Rentrée littéraire : les dix pépites françaises à ne pas manquer
De "Quitter Berlioz" à "La Tentation artificielle" en passant par "Un mal irréparable" ou encore "Aucune nuit ne sera noire", voici notre sélection de dix livres de cette rentrée.
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Selon Livres Hebdo, les maisons d'édition françaises publient 484 romans entre août et octobre. Cette sélection, subjective et non exhaustive, s'intéresse aux auteurs francophones à suivre cette rentrée.
"Aucune nuit ne sera noire" de Fatou Diome : au nom du grand-père
Tout le monde n'a pas la chance d'avoir un grand-père (Mâama) maternel comme Saliou Ndoukou Saar. Avec une langue nourrie d'émotion et de lumière, Fatou Diome nous embarque en pays sérère dans un voyage intime qui nous fait découvrir un homme exceptionnel : son "étoile nautique", son "ange Gabriel", son "Capitaine". L'autrice d'origine sénégalaise livre un roman autobiographique d'une rare intensité. Retournée dans son pays pour revoir une dernière fois sa mère malade, morte le lendemain de son arrivée, Fatou Diome renoue avec sa famille, particulièrement avec celui qui l'a élevée. Son "Phare". Et grâce à lui, aucune nuit ne sera noire. Un grand-père aimant et éclairé, précédemment évoqué dans Le Vieil Homme sur la barque. Dans cette ode poétique à ses racines, Fatou Diome fait revivre le passé et le présent, les morts et les vivants, les réminiscences et les futurs souvenirs. Aucune nuit ne sera noire, un roman initiatique spirituel, un hommage à un Mâama sage qui, au fil des pages, devient aussi un peu notre aïeul. Poétique.
Aucune nuit ne sera noire, Fatou Diome, Albin Michel, 336 pages, 21,90 euros
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"Collision" de Paul Gasnier : la grande épreuve
Il est des livres en prise directe avec le réel, des "romans vrais". Collision de Paul Gasnier est l'une des belles surprises de cette rentrée littéraire. Parce qu'il "refuse de voir les discours politiques et médiatiques se réapproprier (son) histoire", Paul Gasnier remonte le temps, dix ans en arrière. L'auteur a 20 ans lorsque sa mère décède dans un accident à Lyon, percutée par un jeune chauffard en motocross qui fait du rodéo urbain. Ce jour-là, le 6 juin 2012, deux France entrent en collision, deux France qui se côtoient sans se fréquenter, deux France parallèles qui ne se connaissent pas. L'une issue de la haute bourgeoisie, l'autre du lumpenprolétariat. Rien n'est cliché. L'auteur a su dépasser la colère, la haine, pour aller vers l'Autre. Pour comprendre. Il est allé à la rencontre de la famille du chauffard, des policiers qui ont enquêté sur l'accident, des magistrats, des éducateurs sociaux… Son cheminement personnel prend le contre-pied des discours radicaux à l'emporte-pièce, qui fracturent une société malade déjà de ses divisions. Collision, un récit d'une grande sincérité.
Collision, Paul Gasnier, Gallimard, 176 pages, 19 euros
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"Quitter Berlioz" d'Emmanuel Flesch : l'amour au temps du capitalisme décomplexé
Younès grandit au 12e étage de la tour F, dans la cité Berlioz, à Bobigny, au sein d'une famille nombreuse. Il rencontre Serge à 6 ans. Leur amitié, faite de complicité et de partage, se fracasse contre la réalité au lycée. Le premier est brillant à l'école, l'autre beaucoup moins. Des frontières se dessinent. Un autre ennemi fond sur la banlieue, dans cette France des années 1980 : l'héroïne. Salim, le frère préféré de Yanis, sombre dans la toxicomanie et entraîne ainsi toute sa famille en enfer. Yanis, adolescent, souffre de cette tragédie. Comment échapper au déterminisme social ? Comment ne pas dealer du shit en bas de la barre quand le reste du monde vous paraît hostile ? Yanis gâche, détruit ses chances scolaires, Serge, lui, à la recherche de nouveaux horizons, met à distance Berlioz. Les deux rêvent d'ascenseur social pour ne pas perpétuer l'expérience paternelle. Une émancipation douloureuse. Ils se retrouvent coursiers à moto à la Panam'Expres. Profession, à la frontière entre le salariat et la domesticité, que l'auteur a exercée pendant presque deux ans. Et puis, il y a Vanessa. Yanis va-t-il la retrouver ? Quitter Berlioz, une histoire d'amitié, un roman noir social.
