L'écrivain égyptien Sonallah Ibrahim, voix libre de la littérature arabe, est mort

Écrivain engagé au style épuré proche du reportage, il a critiqué la répression, le néolibéralisme et l'hégémonie occidentale, faisant connaître son œuvre bien au-delà de l'Égypte.

Article rédigé par franceinfo Culture avec AFP
France Télévisions - Rédaction Culture
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Temps de lecture : 2min
Le romancier égyptien Sonallah Ibrahim accorde une interview chez lui, au Caire, le 29 mai 2011. (ALY HAZZAA / AFP)
Le romancier égyptien Sonallah Ibrahim accorde une interview chez lui, au Caire, le 29 mai 2011. (ALY HAZZAA / AFP)

L'écrivain égyptien Sonallah Ibrahim, figure majeure de la littérature arabe contemporaine, est décédé mercredi 13 août à l'âge de 88 ans des suites d'une maladie, a annoncé le ministère égyptien de la Culture. "Nous avons perdu une figure littéraire exceptionnelle", a déclaré le ministre Ahmed Fouad Hanno, saluant un auteur qui "laisse derrière lui un patrimoine littéraire et humain intemporel".

Né au Caire en 1937, Sonallah Ibrahim s'est imposé comme l'une des voix les plus critiques du monde arabe postcolonial, explorant avec audace les tensions politiques, sociales et économiques de son époque. Tout au long de sa carrière, il a dénoncé la répression, les soubresauts politiques, le néolibéralisme et l'hégémonie occidentale, en particulier dans son pays natal. Son style épuré, proche du reportage, a franchi les frontières, ses romans étant traduits en plusieurs langues, dont l'anglais et le français.

Son œuvre la plus célèbre, Zaat (1992), retrace l'histoire contemporaine de l'Égypte, de la chute de la monarchie en 1952 aux années Moubarak, à travers le regard d'une femme de la classe moyenne. Adapté à l'écran en 2013, ce récit a trouvé un écho particulier auprès de la jeunesse égyptienne, marquée par le Printemps arabe de 2011.

Une plume critique et engagée

Écrivain frondeur, Ibrahim a payé cher ses convictions politiques. Sous le régime de Gamal Abdel Nasser, ses engagements de gauche lui valent cinq années de prison, expérience qui inspire son premier roman, Cette odeur-là (1966), longtemps interdit. En 2003, il refuse un prestigieux prix littéraire du gouvernement Moubarak, dénonçant un pouvoir qui, selon lui, "opprime son peuple, entretient la corruption et tolère la présence d'un ambassadeur israélien alors qu'Israël tue et viole", en référence aux abus présumés commis dans les Territoires palestiniens pendant la deuxième intifada.

Au fil des décennies, Sonallah Ibrahim a bâti une œuvre dense et variée, mêlant satire, mémoire personnelle et chronique sociale. Parmi ses titres marquants figurent Le Comité (1981), satire kafkaïenne de la bureaucratie et de la surveillance, et Le Petit Voyeur (2007), récit semi-autobiographique évoquant son enfance durant la Seconde Guerre mondiale. Sa disparition laisse un vide considérable dans le paysage littéraire égyptien et arabe, où il restera comme l'un des témoins les plus lucides et intransigeants de son temps.

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