: Interview "Passez un moment avec moi derrière l'établi" : la créatrice de bijoux Jordane Somville désacralise le geste de l'artisan
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La créatrice de bijoux Jordane Somville a ouvert une boutique en juin 2024 à Paris où elle propose des ateliers dans un écrin pensé comme un laboratoire d'expérimentation. Une belle idée pour commencer l'année 2025 en s'essayant à une expérience Do It Yourself.
Jordane Somville est une créatrice de bijoux, styliste et céramiste. Son parcours multidisciplinaire et sa passion pour l'art lui ont permis de développer un style alliant esthétisme, innovation et émotion.
Diplômée en stylisme de mode de l'École supérieure des arts appliqués Duperré, elle a complété sa formation avec un master en design de création et technologie contemporaine. Après dix ans d'expérience dans le domaine du bijou fantaisie, elle crée sa marque éponyme en se tournant vers la céramique. En complément de la porcelaine, la créatrice associe le métal dans ses collections de bijoux où les pièces sont plaquées en or 18 carats pour une touche d'élégance. Parmi les matériaux singuliers, qui enrichissent ses créations, on trouve également les fleurs stabilisées.
Elle a ouvert sa boutique en juin 2024 au 60 rue Hermel, à Paris, et y propose plusieurs ateliers ouverts au public. À l'heure où le faire soi-même bénéficie d'une image vertueuse à tous points de vue – personnel, social, économique – nous avons testé celui de la création d'une bague. Explications et rencontre.
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Franceinfo Culture : Comment est née l'idée d'ouvrir votre atelier au public ?
Jordane Somville : Mon premier atelier boutique, rue Ramey, ouvert en 2017, proposait déjà des ateliers d'initiation. Mes clients ont toujours été très sensibles à cette idée et après l'arrêt d'activité, pendant le confinement lié à la pandémie de Covid, ils ont été nombreux à revenir avec l'envie de passer un moment avec moi derrière l'établi. J'ai donc gardé la formule dans ce nouvel espace ouvert en juin 2024.
Vous proposez des ateliers de quatre personnes maximum par session, sur réservation...
La boutique est adaptée avec une partie atelier. Elle est dotée de quatre postes alignés comme dans un format école. C'est ici que je travaille ma partie bijouterie et à l'arrière de la boutique, c'est la partie céramique avec le four de cuisson. Quand les bijoux sont terminés, ils sont installés directement dans la boutique : j'ai le circuit le plus court possible.
Que peut-on voir de la création de vos bijoux ?
L'atelier création d'une bague en argent comprend, par exemple, onze étapes pour sa réalisation : tout commence par le choix du modèle et du patronage ajusté à votre doigt, qui sera ensuite découpé sur la plaque d'argent avec une scie à métal. Vient ensuite le limage à l'aide de limes en métal, la première à bord large, puis avec la lime aiguille avant d'utiliser le Chanfrein pour arrondir les angles. C'est ensuite le tour du martelage, soit avec un marteau, soit avec une bouterolle, avant de mettre en forme la bague sur un triboulet d'abord avec les doigts puis avec un maillet en bois. Ultime étape, le polissage satiné ou miroir. Je propose aussi un atelier de 4 heures où l'élève vient faire une création libre de A à Z et cette année, j'ouvre ce lieu à d'autres intervenants pour avoir de nouveaux angles créatifs et d'échanges.
La porcelaine est une de vos matières de prédilection ?
La porcelaine a été un coup de foudre grâce à la rencontre de la céramiste Marie Drouot lors de mon passage dans son atelier à Ménilmontant pour une formation. Cette matière est très instinctive et permet de mettre mes idées créatives rapidement en place, comme dans ma première collection Ruée vers l'or où j'avais arraché des petits morceaux sur la motte de terre de porcelaine pour m'exprimer, sans la sculpter. Je travaille très peu sur croquis, c'est plus la matière qui m'invite à la forme. J'ai été styliste bijoux et j'ai beaucoup fait de dessins : ensuite, j'ai voulu inverser le processus et obtenir le résultat esthétique puis le peaufiner et le lisser dans un deuxième temps.
Cette matière considérée comme fragile, comment la travaillez-vous pour qu'elle reste résistante ?
La porcelaine est fragile quand elle est travaillée dans de fines épaisseurs. Je la travaille plus massivement et l'émail, avec lequel je la nappe, lui donne une bonne résistance au choc. Les finitions varient du mat au brillant, grâce à l'émaillage choisi et peuvent être monochromes ou présenter des dégradés de couleur rappelant l'aquarelle. De plus, étant donné que ce sont des bijoux, cela reste des petits volumes donc moins fragiles que des objets plus grands comme des assiettes ou des bols.
Voilà onze ans que je travaille ce médium, mais depuis cinq ans, je tente de l'exploiter en grand volume aussi avec le partenariat avec la maison d'architecte Makeba située à Toulouse. L'artiste, architecte d'intérieur, invite dans son espace où elle vit des gens à venir travailler avec elle. Elle aime beaucoup la céramique, le bois, les textiles et la peinture. C'est un showroom musée en quelque sorte : on est proche des objets d'art. Quand je fais des résidences là-bas, je fais des cueillettes en forêt, puis je réalise des empreintes de ces plantes ramassées pour créer de la vaisselle. L'idée de Makeba est de faire intervenir des artistes sur son environnement.
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Vous faites également des bijoux avec des fleurs stabilisées qui sont traitées de manière à conserver leur beauté et leur fraîcheur dans le temps. Comment ça se passe ?
J'ai tout d'abord démarré avec de vraies plantes, mais cela demande de grandes pièces plus sculpturales comme ma pièce Armure accueillant des pothos (une plante) sur chaque épaule en guise d'épaulette. Je me suis tournée vers les fleurs stabilisées pour pouvoir proposer des choses plus petites combinées avec la porcelaine froissée pour travailler sur un esprit plus minéral que végétal. Il est possible de mettre certains bijoux "haute bouture" dans de la mousse imbibée d'eau pour avoir, le temps d'un événement, un petit bouquet frais sur soi.
Votre atelier accueille aussi un designer de mode. Vous aimez les collaborations artistiques ?
Je travaille, ici, avec Thomas Varennes, créateur de la marque Mojo No Fomo : il m'assiste en tant que directeur artistique et m'aide sur le display de la boutique [la façon de présenter les produits]. Il réalise des vêtements avec des stocks dormants de maison de couture, ce sont des pièces uniques. Oui, les collaborations me touchent beaucoup : je travaille aussi, par exemple, avec un ami artiste peintre et tatoueur. Je trouve que si l'on travaille seul une idée, au bout d'un moment, elle peut être enfermée sur un seul angle de vue. Le fait d'inviter des amis artistes, d'être dans une démarche de travail collaboratif, cela ouvre le spectre et permet d'avoir d'autres angles.
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