"Dans le mot écrivain, j'entends le cliquetis des touches du clavier" : le questionnaire de Proust de Jean-Philippe Blondel, auteur de "Traversée du feu"

L'auteur prolifique use d'une langue lumineuse pour narrer le quotidien. Le jeune sexagénaire, auteur de près d'une trentaine de livres, continue de scruter le monde avec beaucoup d'empathie. Jean-Philippe Blondel, remarqué notamment dans Un été 79 (sorti au printemps), Traversée du feu ou encore Un si petit monde, s'est prêté à cet exercice avec beaucoup de sincérité.

Franceinfo Culture : Cet été, êtes-vous plutôt travail ou sieste ?
Jean-Philippe Blondel : Plutôt travail, jusqu'à ce que je m'écroule, vaincu, sur le canapé.

En vacances, êtes-vous montagne ou plage ?
Plutôt plage, sur le littoral atlantique exclusivement : il me faut des vagues dans lesquelles m'élancer. Je suis resté très joueur.

Parlons création : êtes-vous du matin ou du soir ?
Du matin, plutôt. J'ai l'impression qu'après avoir écrit, ma journée est déjà pleine, alors qu'elle ne fait que commencer (parce que derrière, il faut aller bosser 😊)

Stylo ou clavier ?
Clavier, uniquement. Et depuis le début. J'ai un âge canonique et j'ai commencé sur une vieille Underwood dont le ruban noir et rouge sautait sans cesse. Dans le mot "écrivain", j'entends le cliquetis des touches.

Quel est le livre que vous n'avez toujours pas lu ?
Ulysse de Joyce. (And I try, and I try, and I try, but I can't get no satisfaction).

Votre meilleur souvenir d'écrivain ?
À la sortie du livre G229, qui parlait de ma salle de classe, tous les élèves de terminale que j'avais sont venus dans ma salle, la G229 donc, pour regarder, à 7h45, Clara Dupont-Monod parler du livre dans la Matinale de Canal+. Tout faisait sens, d'un coup. Sinon, la page du New  York Times sur 6h41 – quand on est prof d'anglais, c'est le Graal.

Votre cauchemar ?
Ne plus pouvoir physiquement écrire, à cause de la maladie. C'est déjà arrivé.

Si vous étiez un livre, lequel serait-il ?
Archives du Nord de Marguerite Yourcenar.

Quelle phrase a bouleversé votre vie ?
"On devrait pouvoir comprendre que les choses sont sans espoir et cependant être déterminés à les vouloir changer", F. Scott Fitzgerald, dans La Fêlure.

Quels sont les personnages que vous avez détestés ?
Patrick Bateman dans American Psycho. Sinon, je suis très empathique. Je déteste peu.

Et ceux qui vous ont toujours accompagné ?
Duluoz, le narrateur des romans de Kerouac. Swann, bien sûr – et aussi la Verdurin, la Clarissa Dalloway de Virginia Woolf, et Antonia Shimerda et Jim Burden dans Mon Antonia de Willa Cather. Le narrateur d'un livre oublié qui s'intitule La Chambre d'ami, et qui a été écrit en 1984 par Yves Dangerfield. Cet ado-là, c'est moi.

Quel est le lieu où vous êtes chez vous ?
À Sainte-Savine, dans l'Aube. Sur la plage de Biscarrosse, au printemps. À Primrose Hill ou Hamstead Heath, à Londres, à n'importe quelle période de l'année.

Quel est le lieu qui vous inspire ?
La mémoire. Donc une infinité de lieux.

Quelle est la question qui vous horripile ?
"Si vous deviez choisir, vous préfèreriez prof ou écrivain ?"

Et celle qu'on ne vous a jamais posée ?
"Pensez-vous avoir bâti une œuvre ?"

Pourquoi avez-vous choisi cette photo pour illustrer le questionnaire ?
Parce que c'est la première photo que j'ai fait prendre à la fin de mon traitement contre le cancer. Parce qu'elle est prise par un ami qui m'a inspiré Mariages de saison. Et parce qu'elle concentre tous les contrastes qui m'inspirent – la lumière et la gravité.

"Un été 79" de Jean-Philippe Blondel, L'Iconoclaste, 2025.