Auto-Tune : tricherie ou outil d’émancipation ? Une websérie documentaire fait le point sur arte.tv
Popularisé au tournant des années 2000, l'Auto-Tune, ce logiciel de correction de la voix, est devenu incontournable, en particulier dans le rap, dont il est le marqueur esthétique obligé depuis quelques années. Mais sera-t-il éternel ?
Jay-Z annonçait sa mort en 2009 dans D.O.A. (Death of Auto-Tune) et il avait tout faux : qu’on l’adore ou qu’on l’exècre, l’Auto-Tune est aujourd’hui partout. Il était temps de se pencher dans le détail sur cet outil de correction de la voix devenu phénomène incontournable dans la musique, comme le fait cette websérie documentaire en six épisodes de 8 à 10 minutes chacun, à voir sur arte.tv depuis le 4 juillet (et jusqu’en 2026).
Une révolution dans le rap
L’ingénieur américain Andy Hildebrand l’a inventé il y a 26 ans et en 2023 ce logiciel, qui permet à tout un chacun de chanter juste, est présent sur la quasi-totalité des albums vocaux qui sortent dans le monde. Repéré pour la première fois en 1999 sur un hit de Cher, Believe, parce qu’il était utilisé à dessein de façon extrême, l’Auto-Tune est devenu bien plus qu’un outil de correction de la voix : c’est l’esthétique vocale numérique contemporaine.
Dans le rap en particulier, il a changé bien des choses. Après avoir été considéré pendant quelques années comme une tricherie à proscrire, dont on ne se servait qu’en cachette, il a fini par s’imposer massivement. Ce fut d’abord Teki Latex de TTC qui s'en empara en 2002 sur Helium liquide de L'Armée des 12, puis ce fut PNL de façon particulièrement intelligente et personnelle pour exprimer son spleen existentiel ("J’suis pas un rappeur, sans vocodeur, j’suis claqué", chantait Ademo dans Mowgli), ouvrant la voie à l’incontournable JUL, aujourd’hui imité jusqu’à l’étranger. Le phénomène est tel que les rappeurs qui n'en ont pas vraiment besoin s'y mettent eux aussi, pour rester dans le coup ou par peur que l'on puisse penser qu'ils chantent faux.
Cet outil a surtout permis de décomplexer les rappeurs en les poussant à s’assumer davantage comme chanteurs, osant les refrains auparavant assurés par des chanteuses, et du même coup à changer leur manière de construire les morceaux. Cet apport mélodique, qui laisse aussi passer une vulnérabilité nouvelle, a contribué à leur ouvrir tout grand les portes du succès de masse dont ils jouissent aujourd’hui en France.
L'Auto-Tune en tant qu'esthétique survivra-t-il encore longtemps ?
Cette websérie documentaire a le mérite de poser les bonnes questions sur cette révolution et de faire vivre le débat entre ceux qui estiment comme le rock critic Philippe Manœuvre que l’Auto-Tune "niveau artistique, c’est zéro pointé" (notamment car en cas de panne, c'est consternant en live), et ceux qui, comme le journaliste et producteur SHKYD, le considèrent comme "une sorte d’esperanto" capable de "détruire les frontières". Si la vérité se situe quelque part entre les deux, l’uniformisation indéniable à laquelle conduit l’Auto-Tune – tout le monde chante juste, mais tout le monde a peu ou prou le même timbre digital - n’est pas forcément gage d’éternité : comme d’autres modes avant lui, il finira lui aussi par être dépassé, ainsi que le prophétise le producteur de PNL NK.F.
Cette série claire, vivante et bien construite, recueille la parole de nombreux intervenants, producteurs, rappeurs, chanteuses et journalistes, de Médine à Soprano, K-Reen, Lujipeka, Youssoupha, Aloïse Sauvage ou Mehdi Maïzi. Cependant, on aurait souhaité que le documentaire élargisse le propos au-delà du rap. Car si les rappeurs se sont accaparés cet outil en transparence et en toute honnêteté, ce n’est pas le cas ailleurs. L’Auto-Tune et des logiciels de plus en plus sophistiqués pallient aujourd’hui en toute discrétion, en studio comme en live, le manque de voix et de justesse de bien des artistes célébrés par ceux-là mêmes qui vomissent l’Auto-Tune (et bien souvent le rap).
"Auto-Tune: de Cher à PNL, le Photoshop de la voix", une websérie documentaire en six épisodes de Simon Clair et Corentin Coëplet à voir sur arte.tv jusqu’en juin 2026
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