Opéra comique : Pommerat crée "L'inondation", entre drame social et suspense hitchcockien
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Commande de l’Opéra comique, "L’Inondation" est un opéra contemporain signé à quatre mains par Francesco Filidei, jeune compositeur italien plein d'esprit, et le talentueux dramaturge Joël Pommerat.
Un drame social, assurément. Un thriller psychologique aussi, sans nul doute. Entre musique, théâtre et cinéma : L'Inondation, l'opéra de Francesco Filidei et Joël Pommerat est tout cela à la fois. Une création, fruit d’une commande de l'Opéra comique et une étape nouvelle dans la collaboration entre un homme de théâtre, dramaturge et metteur en scène et un compositeur contemporain, dont c'est le deuxième opéra. Trois ans de travail main dans la main à partir d'une nouvelle russe éponyme d'Evgueni Zamaiatine de 1929. L'Inondation a été présenté le 27 septembre, très applaudi Salle Favart malgré l'absence, lors des saluts, du dramaturge à l'origine du projet.
Couple au bord de l’implosion
Dans un pays indéterminé, habitant sur une île au milieu d’un fleuve, sans doute dans les années 60, un couple de 35-40 ans est au bord de l'implosion malgré un amour sincère, faute d'enfants. "Un homme qui n'a pas d'enfant c'est encore un enfant lui-même", remarque la voisine, illustration d’une pression sociale omniprésente même si elle se veut bienveillante. Dans le même immeuble, une ado, restée seule après la mort de son père, trouve asile chez l’Homme et la Femme (c’est ainsi qu’ils sont appelés).
Mais le cadeau envoyé du ciel s’avère empoisonné : la Jeune Femme (idem) n’est plus une enfant et elle est séduisante. Peu de gestes et peu de mots, surtout, dans ce couple à deux, puis à trois. La météo, sorte de troisième personnage principal de l’opéra, va parler à leur place. Le vent souffle (et siffle), la pluie se fait torrentielle, l’eau monte anormalement. Cataclysmique, l’inondation balaie tout sur son passage. Le trio s’en voit bouleversé.
Emprisonnement social
Joël Pommerat et Francesco Filidei (on peut difficilement séparer les contributions des deux, tellement elles sont imbriquées) signent ici une œuvre glaçante. Haletante (riche en rebondissements), elle n’en demeure pas moins profonde, parce qu’elle touche à l’intime (dans sa banalité), confronté à la contrainte temporelle (l’horloge biologique pour la Femme, le temps rythmé par la succession des saisons) et surtout sociale : la solitude, l’incommunicabilité, l’emprisonnement dans des normes y sont très bien rendus. Le choix du décor par Pommerat, si opposé au dénuement habituel de ses productions, est révélateur : sur le plateau, un immeuble de trois niveaux offre au spectateur une observation simultanée des différents ménages, séparés entre eux par des parois (réelles et sociales) peu épaisses dont la comparaison accentue la norme sociale. On ne boudera pas, par ailleurs, le plaisir voyeur, façon Fenêtre sur cour et ludique à souhait.
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Pour que l’action, coincée dans l’immeuble, n’en soit pas statique, Joël Pommerat emprunte également au cinéma quelques effets comme le ralenti (toujours efficace), le suspense (Hitchcock n’est jamais très loin) ou encore l’anticipation d’une scène cruciale pour un démarrage en trombe, avant d’entamer un long flash-back. Un peu comme quand la scène bluffante du mort sous le capot du début du film Les affranchis de Scorsese réapparaît en cours de route avec ses ajouts scabreux et drôles, Pommerat s’amuse à troubler le spectateur en reprenant la scène initiale de l’opéra (que l’on ne peut vous révéler) mais en dédoublant la "vérité" et l’un des personnages au passage.
Ultra-réalisme
Bande originale de ce récit et en même temps colonne vertébrale de l’opéra, la musique de Francesco Filidei donne toute sa chair à l’histoire. Par les voix d’abord, où le récitatif semble primer sur les airs. Les chanteurs y remplissent pleinement leur contrat, à commencer par le baryton Boris Grappe (l’Homme), la mezzo Chloé Briot (la Femme), la soprano Norma Nahoun (la Jeune Fille) et l’alto Yael Raanan-Vandor (la Voisine). Pas de lyrisme "superflu", la musique sert l’action. Y compris dans les quelques airs remarquables, comme celui du médecin, tenu par le baryton-basse Vincent Le Texier, celui du narrateur, le contre-ténor Guilhem Terrail, au début de l’acte 2, et surtout l’impressionnante (et très aiguë) litanie de Chloé Briot (la Femme), lors du dénuement final.
Mais notre préférence va à la musique orchestrale de Filidei dirigée par le chef italo-argentin Emilio Pomarico, narrative certes mais d’une grande beauté. Riche, et pourtant si peu chargée, elle est ultra-réaliste. Si les cordes et les bois accompagnent les rebondissements de la narration, l’abondante base de percussions assure l’atmosphère qui domine l’opéra. A l’intérieur de l’immeuble (on entend jusqu’aux gammes de piano des voisins !), comme, surtout, à l’extérieur, où les éléments de la nature jouent un rôle crucial, comme une métaphore des relations humaines : le vent, la pluie, le son des mouches, et le souffle des courants du fleuve qui emporte tout sur son passage. Sans électronique, la musique de Filidei rendrait presque hommage à ses prédécesseurs baroques, Monteverdi en tête.
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