: Interview "J’ai longtemps voulu prouver aux hommes que ma culture musicale est surprenante et différente" : Roni, une DJ aux platines à découvrir à We Love Green
Roni fait partie des onze femmes DJ qui se produisent sur les scènes du festival sur la pelouse du Bois de Vincennes de vendredi à dimanche. Une programmation qui rompt avec l'esprit masculin de la musique électronique.
Être DJ serait un métier d'homme. Infondé, ce postulat a pourtant longtemps été véhiculé dans le monde des musiques électroniques et semble persister. Un cliché dont le festival We Love Green qui se déroule au Bois de Vincennes à Paris, de vendredi 6 au dimanche 8 juin, prend le contrepied en proposant à onze femmes DJ de faire danser les festivaliers, dont Roni, Didi Han, Chloé Caillet, Horsegirl, Avalon Emerson, Amélie Lens et U.R. Trax.
Le classement 2024 des 100 meilleurs DJ du monde, établi par DJ Mag, référence dans le milieu, ne répertorie que 16 femmes. La première nommée, Peggy Gou, n'apparaît d'ailleurs qu'à la dixième place. Et ce, alors même qu'elle se produit sur des scènes prestigieuses, comme celle du festival Glastonbury, et qu'elle est l'autrice du remix (It goes like) Nanana, qui compte plus de 70 millions d'écoutes, uniquement sur YouTube. De manière plus générale, l'invisibilisation des femmes DJ est étroitement liée aux programmations des clubs et des festivals. Le rapport FACTS 2024 publié par le collectif Female Pressure, spécialiste des questions de genre dans le milieu des arts électroniques, alerte : entre 2022 et 2023, les femmes ne représentaient que 29,8% des artistes électro programmés en festivals. Très loin de la parité, ce taux représente pourtant une avancée, en 2009 seuls 9% des artistes électro programmés en festivals étaient des femmes.
Pour avancer vers une scène électro mixte, des initiatives activistes, à l'instar de Future Female Sounds qui forme les femmes aux platines, et des évènements s'engagent. C'est le cas donc de We Love Green pour son édition 2025. Parmi les femmes DJ programmées, Roni, une artiste franco-malaisienne, à la tête du label Nehza Records. Nous avons pu l'interroger sur son expérience en tant que femme dans le milieu de la musique électronique.
Franceinfo Culture : En tant que femme DJ, avez-vous ressenti des différences avec vos collègues masculins ?
Roni : Le monde du DJing est très dominé par le masculin, depuis assez longtemps. Mais c'est en train de changer énormément et il y a vraiment de plus en plus de femmes derrière les platines. Après, c'est vrai qu’en me lançant j’avais conscience que ce serait plus difficile, notamment au niveau de la confiance en soi.
J’ai développé un syndrome de l’imposteur, que toutes les femmes ressentent beaucoup dans les milieux qui sont dominés par la gent masculine.
RoniFranceinfo Culture
Concrètement, être headliner [tête d'affiche] sur une programmation est beaucoup plus difficile pour les femmes que pour les hommes. On doit souvent prouver que faire appel à nous est une bonne idée. Qu’en fait, on a de la technique, on a de la culture musicale. Il faut aussi démontrer qu'on n'est pas là pour notre physique et parce qu'on est mignonne ou parce que ça fait plaisir de nous voir sur le site. Au même titre que les hommes, on est là pour notre création artistique, pour délivrer un message, on a exactement les mêmes capacités techniques.
Cet environnement masculin a-t-il eu un effet concret sur la façon dont vous exercez votre métier ?
Je me suis rendu compte que ça a influé sur la musique que je joue, mes choix musicaux. Surtout au début de ma carrière. J’étais portée par ce besoin, de prouver aux hommes que ma culture musicale est surprenante et différente. Je voulais aussi quelque part avoir une force masculine, une influence masculine dans la musique que je jouais.
Pendant longtemps je ne voulais pas jouer des trucs trop girly ou trop féminins. Je commence à m’approprier ces sonorités.
Ronià Franceinfo Culture
Je commence à me dire : j’aime jouer ce style musical, donc je ne dois pas avoir peur de le faire. Mais avant, j’avais ce besoin de validation de la part du monde masculin, des anciens, des gens qui étaient là depuis longtemps dans l'industrie.
Lorsque vous avez commencé, quelle place ont eu les femmes artistes dans votre carrière, vous ont-elles influencée ?
Énormément ! Moi, j'ai grandi en écoutant Miss Kittin, Chloé, Jennifer Cardini. C'était une époque où il y avait très peu de femmes qui jouaient. Mais celles qui avaient réussi à se battre pour pouvoir exercer, j'écoutais tout ce qu'elles faisaient : leurs productions, leur mix, j'allais les voir partout etc. C'est d'ailleurs une femme qui m'a appris à mixer.
J'avais beaucoup d'amis qui étaient DJ et au début, quand je demandais quel matériel il fallait avoir, les mecs ne m'ont pas du tout aidée.
Ronià Franceinfo Culture
Je n'arrivais pas à avoir des réponses simples et claires qui me permettaient de pouvoir démarrer. Donc, j'ai une copine un jour qui m'a dit : "Ok, voilà la liste. Une fois que tu auras acheté ça, ça, je viens et on joue ensemble et on est ensemble."
Après, la vie a fait que j'ai eu plein d'influences des deux côtés. Des hommes aussi m'ont aussi aidée, notamment lors de mon passage chez Rinse [radio spécialiste de la scène underground et électronique]. Mais mon parcours a démarré dans la confiance d'une femme qui m'a transmis ça. Je les regardais énormément, mais c'est vrai qu'au début j'avais quand même encore cette conception que les hommes ont plus de techniques et que du coup, c'était plus enrichissant de regarder ce que les hommes faisaient pour pouvoir me former... Je ne sais pas, Il y avait une notion de puissance qui était différente dans ma tête, ce qui n'est plus du tout aujourd'hui. C'est-à-dire qu'aujourd'hui, je regarde beaucoup plus les femmes et même dans la musique que je produis. Je m'inspire énormément de ce que d'autres femmes font, je n'ai plus peur de m'inspirer de leur sensibilité. De leur approche, de leur sensualité et de certaines choses qu'elles peuvent exprimer, qui sont des choses qu'on aime.
Roni est programmée à We Love Green samedi 7 juin 2025 de 17h à 19h sur la Scène Lalaland
La programmation complète est à retrouver sur le site de We Love Green
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