Vanessa Wagner : son "Ravel" à fleur de peau
A l'occasion de la sortie de son dernier disque, consacré à Ravel (chez Aparté), rencontre avec la pianiste Vanessa Wagner. Hypersensibilité. Pérégrinations artistiques originales. Vingt ans de carrière et une trajectoire musicale qui ne ressemble à aucune autre. Portrait.
Rencontre dans un café parisien, près de la Maison de la Radio, où elle vient de jouer une pièce pour une émission. La pianiste Vanessa Wagner assure avec plaisir la promotion de son dernier disque, "Ravel piano works", chez Aparté. Et accepte toute autre question. Notre projet est une sorte de portrait. Posée, elle est concentrée, mais avec le détachement de celle qui a beaucoup réfléchi déjà sur son parcours.
Ravel tout en contradictions
"Ravel piano works" offre une large palette de sentiments et d'images poétiques. Noirceur profonde, sépulcrale, du "Gaspard de la nuit", musique inspirée des poèmes d'Aloysius Bertrand. Un triptyque qui inclut "Scarbo", trop souvent cité seulement pour sa difficulté technique. Ravel aurait dit un jour à une jeune pianiste qui s'apprêtait à l'interpréter : "j'espère que vous n'allez pas le jouer comme du Lizst". "C'est vrai que "Scarbo" est devenu une pièce de concours" explique Vanessa Wagner : "mais il ne faut pas l'apprécier pour cela ! Les textes sont sombres. On doit y voir un diablotin, une étincelle furtive, un cauchemar… pas une rhapsodie hongroise de Liszt !" Autre ensemble d'œuvres, "Ma mère l'Oye" déploie son univers de contes de l'enfance ou en tout cas du souvenir de ceux-ci. "En même temps", corrige la pianiste, "il y a une grande maturité dans ces pièces, comme écrites par un vieil homme dont une part n'aurait pas grandi". Une contradiction parmi tant d'autres, dont Ravel est coutumier, selon Vanessa Wagner qui cite en exemple l'une des pièces qu'elle affectionne le plus dans ce programme, au titre en oxymore, les "Valses nobles et sentimentales". "Il y a dans ces pièces à la fois un hommage à Schubert, donc au grand classique, et une innovation harmonique incroyable," dit-elle : "J'ai été sensible au côté sentimental, à la tendresse. Dans les Valses, je vois une sorte de paquebot Titanic, avec des dandy comme lui, un peu fin de siècle, en équilibre instable sur le pont, aux premières lueurs du jour… J'y vois quelque chose qui penche, rythmiquement un peu décalé".
"Tête de lard"
Vanessa Wagner aime ce qui est décalé. Elle-même fait figure de pianiste à part. On l'associe souvent au compositeur contemporain Pascal Dusapin dont elle une fidèle interprète. Ou au pianoforte, piano ancien qu'une partie du public a (re)découvert grâce à une série de concerts où elle en jouait en alternance avec l'instrument moderne. Ou enfin à la musique électronique, depuis qu'elle s'est produite sur scène (et ce n'est pas terminé) avec l'artiste Murcof sur des pièces de John Adams, Philipp Glass ou Erik Satie. Vanessa Wagner est tout cela à la fois, mais refuse qu'on la réduise à ces cheminements. Et sait poser aujourd'hui un regard apaisé sur un parcours lui aussi empreint de contradictions.
Puissante fragilité
Ainsi va la vie de la pianiste. D'un côté, le travail assidu et une reconnaissance qu'elle désire et qui ne tarde pas : une Victoire ("Révélation soliste instrumental") en 1999 et la signature dans des labels prestigieux. De l'autre côté, la remise en cause d'une trajectoire qu'elle craint de voir réduite à une seule voie, identique à tant d'autres. Doute professionnel, mais aussi existentiel. "J'ai d'abord fait le choix de ne pas passer les concours internationaux", explique-t-elle. "Cela m'a positionné en musicienne plus fragile, mais aussi plus indépendante. Ensuite, j'ai travaillé sur moi-même. La psychanalyse m'a aidée. Mais j'ai aussi puisé dans le métier de soliste, les outils pour cultiver ma sensibilité et mon émotivité tout en m'imposant la force nécessaire pour jouer sur scène le répertoire". Vanessa Wagner nourrit sa différence, perméable à la création musicale aujourd'hui et propose sa sensibilité aux écritures plus traditionnelles, comme ces pièces de Ravel. Et fait sienne cette phrase d'Henri Michaux : "faute de soleil, sache mûrir dans la glace".
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