Quitter Berlioz, Emmanuel Flesch, Calmann-Lévy, 256 pages, 19,90 euros
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"Tout ira bien" de Laurent Nunez : l'histoire, les parents et la superstition
Le cocktail est poétique : de l'humour, des personnages attachants, un zeste de surréalisme, une pincée de nostalgie, une grosse touche de superstition, le sens de la formule… Le tout lié dans une forme d'alchimie littéraire. Bienvenue dans la famille élargie de Laurent Nunez où chacun a son astuce pour conjurer le sort ou au contraire attirer la fortune, où chaque mystère, ou plus prosaïquement chaque événement même le plus anodin, a son explication (ir)rationnelle. Dans cette famille où tout posait problème, les solutions ne manquaient pas. L'auteur de Les Récidivistes revient avec beaucoup de tendresse sur son enfance et l'histoire de sa famille, entre le Maroc, l'Espagne et la France. La main de Fatma, les chaussettes rouges, le parapluie ouvert dans la maison, le mauvais œil… tout est interprété, disséqué à travers une croyance qui se moque de la causalité et de la logique. Tout ira bien, une chronique familiale bouleversante de générosité.
Tout ira bien, Laurent Nunez, éditions Payot et Rivages, 353 pages, 21 euros
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" La Tentation artificielle" de Clément Camar-Mercier : le Big Bug
Documenté, âcre, drôle parfois, rarement cynique, le roman explore notre époque marquée par l'omnipuissance du numérique et de l'intelligence artificielle (IA) en particulier. Clément Camar-Mercier installe une double narration qui happe très vite le lecteur. Jérémie est un informaticien très doué, codeur de génie, en quête d'absolu. Jérémie est rattrapé par le réel par un physique défaillant et une mère invalide. Il s'isole dans un monastère pour une retraite spirituelle. L'auteur de Le Roman de Jeanne et Nathan questionne la création et le deuil, dieu et le diable, le profane et le sacré. L'humanité. Qui invente l'histoire crée le monde. De l'IA et de l'humain qui est efficient ? Dans ce récit fragmenté, complexe, les questions sont aussi, sinon plus, importantes que les réponses. Et le cheminement de Jérémie laisse entrevoir le monde d'après, un monde forcément désacralisé. La Tentation artificielle, livre d'une époque désabusée. Après le Big Bang, le Big Bug.
La Tentation artificielle, Clément Camar-Mercier, Actes Sud, 400 pages, 23 euros
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"Un mal irréparable" de Lionel Duroy : à la recherche d'une autre vie
Figurant dans la première liste Femina, Un mal irréparable est un roman crépusculaire dans lequel un écrivain à succès questionne son héritage familial. Frédéric Riegerl, l'alter ego de Lionel Duroy, est un écrivain français à succès qui entame le dernier chapitre de sa vie. Il décide d'explorer ses origines roumaines. Il découvre que ses parents, pour de nombreuses raisons, lui ont caché un passé douloureux. Ils lui ont menti pour le préserver, le protéger. Ils ont été emprisonnés et torturés au début des années 1950. Que s'est-il réellement passé dans le Baragan, la Sibérie roumaine ? Comme de nombreux exilés, ils se réfugient dans le silence, vivent avec leurs fantômes. Leur fils, arrivé enfant en France, a grandi. Et part à la recherche de son enfance. Des questions viennent le hanter. Et s'il avait su la vérité plus tôt, aurait-il été autre ? Son parcours aurait-il pris une autre tournure ? Lionel Duroy questionne le personnel et le politique. Un mal irréparable, un livre puissant sur la mémoire et l'intime.
