Le passé nauséeux remonte à la surface dans le polar islandais "Les enfants blessent" d'Eva Bjorg Aegisdottir

Article rédigé par Christophe Airaud
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
L'autrice islandaise Eva Bjorg Aegisdottir en 2025. (JULIETTE ROLLAND)
L'autrice islandaise Eva Bjorg Aegisdottir en 2025. (JULIETTE ROLLAND)

"Les meurtres islandais sont chaotiques, amateurs", dit Hordur, l'inspecteur chargé de l'enquête. Chaotiques, c'est sûr. Mais ainsi, l'autrice islandaise embarque le lecteur dans le labyrinthe des crimes et revanches des personnages de son polar.

Dans Le Clan Snaeberg, son précédent roman, Eva Bjorg Aegisdottir enfermait une grande et hétéroclite famille bourgeoise dans un hôtel de luxe pour célébrer l'anniversaire du patriarche. Les vagues de l'océan battaient le rivage, les falaises de lave étaient un terrain d'aventure dangereux et un meurtre allait dérégler ses retrouvailles. Dans Les enfants qui blessent, paru le 7 mars 2025 aux Éditions La Martinière, il fait toujours un temps de chien, entre neige et vent glacial, le chalet du meurtre est isolé dans une forêt de bouleaux et de pins, et du passé, faisant le lit des vengeances et des trahisons. Eva Bjorg Aegisdottir sera en France pour Les Quais du Polar à Lyon du vendredi 4 au dimanche 6 avril

L'histoire : Pour la quatrième enquête d'Elma sous la plume d'Eva Bjorg Aegisdottir, le meurtre est glacial. Sept coups de couteau infligés dans le sommeil de Thorgeir, un vieux garçon au passé sulfureux. Alcool, soupçon de viol et physique de bûcheron. Il était parti se réfugier dans la bicoque de famille, éloignée dans l'une des rares forêts islandaises, avec Andrea, tout juste séduite. Au mur, une inscription, un verset biblique : "Lave mes crimes et mes péchés par le sang."

Qui et pourquoi se débarrasser de Thorgeir ? C'est l'énigme que doit résoudre Elma, l'inspectrice qui va plonger ainsi dans un passé vieux de trente ans. Il n'est jamais bon de remuer les souvenirs des familles, cela sent la vase et le rance.

Elma, policière et mère à la fois

Elma revient pour la quatrième fois sous la plume de l'autrice islandaise. Les lecteurs accros aux enquêtes d'Elma les verront bientôt adaptées en télévision et visibles en France. Pour cet épisode, la flic est tout juste revenue de congé maternité. Et parfois, au fil des interrogatoires et des confidences, elle découvre que des mères et des pères n'aiment pas toujours passionnément leurs enfants. Pour elle, c'est aussi incompréhensible qu'insupportable : "On devait les aimer, sans attente ni condition. Ce n'était pas un choix ou un sentiment qui venait ou non, c'était un devoir."

Mais sur le chemin escarpé de son enquête, Elma va croiser des familles explosées par les non-dits ou les mensonges, des hommes violents sur leurs propres progénitures, des enfants délaissés ou protégés, des adolescents agressifs ou harcelés... Ce sont eux "les enfants qui blessent" et rien ne sera épargné à Elma qui résistera jusqu'au bout à cet univers d'une brutalité et d'une sauvagerie sourde et profonde.

Akranes, une ville comme personnage

Comme dans tout thriller islandais, les villes et les routes sont des décors et des acteurs du suspens. Akranes est une bourgade sans charme en face de la capitale islandaise, Reykjavik. "Un brouillard opaque pesait sur Akranes malgré les guirlandes colorées et les décorations de Noël qui oscillaient dans le vent (...), l'atmosphère semblait lugubre." Mais le plus pesant dans l'Akranes d'Eva Bjorg Aegisdottir est dans la conscience, dans le fond du cerveau de chacun des personnages. Plus les pages se tournent, plus aucun ne semble avoir échappé au mensonge. Le piège se renferme sur le lecteur. Ne surtout pas admirer tel ou telle. Surtout ne pas détester tel ou telle. Cette cité pourrait enfermer tous les traîtres et leurs culpabilités. Mais le jugement dernier se renverse au fil des chapitres.

"Les enfants qui blessent" d'Eva Bjorg Aegisdottir, traduit de l'islandais par Jean-Christophe Salaün aux éditions La Martinière, 416 pages, 21,90 euros

Couverture de "Les enfants qui blessent" d'Eva Bjorg Aegisdottir, aux Éditions La Martinière. (DR)
Couverture de "Les enfants qui blessent" d'Eva Bjorg Aegisdottir, aux Éditions La Martinière. (DR)

Extrait : "Avait-il des ennemis ? Elma se sentait toujours un peu bête en posant ces questions. À part les super-héros des films hollywoodiens, peu de gens avaient de véritables ennemis. Et dans la mesure où la plupart des meurtres étaient commis par un proche de la victime, on avait plus de chances de se faire assassiner par un proche que par un ennemi."

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