Franco Fagioli à Ambronay, dans la peau des castrats Carestini ou Caffarelli
Il est, par la virtuosité de sa voix, l'une des révélations du baroque et du belcanto en Europe : Franco Fagioli, contre-ténor argentin, installé aujourd'hui à Madrid. Il foule pour la première fois la scène du festival baroque d'Ambronay, avec des airs de Haendel et surtout de Porpora, l'un de ses contemporains napolitains, également célèbre pédagogue, professeur des grands castrats et de Haydn.
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Franco Fagioli : C'est vrai (rires) ! Ils étaient voisins à Londres et dirigeaient deux théâtres (Le "Opera of Nobility" pour Porpora et la "Royal Academy of Music pour Haendel, NDLR) qui rivalisaient dans l'invitation des castrats parmi les plus grands de l'époque : Carestini, Farinelli… C'est une idée du Festival d'Ambronay de les réunir. Avec le compositeur napolitain Nicola Porpora, il s'agissait de présenter mon projet, qui fait l'objet d'un disque d'arias ("Il maestro Porpora Arias", Naïve). Concernant Georg Friedrich Haendel, j'ai choisi de la musique faite pour Caffarelli, un autre très grand castrat de l'époque (auquel est consacré mon précédent disque) et pour Carestini : on écoutera des airs de l'opéra "L'Ariodante". Caffarelli et Carestini sont deux personnages que j'apprécie et qui correspondent bien à ma voix.
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Quand je travaille cette musique, j'essaie d'établir un contact "spirituel" avec ces personnages que sont Caffarelli ou Carestini. C'est quelque chose de très intime que vous avez, en un sens, deviné. Je me demande d'abord comment étaient leurs voix. Evidemment j'élabore mon interprétation de manière très personnelle. Mais grâce aux recherches effectuées pour mon disque Caffarelli et au travail que j'ai réalisé pour chanter des oeuvres faites pour Carestini, comme "Artaserse" de Leonardo Vinci ou "L'Ariodante" de Haendel, je parviens à ressentir comme une proximité avec ces chanteurs ; pas seulement théorique, de connaissance, mais également, comme je le disais, spirituelle.
Quant à Nicola Porpora, qui fut le professeur de ces chanteurs et d'un grand nombre d'autres très célèbres, vous le présentez dans une préface au disque comme votre maître…
Oui. Porpora a effectivement été un grand professeur pour tous ces chanteurs. J'ai eu moi aussi le désir d'apprendre comme si j'étais son élève, par le prisme de sa musique ; j'ai voulu comprendre son langage, lui qui a fait un usage extrême de la voix, car il en avait une parfaite connaissance. Sa musique est une excellente école. Après avoir chanté ses airs vous pouvez chanter n'importe quel air baroque, car ils offrent tous les outils techniques et musicaux nécessaires.
Comment décrire l'écriture de Porpora ?
Dans les airs rapides, il y a une ligne vocale "sportive" qui demande à la voix le maximum d'agilité et de flexibilité. Encore une fois, Porpora connaît les muscles concernés, son écriture répond à cette connaissance. Dans les airs mélancoliques et lents, il y a un lyrisme exceptionnel grâce à des phrases longues. Et que raconte cette musique ? Quelle atmosphère évoque-t-elle ?
Il y a un peu de tout dans cette musique, ce sont les émotions humaines... La manière de les dire est très italienne. C'est le baroque napolitain, qui possède aussi la trace culturelle des occupations que l'Italie et Naples ont connu dans l'histoire : donc parfois des sonorités espagnoles ou des phrasés à la turque...
Parlez-nous de votre voix : comment peut-on la définir ?
Je suis contre-ténor, c'est-à-dire un homme qui chante essentiellement avec la voix de tête. En termes de tessiture vocale, ma voix est celle de mezzo-soprano, pour les couleurs et le répertoire qu'elle peut aborder. Une dénomination qui n'existait pas à l'époque baroque, on parlait alors simplement de soprano. Comment vous êtes-vous découvert cette voix, jeune homme habitant dans une petite ville du Nord de l'Argentine, dans la province de Tucuman ?
Enfant, je chantais déjà dans un choeur avec une voix de soprano. Je faisais régulièrement des soli, j'ai même été choisi pour chanter "La flûte enchantée" ! C'étaient des expériences qui m'avaient frappé dans la manière de ressentir la musique. Puis j'ai mué, mais malgré cela, je n'ai jamais cessé de jouer à chanter aigu. J'ignorais alors que cet amusement était un registre vocal existant. Jusqu'à ce que je découvre un jour chez un disquaire, sur le dos de la pochette du "Stabat Mater" de Pergolèse que je cherchais, que la partie du "alto" état chantée par un homme ! La voix de contre-ténor venait de faire son apparition. C'était, je l'ai compris tout de suite, ce que j'allais devenir.
Vous y a-t-on encouragé ?
Oui. J'ai même été le premier étudiant contre-ténor accueilli à l'Académie des arts du "Teatro Colon" de Buenos Aires !
Aujourd'hui, vous sentez-vous lié à un répertoire particulier ?
J'aime profondément le répertoire italien, le belcanto. Pour les caractéristiques de ma voix, mes professeurs m'ont fait connaître ce répertoire : Rossini, Donizetti, Bellini. Mais à partir de là j'ai pu également aborder le baroque, à partir de Haendel, qui est en quelque sorte le premier belcanto qui a existé, suivi des Napolitains comme Leonardo Vinci, Leonardo Leo et Nicola Porpora. Pour revenir à ce dernier, l'enregistrement du disque ainsi que ce concert à Ambronay sont pour moi un hommage à ce maître. A un professeur de chant qui a eu autant d'élèves illustres - Farinelli, Senesino, Caffarelli - et qui, de ce fait, a commencé une tradition de chant qui ne s'est pas perdue.
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