
Pour le premier biopic autorisé sur le chanteur du New Jersey, en salles mercredi 22 octobre, intitulé Springsteen: Deliver Me From Nowhere, le réalisateur Scott Cooper s'engouffre dans cette brèche. Il raconte un épisode particulièrement difficile de la vie de Bruce Springsteen, lorsque les blessures d'enfance revinrent le hanter jusqu'à le mener au bord de l'abîme, alors qu'il se trouvait au seuil de la gloire.
Le récit est basé sur Deliver Me From Nowhere (2023), une enquête fouillée de Warren Zanes sur la réalisation de l'album Nebraska. Un disque atypique, sorti entre l'album The River (1980), qui l'avait hissé pour la première fois en tête des ventes aux États-Unis, et l'album Born in the USA (1984), qui lui valut un succès mondial et un statut de star internationale jamais démenti à ce jour.
Si Nebraska n'est pas l'album que les fans citent spontanément comme leur favori, il constitue néanmoins une parenthèse audacieuse dans la discographie de Springsteen. Ce disque entièrement acoustique, il l'a enregistré seul dans sa chambre, alors qu'il était au fond du trou psychologiquement. C'est sur la genèse de cet enregistrement que Scott Cooper a choisi de s'arrêter. Et de gratter.
Hanté par les traumas surgis du passé
À l'issue de la tournée de The River, Bruce Springsteen, 32 ans, est vidé. Physiquement, mais aussi mentalement. À coups de flash-back en noir et blanc filmés à hauteur d'enfant, Scott Cooper nous donne à voir, parfois de manière un peu trop appuyée, les traumas d'enfance qui ressurgissent alors sans crier gare chez le musicien. Des plaies béantes liées à son père, ouvrier alcoolique incapable d'affection, qui sera bien plus tard diagnostiqué schizophrène, joué ici par Stephen Graham (le père de la série Adolescence).
Réfugié dans un nouvel appartement du New Jersey, Bruce, abattu, désorienté, affronte ses démons en solitaire. Il écoute en boucle Frankie Teardrop du duo punk électronique Suicide, regarde le film Badlands de Terrence Malick et enregistre des chansons sur un magnétophone quatre pistes, dont Nebraska, seul à la guitare et à l'harmonica. "Je cherche une vérité au milieu du bruit ambiant. (…) Je tente de nouvelles expériences. Elles viennent des tripes", glisse-t-il à son manager Jon Landau en lui confiant une cassette de ses nouvelles chansons. "C'est sombre. Je ne sais pas quoi faire de ça", avoue ce dernier à son épouse.
Dans ce film sensible et mélancolique, lent et feutré, qui laisse respirer les silences, Scott Cooper s'attache à montrer la vulnérabilité de l'artiste, son introspection, et les affres de la création. Mais, faute de changements de rythme, il menace parfois de sombrer dans une langueur monotone.
Un beau duo d'acteurs
Dans le rôle principal, Jeremy Allen White est impeccable, tout en retenue. Il ne singe pas, ne surjoue pas, se contentant d'interpréter Springsteen dans une physicalité expressive de peu de mots. Dans une scène particulièrement bouleversante, il est même magistral, exprimant durant quelques secondes silencieuses toute la détresse et la douleur accumulées.
Ce rôle fait d'ailleurs fortement écho à celui du chef cuisinier taiseux et tourmenté de la série The Bear pour lequel il est le plus connu. Springsteen, qui n'a cessé ces derniers mois de tresser les louanges de l'acteur, y compris pour sa voix (car oui, Allen White chante, et pas trop mal) a veillé au grain et à l'authenticité des détails, jusque sur le tournage.
Avec Jeremy Strong (Succession, The Apprentice), qui prête ses traits au manager de Springsteen Jon Landau avec une sobriété remarquable, ils forment un épatant duo d'acteurs. Dans ce pas de deux, les deux Jeremy sont au diapason, solidaires, comme l'étaient alors, dans l'adversité et le doute, Bruce et Jon. Bien plus que son aventure avec une serveuse (personnage composite de fiction joué par Odessa Young), la relation des deux hommes, faite de respect et d'affection réciproques, l'intello admiratif protégeant le musicien cabossé, devient le cœur battant du film.
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Springsteen s'obstine. Il refuse d'enregistrer le disque en studio avec le E Street Band. "Le groupe vampirise Nebraska", justifie-t-il, et "perd en studio ce qui le rend unique". Ces bandes intimes, il veut les laisser telles qu'elles, juste passées à l'Echoplex, qui met de la réverbération sur sa voix, "comme surgie du passé". "Je ne veux pas que ce soit parfait, je veux que ça sonne juste", plaide-t-il.
Jon Landau doute mais le soutient coûte que coûte. Car il "croit" en Bruce, comme il ne cesse de le répéter aux cadres de la maison de disques, qui attendent de cet artiste en pleine ascension "des tubes, pas de la dépression nerveuse". Bruce aura gain de cause et l'album remportera un beau succès. Mais Springsteen devra néanmoins en passer par la case psy avant de triompher deux ans plus tard avec Born in the USA.
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La fiche
Genre : Biopic, Drame musical
Réalisation : Scott Cooper
Avec : Jeremy Allen White, Jeremy Strong, Paul Walter Hauser, Stephen Graham
Pays : États-Unis
Durée : 2h00
Sortie : 22 octobre 2025
Distributeur : The Walt Disney Company France
Synopsis : La genèse de l'album Nebraska au début des années 1980, période au cours de laquelle le jeune musicien, sur le point d'accéder à une notoriété mondiale, lutte pour concilier les pressions du succès et les fantômes de son passé.
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