"Les Derniers Jours de l'apesanteur" : Fabrice Caro nous plonge dans la douce mélancolie d'une année de terminale dans les années 1980
Après "Journal d'un scénario" et "Fort Alamo", Fabrice Caro revient pour cette rentrée littéraire 2025 avec une chronique tendre et mélancolique sur la jeunesse, entre amitiés, premières amours et souvenirs d’une époque aux accents pop et nostalgiques.
Les Derniers Jours de l'apesanteur est le nouveau roman de Fabrice Caro, édité chez Gallimard dans la collection Sygne (celle des romanciers à la voix unique venus d'autres disciplines), qui sort jeudi 14 août. L'auteur semble avoir adopté un rythme Nothombien, avec un roman par an, après l'énigmatique Fort Alamo en 2024 et le comique Journal d'un scénario en 2023.
Chronique d'une année de terminale dans les années 1980, le roman raconte le quotidien de Daniel, lycéen entouré de ses deux meilleurs amis, Marc et Justin, rêvant d'amour passionnel avec certaines de leurs camarades. En parallèle de ses études, Daniel dispense des cours particuliers de mathématiques pour 50 francs (environ 8 euros) de l'heure à une jeune fille mutique, Béatrice Rigaux. Sa vie semble être somme toute assez banale, malgré l'apparition mystérieuse d'une Renault 5 à chaque fois qu'il arrive dans la villa pour y donner des cours, et les avances osées de la mère de Béatrice.
"Quant à aller plus loin qu’un baiser, c’était inenvisageable. Ma mère aurait débarqué avec le linge de tout le quartier. M’apparaissait ce constat aussi déprimant que surréaliste : je devais ma virginité tardive à un tas de linge propre."
Fabrice Caro"Les Derniers Jours de l'apesanteur", page 15
Les Derniers Jours de l'apesanteur, c'est l'histoire de ces années folles de lycée, royaume du paraître et des amitiés à la vie à la mort. Celles des amours simples qui ne durent pas plus de deux mois, où les seuls contacts sont des signes de la main gênée et des baisers menus, mais où l'on considère déjà l'autre comme l'amour de sa vie. Des amours souvent interrompus par un parent stressé de voir son enfant grandir, surveillant derrière la porte les faits et gestes des deux adolescents hédonistes.
L'écrivain dresse, à l'aide d'une multitude de références, le portrait des années 1980 en France, où les jeunes écoutaient Yoko Ono, Elsa ou Supertramp tout en regardant, à travers leurs cheveux en coupe mulet façon hard rock, l'illustration sur leur boîte de céréales ; où les parents achetaient un décodeur Canal+ pour visionner les matchs de football, l'occasion de se retrouver avec des amis perdus de vue. L'époque des premiers ordinateurs maison et des premiers magnétoscopes.
Perdu entre enfance et vie adulte
Pour les jeunes, et avant tout pour Daniel, l'année de terminale est la dernière avant le basculement dans le monde adulte, le monde où il faut savoir quel métier on veut exercer pour le restant de ses jours. Lui ne sait pas ce qu'il veut faire plus tard : car plus tard, c'est dans longtemps. Avant, ce qui lui importe, c'est d'être invité aux soirées, c'est de reconquérir Cathy Mourier, qui s'est entichée de Gilles Rouquet sans raison, c'est de bavarder sans se faire prendre pendant les cours interminables d'histoire et de physique-chimie.
"Nos journées étaient une enfilade de moments perdus, un condensé de gâchis qu’on honorait sous prétexte qu’il allait nous ouvrir toutes les portes et nous permettrait d’avoir une bonne situation plus tard, quand nous serions chauves et fatigués."
Fabrice Caro"Les Derniers Jours de l'apesanteur", page 59
À travers un style léger et percutant, l'auteur de la bande dessinée Zaï zaï zaï zaï touche certains points sensibles de l'adolescence et navigue entre euphorie et fébrilité. Il décrypte avec brio l'âge pivot des 18 ans, trop jeune pour avoir le permis mais trop vieux pour rouler à mobylette. L'âge où quand on est en voiture en famille, alors que chacun souhaite mettre sa propre cassette et chanter à plein poumon, on est obligé d'écouter en boucle Johnny Hallyday, car son père est fan. Mais pour la première fois, voir son père ému, cela nous touche. Perdu entre notre enfance et notre vie adulte, on se met à rechercher l'inconnu, à vouloir comprendre ceux qui nous entourent et à découvrir de nouvelles sensations.
Le roman nous donne envie de rejoindre ces jeunes qui rigolent pendant les cours d'histoire-géographie. On aimerait se retrouver avec Daniel, Marc et Justin, se rasseoir juste le temps d'une journée sur ces chaises peu confortables. Écouter Justin se lancer dans une grande explication sur l'emplacement du point G, pendant que d'autres camarades discutent, mêlant leurs voix à celle de la professeure que seulement quelques élèves écoutent avec attention, en plus des mouches qui aimeraient bien qu'on les entende voler.
Les Derniers Jours de l'apesanteur touche en plein cœur. Fabrice Caro reprend des images certes connues de tous, mais y insuffle ses mots et son regard drôle et rêveur, faisant varier de sa plume ces poncifs et situations cocasses que tout jeune des années 1980 a déjà expérimentés.
"Les Derniers Jours de l'apesanteur" de Fabrice Caro, Éditions Gallimard, 224 pages, 20 euros.
Extrait : "Jamais je n'avais entendu quiconque dans mon entourage se targuer d'être dans une dynamique incroyablement positive, personne n'était jamais arrivé le matin en scandant Dis donc j'ai une de ces pêches moi pour ce bac ! Nous baignions tous dans un état de dépression larvée, naviguant entre ces deux eaux paradoxales que constituait la meilleure période de notre vie en même temps que la pire." (page 81)
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