Des townships à l'opéra, Pumeza Matshikiza signe un très beau "Voice of hope"
En quelques années, Pumeza Matshikiza a imposé sa présence et sa voix chaude de soprano venues d'ailleurs dans le monde de l'opéra. Des townships du Cap aux ors des théâtres du monde, sa trajectoire est singulière, mais la Sud-Africaine n'a rien oublié de ses origines. Pour preuve, un premier disque, "Voice of Hope", dans lequel elle offre une large place aux musiques traditionnelles de son pays.
Ce qui frappe d'abord chez Pumeza Matshikiza, c'est son allure : silhouette grande et mince, port altier, coupe afro. Sa beauté au naturel dénote avec celle, très apprêtée, des photos réalisées en studio et proposées à la presse magazine. Elégance simple. Touches ethniques savamment dosées : talon japonais pour les bottines, imprimé wax pour le pantalon. Les couleurs tranchent sur la moquette blanche de l'hôtel parisien dans lequel elle nous reçoit. Son anglais à l'intonation légèrement sud-africaine (ses années londoniennes ont laissé des traces) est posé : le ton calme et néanmoins rythmé, la parole libre et riche.
Et pourtant, seules quatre des quinze plages du disque sont des airs d'opéra. La plupart des autres sont des chansons sud-africaines, créations de Miriam Makeba ou mélodies traditionnelles connues grâce à la grande chanteuse disparue en 2008 : parmi les plus célèbres, "Lakutshon'ilanga (When the sun sets)" et "Pata Pata". "C'est, évidemment, un hommage à Miriam Makeba, la musicienne, l'exilée, l'activiste, originaire comme moi de la tribu Xhosa", explique Pumeza : "une fois arrivée en Europe, j'ai pris conscience notamment grâce à elle, que j'étais Sud-Africaine". Mais ces chansons et d'autres encore, Pumeza les propose avec sa voix de soprano et des arrangements originaux, dosage subtil entre orchestration symphonique et populaire. Un mélange réussi que des musiciens lui auraient déjà réclamé pour d'autres usages… "C'était important qu'il y ait l'ancrage populaire africain et une ouverture lyrique", avance-t-elle : "le disque exprime toutes mes influences : de ma culture xhosa à mes dix années passées en Europe". Pumeza Matshikiza fait ses armes musicales dans la limite des possibilités qu'offrent les townships du Cap des années 1980, dernières années ségrégationnistes d'Afique du Sud. Mais la famille a la fibre musicale, une mère qui chante en amateur et un certain Todd Matshikiza (musicien jazz très respecté) parmi ses parents éloignés. L'entrée de l'opéra dans son univers se fait par effraction, via la radio : "comment ce genre qui m'était inconnu est-il parvenu à me toucher si brusquement et si profondément, ça reste pour moi un mystère. La musique est ainsi faite, elle a sa propre vie, qui transcende tout". La passion devient dévorante, et aujourd'hui Pumeza mesure l'importance du travail fourni et des rencontres, comme celle avec le compositeur Kevin Evans (dont un morceau, "Umzi Watsha", figure dans son disque), le premier à lui mettre le pied à l'étrier.
Puccini, le préféré
Mais il aura fallu l'étape européenne pour transformer l'essai : ce sera Londres, le Royal College of Music et surtout le programme "Jette Parker Young Artists" du Royal Opera House qui l'installe définitivement dans le métier. "Je sais combien vivre et voyager en Europe et au-delà, m'a transformée et a modifié ma vision du monde et de l'Afrique du Sud. Je goûte aussi à la connaissance que m'offre l'opéra pour comprendre les pays que je traverse, à commencer par l'Allemagne où je vis (elle est en contrat au Staatsoper Stuttgart, Ndlr) : l'opéra allemand, c'est une musique profonde, très dense, et c'est un peu la psychologie allemande, des gens avec lesquels il est difficile de lier d'amitié mais quand c'est le cas, ils vous entraînent au fond de leur cœur. D'ailleurs, l'opéra le plus long a été écrit par des Allemands…" Bruckner, Wagner, sont les compositeurs qu'elle écoute aujourd'hui. Mais le belcanto italien reste son favori à chanter, Puccini en tête, dont trois airs sont interprétés dans son disque "Voice of hope", tirés de "Gianni Schicchi", "Turandot", et "La Bohème".
Sourire face aux adversités
Tout au long de la conversation, Pumeza affiche un sourire apaisé, très évocateur. Il nous rappelle une chanson sud-africaine du disque, "Iya Gaduza" qui, selon la présentation, agit comme "le sourire d'un homme face aux adversités". "Les chansons comme celle-là disent une réalité : le chômage, la pauvreté, la solitude", explique Pumeza : "mais cette gravité est dite avec le sourire. Comme à l'époque de l'Apartheid, où les gens manifestaient en dansant et en chantant des chansons qui n'étaient pas tristes. Je ne connais pas de chanson triste : même quand les paroles le sont, les mélodies ne le sont pas". Et la soprano sait la violence qu'ont subi les populations des townships, y compris dans les années de l'Apartheid.
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