Des lombrics et des hommes : "Humus" de Gaspard Koenig, une fable implacable récompensée par le prix Interallié
Deux amis liés par un même idéal, deux destins vertigineux aux antipodes... Un roman saisissant de Gaspard Koenig qui a été couronné par le prix Interallié après avoir également été couronné du prix Jean Giono.
Philosophe à la sensibilité libérale, essayiste de renom, homme politique, Gaspard Koenig est aussi un brillant romancier, comme nous le rappelle avec éclat son dernier livre Humus, sorti à la rentrée aux Éditions de L'Observatoire. Il vient d'être couronné par le prix Interallié mercredi 22 novembre, après avoir conquis les jurés du prix Jean Giono le 9 novembre. Un ouvrage qui s'ancre profondément dans les questionnements de notre temps sur la destruction du vivant et les moyens de le régénérer.
L'histoire : Années 2010. Arthur et Kevin, deux étudiants en agronomie, sympathisent sur les bancs de l'école AgroParisTech, sur le plateau de Saclay, en Essonne. Entre eux, se noue une amitié scellée par un même idéal écologiste et un rêve : régénérer le vivant en commençant par ses fondations, les sols. Ces sanctuaires d'écosystèmes, aussi denses que complexes, ont été appauvris au fil des décennies par l'agro-industrie et ses pesticides, engrais et autres méthodes agressives d'exploitation. Premières victimes de ces pratiques : les lombrics, plus connus sous le terme de "vers de terre". Marqués par le cours d'un universitaire, Arthur et Kevin décident de se consacrer à ces indispensables petites bêtes.
Si les deux garçons partagent le même idéal, leurs personnalités, leurs origines et leurs attentes respectives les font prendre, à la fin de leurs études, des chemins totalement opposés pour accomplir leur mission. Brillant et cultivé, Arthur, le garçon de la ville, fils d'un avocat célèbre, se met en tête de ressusciter ce qui reste des terres de son grand-père, rendues stériles par les poisons chimiques. Il s'installe en Normandie dans la ferme familiale. Une décision difficile à comprendre pour son ami. Fils d'ouvriers agricoles avec lesquels il n'a plus rien à partager, Kevin, splendide jeune homme à la blondeur irrésistible, aime jouir de la vie sans entraves et rêve de la capitale. Surtout, il se désole de voir Arthur gâcher son talent sur un lopin en ruine...
Destins croisés
Humus raconte deux destins croisés, deux ambitions, deux parcours en miroir. Le gars des villes file au champ. Le gars des champs monte à Paris. Le premier s'échine à restaurer la biodiversité en milieu naturel. Le second met les précieux vers de terre à contribution dans un projet de lombricompostage. Ces expériences parallèles connaissent des fortunes diverses, au sens propre comme figuré. Et pour chacun des deux amis, une femme fait basculer le destin à des instants cruciaux.
Ce qui les distingue avant tout, c'est leur personnalité. Arthur, idéaliste sans concession, en rébellion de plus en plus aiguë contre le capitalisme et ses ravages, fait des choix radicaux et les assume. Alors que Kevin se laisse porter par les événements et les opportunités. Son choix, tout aussi périlleux, est celui de ne pas choisir, de laisser d'autres décider pour lui.
Une satire grinçante et pessimiste
Ces deux histoires en parallèle sont narrées dans un style fluide et accrocheur. De chapitre en chapitre, Gaspard Koenig raconte les deux parcours en alternance. Son récit et sa plume ne manquent ni d'humour, ni de mordant. Ce roman passionnant et brillant s'ancre profondément dans notre époque. Koenig insère des éléments de son propre vécu, tandis que l'astronaute Thomas Pesquet y fait des apparitions ! L'auteur pousse l'espièglerie jusqu'à glisser un certain Gaspard dans le récit... Les destins des deux amis connaissent des rebondissements inattendus. Lancée comme une satire grinçante, parfois pétillante, de notre société, l'histoire prend une tournure inattendue, vertigineuse, tragique.
"Les vers de terre, c'est nous !", s'exclame l'un des personnages du récit. Au-delà de cette allégorie de l'humain broyé par le système, Humus questionne le retour à la nature – notre irrémédiable sort. Il questionne aussi l'ambition, le prix à payer pour aller au bout de ses combats. Quels sacrifices sommes-nous sommes prêts à faire dans la quête d'un idéal ? Sommes-nous prêts à perdre notre âme, notre identité, notre humanité ?
"Humus" de Gaspard Koenig (Éditions de L'Observatoire, 380 pages, 22 euros)
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