Un mal irréparable, Lionel Duroy, éditions Mialet Barrault, 377 pages, 21 euros
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"Peau d'ourse" de Grégory Le Floch : chacun cherche sa place
"Si tu veux connaître ma vie, c'est ça : 16 ans, moche et village de merde" : cette première phrase invite de suite à faire connaissance de "la seule meuf de (s)on âge à pas dire H24 qu'elle (s)'arracherait" de son village, une fois le bac en poche. Peau d'ourse est frais, cru, transgressif, provocateur, un roman qui fait du bien. Nina perd son prénom à l'adolescence pour porter celui de "Mont perdu", le nom du "mont le plus moche des Pyrénées", un surnom imposé par ses camarades. Les adolescents sont cruels. Un mont en forme de bouse. Mont perdu est amoureuse de Kelly. Mont perdu est corpulente, lesbienne et harcelée par ses camarades. Pourtant, derrière ses airs bravaches et son humour corrosif, Mont Perdu est résiliente. Pleine de vie. Et tant d'amour à donner et à recevoir. Mont Perdu est une ourse qui fait face à une humanité en perte de boussole. Grâce à une écriture nerveuse, orale, l'auteur de Gloria, Gloria et De parcourir le monde et d'y rôder actualise un conte pyrénéen avec une grande audace. Peau d'ourse, plaidoyer flamboyant pour l'altérité.
Peau d'ourse, Grégory Le Floch, Seuil, 230 pages, 20 euros
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"Salomé" d'Agathe Chenevez : tu ne jalouseras point ton prochain
Salomé a la fraîcheur d'un premier roman et la maturité de l'expérience. Agathe Chenevez est férue de théâtre, sa première œuvre Le Temps d'une allumette annonçait déjà son intérêt pour la scène. Il n'est pas donc pas étrange de retrouver l'univers théâtral au cœur de sa première fiction. Clara, jeune comédienne toulousaine, rejoint la troupe Jean-Louis Barrault à Paris pour jouer dans L'Annonce faite à Marie de Paul Claudel aux côtés de sa cousine Salomé. Dedans/dehors, théâtre/réel, la jeune autrice multiplie les clins d'œil dans ce roman axé sur l'emprise et la jalousie. Entre les deux cousines s'engage un combat existentiel. Le rêve de Clara devient un cauchemar sans fin. En interprétant le rôle de Violaine, elle espérait se réaliser. Salomé, roman psychologique sur une descente aux enfers. De haine et d'amour. Prometteur.
Salomé, Agathe Chenevez, éditions de La Martinière, 230 pages, 30 euros
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"La Maison des rêves" de Nora Hamadi : retour aux sources
"Petits, on est tous égaux devant les rêves. Médecin. Astronaute. Pompier. Danseuse. Footballeur. Actrice. Moi je veux être chanteuse d'opéra." Nora Hamadi est finalement devenue journaliste. Mais elle n'a pas oublié ses rêves de gosse et ceux de ses copains de Longjumeau (Essonne). C'est au sein d'un local surnommé "La Maison des rêves" qu'ils ont pu grandir, espérer, évoluer. Qu'est devenu cet endroit, déterminant pour la vie des habitants de ce quartier populaire, La Rocade, surgi dans les années 1960 entre autoroute, grands ensembles et anciennes terres agricoles, et caractéristique de nombreux territoires périurbains ? Dans ce retour aux sources, Nora Hamadi revient à Longjumeau sur les traces de l'histoire d'une population venue de toutes les régions de France et émigrée de tous les continents, à l'image de sa propre famille originaire de Kabylie. Solidarité, espoirs, valeurs, militantisme, situation économique, rapport au politique, tout a profondément changé. Comment les habitants ont traversé ces quarante dernières années entre circonvolutions de la politique de la ville, abandon des services publics, recul de l'éducation populaire… Et qu'en est-il de la jeunesse d'aujourd'hui ? Dans cet ouvrage, récit intime et enquête journalistique, Nora Hamadi interroge les trajectoires personnelles comme l'histoire récente des quartiers populaires. Édifiant.
La Maison des rêves, Nora Hamadi, éditions Flammarion, 256 pages, 21 euros
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"La Hideuse" de Reine Bellivier : le destin de Marguerite
Pour son premier roman, Reine Bellivier installe une narration originale, parsemée d'indices littéraires. Nous sommes dans les années 1950 dans un bourg des Deux-Sèvres. Marguerite, mère de trois enfants, issue d'un milieu modeste, quitte le domicile familial et disparaît sans laisser un mot. A-t-elle quitté son foyer pour un homme ? Pourquoi ? Des années plus tard, sa fille, la narratrice, se lance dans une investigation complexe. Reine Bellivier évoque ces années-là, marquées par un patriarcat triomphant et omniprésent, en puisant dans l'histoire de ses grand-mères et d'autres femmes de sa famille. La Hideuse, une quête littéraire et un roman poignant sur la liberté d'une grande sensibilité.
La Hideuse, Reine Bellivier, éditions Christian Bourgois, 198 pages, 20 euros
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