Beyoncé et R. Kelly utilisés dans une campagne de désinformation au profit du chef de la junte du Burkina Faso
Les images des artistes américains, générées par l'intelligence artificielle, les montrent chantant à la gloire du capitaine Ibrahim Traoré, au pouvoir depuis le coup d'État de septembre 2022.
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À en croire des vidéos virales qui circulent sur internet, Beyoncé, le chanteur américain emprisonné R. Kelly et le pape Léon XIV sont d'accord sur un point : le chef de la junte du Burkina Faso, le capitaine Ibrahim Traoré, est un dirigeant fantastique.
Ces images détournées sont la tête de pont d'une campagne de désinformation menée depuis plusieurs semaines par la junte burkinabè pour héroïser son chef, loin des violences jihadistes qui endeuillent son pays et de la répression des voix discordantes. Mêlant propagande et contenus générés par intelligence artificielle (IA), elles se sont intensifiées depuis avril et ont été particulièrement relayées dans des pays anglophones d'Afrique de l'Ouest.
Des mises en scène grotesques
L'une des vidéos, visionnée plus de deux millions de fois depuis mai, montre le chanteur américain R. Kelly, actuellement emprisonné pour trafic sexuel en Caroline du Nord, chanter depuis sa prison, au piano et les larmes aux yeux, une ode en anglais au capitaine Traoré. Il y célèbre un homme "debout" qui "a tout risqué" et "se bat pour la paix dans sa terre natale", entre deux images de synthèse du leader burkinabè menant ses troupes au combat.
Dans une autre chanson en anglais, vue près de 100 000 fois depuis mai, une chanteuse présentée comme Beyoncé pleure dans une église, sur une plage ou dans une forêt en flammes, en appelant à protéger le capitaine Traoré, "la voix des faibles" et "le capitaine de notre vaisseau". Le pape Léon XIV est également mis à contribution : des images détournées le montrent répondant à une supposée lettre du capitaine Traoré, où il dit avoir "entendu le cri d'un continent blessé par l'abandon et l'exploitation".
"Ces campagnes d'influence et de désinformation visent à étendre le culte de la personnalité autour du capitaine Traoré vers les voisins anglophones du Burkina Faso", explique à l'AFP un chercheur américain sous couvert d'anonymat. Et à détourner l'attention de l'incapacité du leader de la junte, à tenir son engagement, pris en prenant le pouvoir par un coup d'État en septembre 2022, de reprendre le contrôle du pays en six mois face aux jihadistes affiliés à Al-Qaïda et à l'État islamique.
Les attaques se sont depuis multipliées, faisant des milliers de morts, avec un pic entre mars et avril derniers, période marquée aussi par l'arrestation d'officiers accusés d'une tentative de putsch. Soit peu de temps avant le lancement de la campagne à la gloire du capitaine Traoré.
Parallèlement, des campagnes de désinformation sont apparues dans plusieurs pays anglophones africains après que le général américain Michael Langley, alors chef du Commandement des États-Unis pour l'Afrique (AFRICOM), a accusé la junte de détourner les ressources minières pour financer sa sécurité. Des propos dénoncés par les autorités burkinabè, mais aussi par leurs voisins et alliés du Niger et du Mali.
Soupçons d'ingérence russe
Des activistes et influenceurs anglophones, en Afrique et même aux États-Unis, ont relayé de la désinformation, notamment pour dénoncer Langley et magnifier Traoré. Selon un spécialiste burkinabè en influence informationnelle, qui préfère garder l'anonymat pour raisons de sécurité, la junte dispose de groupe de cybermilitants qui "fonctionnent comme une armée numérique" avec "à leur tête le militant Ibrahima Maïga, installé aux États-Unis".
"Certains rapports ont établi des connexions russes dans la récente poussée de ces opérations de désinformation", observe également le chercheur américain, précisant que la campagne pro Traoré cible le Ghana et particulièrement le Nigeria, un géant dont la déstabilisation "aurait des effets significatifs sur la région". "Les médias au Burkina et au Togo ont accepté de l'argent d'agents liés à la Russie pour relayer ces campagnes", soutient pour sa part le journaliste nigérian Philip Obaji, spécialiste des opérations d'influence russes.
Au Burkina, la junte a chassé les médias internationaux du pays et les journalistes locaux s'autocensurent, craignant d'être arrêtés et envoyés au front pour lutter contre les jihadistes comme cela est arrivé à certains de leurs confrères. Des Burkinabè de la diaspora s'efforcent de démentir le narratif de la junte, en relayant par exemple sur les réseaux sociaux les revendications d'attaques de groupes jihadistes. Mais au Burkina, commenter ou partager ces publications est assimilé à une apologie du terrorisme, passible de peines d'emprisonnement de un à cinq ans.
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