Jean Ferrat : dix ans après sa mort, une riche intégrale pour continuer d'entendre "La voix libre" du poète engagé
13 mars 2010 : dix ans que le chanteur ardéchois nous a quittés. A cette occasion, plusieurs sorties pour ce mois de mars
Déjà dix ans que l’auteur de Nuit et brouillard ou Ma France est parti rejoindre sa Montagne pour toujours. C'était un certain 13 mars 2010. Une nouvelle intégrale de ses périodes Decca et Barclay, des rééditions de ses albums, et une biographie, nous rappellent la place qu’occupe encore et toujours, Jean Ferrat dans le patrimoine francophone.
Ardéchois d'adoption
Il fait partie des grands de la chanson française, au même titre que Brel, Brassens, Ferré ou Barbara. Né en région parisienne, Jean Ferrat a été très vite adopté par l’Ardèche lorsqu’il s’est installé à Antraigues-sur-Volane au début des années 70, en même temps qu’il prenait ses distances avec la scène et le showbizz. Dès 1964, il avait acheté une maison dans ce village ardéchois, et en célébrait la région dans une chanson devenue l’un de ses plus grands succès : La Montagne
Artiste engagé...
Une ruralité qu’il a également célébrée dans un autre de ses textes finement ciselés : Ma France. Mais si les deux premiers couplets vantent les paysages de l’Hexagone chers au chanteur, les strophes suivantes sont sans concession et fustigent le pouvoir en place. Même si les paroles évoquent "Monsieur Thiers" et sa répression sanglante de la Commune, la chanson sortie en 1969, est surtout une ode au peuple combattant pour la liberté, depuis Robespierre et Hugo jusqu’à mai 68.
L’attaque à peine déguisée envers De Gaulle, dissimulée derrière un "vous" anonyme, lui vaut d’être interdite d’antenne à l’ORTF pendant deux ans. Ferrat promet de ne revenir sur les ondes que le jour où il pourra la chanter. C’est Yves Mourousi qui brise l'interdiction en diffusant un extrait interprété en direct par le chanteur depuis le Palais des Sports de Paris, le 31 janvier 1970.
Cet engagement politique, proche du parti communiste mais dont il a su se démarquer sur différents sujets, il le tenait d’une enfance marquée par la mort en déportation de son père juif, immigré russe. A travers des textes comme Nuit et brouillard, Potemkine, et plus tard Nul ne guérit de son enfance qui évoque justement la disparition de son père, Jean Ferrat a toujours affirmé sa liberté d’expression, et n’a jamais concédé aux sirènes du succès, se retrouvant à plusieurs reprises censuré par les médias.
...mais aussi fin mélodiste
La nouvelle intégrale des enregistrements Decca et Barclay, couvrant la période de 1960 à 1972, s’intitule justement Voix libre, un terme qui résume bien les convictions de l’auteur engagé.
Douze albums dont trois bénéficiant d'un nouveau mixage stéréo, un total de 130 chansons dont plus d'une dizaine de bonus, et un livre de 48 pages richement illustré et rédigé par Robert Belleret. Le tirage est limité à 3000 exemplaires.
Plusieurs des disques contiennent des titres bonus, moins connus. C’est l’occasion de découvrir les autres facettes de l’auteur-compositeur-interprète. Si ses textes étaient très travaillés, ils étaient toujours mis en musique sur de superbes mélodies, à chaque fois de sa composition.
Dans toute sa carrière, seules trois de ses chansons sont sur une musique composée par une autre personne (Federico Garcia Lorca, Paris Gavroche et Prière du vieux Paris). Parmi les morceaux bonus, le très beau De Nogent jusqu’à la mer, nous caresse de cette voix chaleureuse, un brin glamour.
Car Jean Ferrat savait aussi être romantique et charmeur, en témoigne nombre de ses titres de Nous dormirons ensemble à La matinée, en passant par C’est beau la vie. Et il maniait également l’autodérision avec talent comme dans L’idole à papa, où il imite Tino Rossi reprenant certains de ses succès.
Il pouvait même pousser le sarcasme un peu plus loin, en titillant la bien-pensance conservatrice, à travers des paroles jugées osées pour l’époque, que ce soit sur Hou hou méfions-nous, ou Une femme honnête, ironisant sur le plaisir féminin interdit.
Et surtout poète
Il n’était d’ailleurs pas avare de textes sensuels et érotiques comme par exemple dans L’amour est cerise. A l’instar de Musset, Verlaine, Baudelaire ou Sand, Ferrat savait évoquer les plaisirs de la chair, sans jamais être vulgaire. Tout l’art de décrire la chose sans détours, mais avec des tournures de phrases d’une grande finesse. La marque d’un grand poète.
Et si Ferrat écrivait avec une grande délicatesse, il a également sublimé les mots d’Aragon. Amoureux de la poésie, il a mis en musique de nombreux textes du poète, avec son approbation.
Le disque de 1971 Ferrat chante Aragon ressort le 6 mars avec un nouveau mixage stéréo, et deux titres supplémentaires qui ne figuraient pas sur l’édition originale : Les lilas et Aimer à perdre la raison
Une compilation et une biographie
Et pour ceux qui voudraient se replonger dans la vie du chanteur ou avoir un résumé de sa discographie, une compilation Ma France sort le 28 février, et la biographie Le chant d’un révolté par Robert Belleret sort le 5 mars.
À n’en point douter, Jean Ferrat continue, dix ans après sa mort, de susciter un intérêt intact pour son œuvre : militante, musicale et littéraire.
Jean Ferrat - Intégrale Decca et Barclay 1960-1972 - "Voix libre" - sortie le 6 mars (Universal)
"Ferrat chante Aragon" - vinyle 180g - nouveau mixage stéréo - 2 titres bonus - sortie le 6 mars (Universal)
Jean Ferrat "Ma France" - compilation 3 CD - 50 titres - sortie le 28 février (Universal)
Biographie de Jean Ferrat - "Le chant d'un révolté" - Robert Belleret - Sortie le 5 mars (Editions de l'Archipel)
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