L'exposition "Paul Poiret. La mode est une fête" au Mad dévoile un couturier touche-à-tout passionné par les arts
L'exposition explore les créations multiples de cette figure incontournable de la haute couture parisienne du début du XXe siècle dans les domaines de la mode, des arts décoratifs, du parfum, de la fête et de la gastronomie, de la Belle Époque aux Années folles. Bluffant.
Le Musée des arts décoratifs (Mad) présente sa première grande monographie dédiée à Paul Poiret (1879-1944) jusqu'au 11 janvier 2026 à travers 550 œuvres, vêtements, accessoires, photos et vidéos. Cette exposition met en lumière son influence durable et révèle l'étendue de son génie créatif. Considéré comme le libérateur du corps féminin, pour l'avoir décorseté, il a rénové la mode, mais plus encore son héritage qui continue d'inspirer les créateurs de mode contemporains, de Christian Dior en 1948 à Alphonse Maitrepierre en 2024.
Chronologique et thématique, Paul Poiret. La mode est une fête – qui plonge dans le Paris moderne du premier quart du XXe siècle – met en lumière son parcours, dévoile ses relations et insiste sur ses innovations. Le commissariat a été confié à Marie-Sophie Carron de la Carrière, conservatrice en chef du patrimoine, la direction artistique à Anette Lenz et la scénographie au Paf atelier, qui a opté pour un parcours aux accents très modernes et joyeux en présentant les différents vêtements et œuvres sur des murs de couleurs violets, orange, rose, vert... côtoyant des panneaux rayés blancs et noirs qui donnent à l'espace une autre dimension. Interpellant !
Né à Paris en 1879, Paul Poiret se forme aux côtés de Jacques Doucet dès 1898, puis rejoint en 1901 la maison Worth. Il y observe et assimile les rudiments du métier de couturier : le contact avec les clientes et le travail en équipe. Ces expériences lui donnent l'impulsion pour établir sa maison de couture en 1903. Il y définit une nouvelle esthétique du corps féminin, en mouvement et sans carcan, rompant avec la silhouette en "S" du début du siècle. Sa ligne, simplifiée, est d'une grande modernité, les tissus sont légers et les couleurs vives et acides. Sa palette chromatique fait écho à celle du fauvisme, mouvement pictural du début du XXe siècle qu'il apprécie.
Il s'entoure d'artistes novateurs avec lesquels il collabore (Paul Iribe, Maurice de Vlaminck ou Georges Lepape). Le parcours est ponctué d'œuvres d'artistes l'ayant accompagné tout au long de sa carrière. Parmi eux, le décorateur et architecte Louis Süe qui a aménagé sa maison de couture, avenue d'Antin. Poiret est un dénicheur de jeunes talents qu'il soutient et avec lesquels il noue des amitiés, comme Raoul Dufy. De leur relation naissent des créations uniques telles que le manteau La Perse (1911), dont la coupe est conçue par le couturier et les motifs imprimés par Dufy. Il côtoie aussi des membres de la société fortunée et cosmopolite, clients des grandes maisons de couture. C'est le cas de la collectionneuse d'avant-garde et galeriste américaine Peggy Guggenheim.
Dès 1909, la compagnie des Ballets russes de Serge de Diaghilev se produit à Paris. Poiret assiste à ses spectacles, caractérisés par la fusion entre les arts (musique, danse, décors et costumes). Il est frappé par leur modernité qu'il va transcrire dans sa pratique. Il habille à la scène des danseuses telles qu'Isadora Duncan et Nyota Inyoka.
Après la Première Guerre mondiale, Poiret retrouve l'inspiration grâce à ses voyages et aux fêtes dispendieuses qu'il organise. Ses différents voyages en Europe et au Maghreb le marquent profondément et il retranscrit certaines de ces impressions dans ses mémoires, En habillant l'époque (1930), allant jusqu'à mentionner ses expériences culinaires et olfactives. Il réemploie les tissus et broderies qu'il rapporte de voyage dans ses créations de mode. Il nomme parfois ses tenues de lieux qu'il a visités : Marrakech, Tolède…
L'exposition rend compte également des fêtes spectaculaires à travers plusieurs costumes où il y invite ses amis artistes (Kees van Dongen ou encore Dunoyer de Segonzac) avec le Tout-Paris mondain. Ces soirées sont des moments de sociabilité et constituent aussi des événements publicitaires pour sa maison de couture.
