Charles Péguy : encore si méconnu, cent ans après sa mort
On célèbrera, dans quelques jours, le centenaire de la mort de l'écrivain Charles Péguy, tué sur le front aux premiers mois de la Grande Guerre. De la droite à la gauche, on le lit, on le cite, on s'en réclame. Pourtant le poète et polémiste inclassable, socialiste libertaire puis fervent catholique, reste un grand méconnu.
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Charles Péguy est mort il y a cent ans, le 5 septembre 1914, tué au front, au début de la Première Guerre mondiale. Il était né en 1873 dans une famille modeste. Enfant de l'Ecole de la IIIe République qui s'est hissé jusqu'à Normale Sup, il a défendu le socialisme dans plusieurs publications, dont la revue Les Cahiers de la Quinzaine, qu'il a fondée en 1900.
Cet apôtre de la justice sociale et d'une mystique républicaine qui se voulait au dessus des partis a rejeté le socialisme parlementaire d'un Jean Jaurès pour faire cavalier seul, notamment à partir de son évolution vers le catholicisme en 1907-1908. La foi ne quittera plus cet admirateur de Jeanne d'Arc, ce patriote "mort pour la France" le premier jour de la Bataille de la Marne. Rebelle et philosémite, dreyfusard dès 1898 et jusqu'au bout de sa vie.
De nombreux héritiers proclamés
Irréductible Péguy! Rejeté ou encensé. Damien Le Guay a recensé récemment ceux qui s'en réclament dans "Les Héritiers Péguy" (Bayard). Sur la scène intellectuelle, cela va du philosophe Alain Finkielkraut (auteur du "Mécontemporain" écrit il y a 15 ans à son propos) aux journalistes-essayistes Edwy Plenel et Jacques Julliard, de l'écrivain Yann Moix au comédien Michael Lonsdale. Et sur l'échiquier politique, de l'UMP Henri Guaino au PS Jean-Pierre Sueur - ancien maire d'Orléans, ville natale de Péguy -, en passant par le centriste François Bayrou.
"Ses héritiers sont nombreux et, c'est frappant, viennent d'horizons divers", dit son arrière-petit-fils Olivier Péguy. "Poète, polémiste, catholique, socialiste, anarchiste, il est tout cela à la fois. Ce qui inspire aujourd'hui, c'est cette liberté de pensée, ce côté empêcheur de penser en rond", ajoute-t-il, citant son aïeul: "Il y a quelque chose de pire que d'avoir une mauvaise pensée. C'est d'avoir une pensée toute faite".
Toujours méconnu
Péguy, pourtant, revient de loin. Son oeuvre a été largement éclipsée dans l'après-Seconde Guerre mondiale, victime de son annexion par le régime de Pétain. Mais Vichy n'avait pas le monopole de Péguy. "Sa pensée était aussi à Londres, avec De Gaulle, qui le tenait pour l'écrivain l'ayant le plus influencé. Et elle était extrêmement présente dans les camps de prisonniers et la Résistance", souligne Damien Le Guay.
Depuis, si la récupération a reculé, la méconnaissance perdure. Des titres comme "Notre Jeunesse" (1910) ou "L'Argent" (1913), ode aux "hussards noirs" de l'Ecole et dénonciation de "la monstrueuse inégalité économique" aux résonances très actuelles, sont de rares balises repérables dans une prose abondante, au souffle long et au style singulier, fait de répétitions et de variations.
Célébrations annoncées comme discrètes
"Péguy a été largement évincé des programmes scolaires et universitaires, et surtout on n'a pas eu accès, pendant très longtemps, à l'intégralité de ses textes", relève Claire Daudin, présidente de l'Amitié Charles Péguy. Son oeuvre poétique et dramatique ("mystères", sonnets, théâtre...) reste à redécouvrir : sa reparution dans un volume de près de 1.900 pages à la Pléiade le 18 septembre devrait y contribuer. "Il est temps que Péguy poète soit considéré à sa juste valeur, qui n'est pas celle d'un poète de sacristie ou nationaliste dont on cite toujours les trois mêmes vers sur "les épis mûrs", souligne la normalienne, directrice de cette nouvelle édition.
Pour le reste, le centenaire Péguy devrait être plus discret que celui de Jaurès. Un timbre postal à son effigie sera émis vendredi, et deux jours plus tard les "amis" de l'auteur se réuniront près de Meaux, à Villeroy (Seine-et-Marne), où le lieutenant Péguy a été tué. Quelques politiques en seront, mais a priori aucun ministre. Les amoureux de l'écrivain ne s'en plaignent pas, eux qui redoutent toujours sa récupération politique comme la peste. "Ce qui compte, c'est que Péguy soit lu et apprécié au-delà des clivages partisans", souligne son arrière-petit-fils.
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