En plus d'être couturier, il est peintre, comédien, écrivain, gastronome et musicien. Homme aux multiples talents, il aspire à la création d'une œuvre d'art totale. Sa propension à fédérer les disciplines se retrouve dans les deux sociétés qu'il fonde en 1911 : Martine, dédiée à la décoration d'intérieur et divisée entre une école et un atelier, et Les Parfums de Rosine.
En effet, pour la naissance d'un parfum, il fait participer plusieurs talents. Par exemple, pour Arlequinade (1923), le flacon est dessiné par l'artiste Marie Vassilieff et fabriqué par le sculpteur verrier Julien Viard, et le jus est élaboré par le parfumeur Henri Alméras. Il ne faut pas rater ce charmant petit flacon en verre bakélite et textile des plus craquants qui est dans une vitrine du second étage. Juste à côté, une table cache trois flacons à décapuchonner pour révéler trois senteurs aux accents lourds, des odeurs que l'on ne retrouve plus désormais dans la parfumerie d'aujourd'hui.
Il est forcé de vendre sa maison de couture fin 1924 et de la quitter en décembre 1929. En 1925, il participe à l'Exposition internationale des arts décoratifs et industriels modernes sur ses fonds propres : il affrète trois péniches sur le bord de la Seine où il présente son univers (couture, décoration intérieure, parfums). Cet événement est un gouffre financier.
Le parcours s'achève par l'influence de Poiret sur les couturiers et créateurs de mode des XXe et XXIe siècles. John Galliano, Christian Dior, Christian Lacroix et Yves Saint Laurent, entre autres, ont puisé dans l'orientalisme, le folklore, l'esprit de fête et les arts du spectacle. Il faut aussi mentionner qu'il a été le premier couturier à faire appel à des artistes pour intervenir sur ses textiles, décors, illustrations et autres moyens de communication. Il est de ce fait le pionnier de ce que l'on appelle aujourd'hui les collabs ; pratique commune depuis le début des années 2000 entre les marques de mode et les artistes.
Exposition "Paul Poiret. La mode est une fête" jusqu'au 11 janvier 2026. Musée des arts décoratifs, 107 rue de Rivoli, 75001 Paris.
À regarder
-
Vol des bijoux au Louvre : sept minutes pour un casse spectaculaire
-
Au cœur de la traque des migrants
-
Mouvement "No Kings" aux États-Unis : sept millions d'Américains sont descendus dans les rues contre Donald Trump
-
Allocations familiales : vers un coup de rabot ?
-
Un braquage a eu lieu au Louvre dimanche matin à l'ouverture
-
Avions : quand des batteries prennent feu
-
Affaire Epstein : le prince Andrew renonce à son titre royal
-
Grandir à tout prix
-
Cédric Jubillar : 30 ans de prison pour meurtre
-
Mal de dos : comment le soigner
-
Faire des têtes au foot, c'est stylé, mais...
-
En Chine, le plus haut pont du monde est devenu une attraction touristique
-
Quand t’es collé en forêt
-
À Marseille, la Bonne Mère retrouve sa couronne
-
Meurtre de Lola : ce qu’il s’est passé
-
Chili : un miracle dans le désert
-
Faux diplômes : tricher pour se faire embaucher
-
Vignes : des algues pour remplacer les pesticides
-
Du Maroc au Népal, en passant par Madagascar, la génération Z structure ses luttes sur Discord
-
À Londres, le café c'est dans les toilettes
-
De la propagande russe dans nos infos locales
-
Ordures ménagères : une taxe toujours plus chère
-
Temu, Shein... ça va coûter plus cher ?
-
C'est très compliqué dès qu'on parle de la France
-
Départ anticipé d’E. Macron : “La seule décision digne qui permet d’éviter 18 mois de crise”
-
Donald Trump : le Venezuela dans sa ligne de mire
-
Hommage à Samuel Paty : des minutes de silence "inutiles" pour sa sœur.
-
Avion low cost : payer pour incliner son siège
-
Otages français en Iran : l'appel de détresse de leurs familles
-
Cédric Jubillar : ses défenseurs passent à l'attaque
Commentaires
Connectez-vous ou créez votre espace franceinfo pour commenter.
Déjà un compte ? Se connecter