Cinq détails relevés dans "Gojira, les enfants sauvages", une biographie minutieuse du groupe français phare du metal mondial
Alors que les fers de lance du metal français s'apprêtent à faire trembler les arènes du pays cet automne et qu'ils ont reçu deux récompenses aux Foudres, la nouvelle cérémonie du metal, une biographie détaillée signée Jean-Charles Desgroux revient sur leur carrière internationale. L'occasion de faire plus ample connaissance avec ce groupe atypique.
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Ce fut une déflagration suivie en direct par des millions de téléspectateurs autour du monde : vendredi 26 juillet, lors de la cérémonie d'ouverture des Jeux olympiques de Paris 2024, il est 20h13 lorsque la façade de la Conciergerie s'enflamme. "Dans un fracas de metal concassé", quatre musiciens "postés sur de minuscules plateformes fixées à même la façade de la Sainte Chapelle" assènent un déluge de décibels. Ah ! Ça ira !, rugit le chanteur, bientôt rejoint par la cantatrice Marina Viotti, juchée sur un bateau de carton-pâte, alors que la silhouette de Marie-Antoinette décapitée se découpe dans l'encadrement d'une meurtrière, sous des gerbes de fumée rougeoyantes.
Cette scène époustouflante, au cœur d'une soirée pourtant riche en surprises, fut "probablement l'exposition médiatique en direct la plus phénoménale de l'histoire du metal", écrit Jean-Charles Desgroux dans Gojira, les enfants sauvages, une biographie minutieuse des héros du metal français, qui vient de paraître aux éditions Le Mot et Le Reste. Cette performance a d'ailleurs valu au quatuor, en compagnie de Marina Viotti et du co-compositeur de Mea Culpa (Ah ! Ça ira !) Victor Le Masne, le Grammy Award 2025 de la meilleure prestation metal.
Si la majorité du public ignore alors qui sont ces quatre hommes en noir défouraillant cette musique tellurique, les fans de metal du monde entier adulent déjà Gojira, considéré depuis une dizaine d'années comme une véritable légende, louée pour son audace, son originalité et son avant-gardisme.
Alors qu'un huitième album se profile à l'horizon et que le quatuor s'apprête à effectuer cet automne une tournée française d'une douzaine de dates, avec une halte à l'Accor Arena de Paris le 30 novembre, voici cinq choses capitales, parmi des dizaines d'autres, apprises dans cet ouvrage, qui analyse par ailleurs méticuleusement leur discographie, au sujet de ce groupe intense et hors normes.
1Une fratrie et une famille soudées
Gojira est constitué de Joe Duplantier (chant, guitare, production), Mario Duplantier (batterie), Christian Andreu (guitare) et Jean-Michel Labadie (basse). Comme Sepultura et Pantera, ou même AC/DC, le groupe est emmené par deux frères, l'aîné, Joe Duplantier, ayant contaminé son frère Mario à un âge précoce. Si le premier tient la six-cordes et le micro, le second, qui pratique assidûment son instrument depuis l'âge de 11 ans, est aujourd'hui un virtuose des baguettes respecté par ses pairs. Le binôme est indéniablement le moteur du groupe.
Ensemble, ils ont grandi à Ondres, dans les Landes, dans un foyer artistique (arts graphiques, peinture, sculpture, mais aussi danse et yoga pour la mère, de nationalité américaine) féru de musique, aussi ouvert que bienveillant. Atypiques, un peu hippies, les Duplantier sont connus pour vivre dans une demeure familiale au milieu des bois, à laquelle tous sont très attachés. Encouragés par leurs parents, Joe et Mario répètent très jeunes dans le local construit avec leur père dans le garage. La famille, soudée, est mise à contribution. Leur sœur, Gabrielle, effectue toutes les photos posées du groupe, souvent dans la nature, et toujours en noir et blanc. Un de leurs oncles, Alain Duplantier, a réalisé plusieurs de leurs clips, dont ceux de Love et de Low Lands, filmé dans la propriété familiale.
2Engagés pour l'écologie et la cause animale
Les plages landaises souillées par la pollution ont révolté très jeunes les deux frères Duplantier. Il s'agit d'un des axes fondamentaux de la colère que partagent Joe et Mario, "qui sacralisent la nature". Au point que Joe est allé vivre à 24 ans, et durant près de deux ans, dans une cabane en pleine forêt, sans eau ni électricité, s'éclairant à la bougie et faisant des feux pour cuisiner. Farouche défenseur de la cause environnementale (principalement Greenpeace et Sea Shepherd) et animale (il est l'un des émissaires de l'association PETA), le chanteur assure que s'il n'avait pas réussi dans la musique, il aurait dédié sa vie entière à ces causes.
Cela transparaît nettement dans les textes, avec des chansons comme Toxic Garbage Island, qui évoque la dérive d'un sac en plastique dans l'océan, ou Planned Obsolescence, où il est question de pollution et de ressources naturelles épuisées par la société de consommation. Sur leur dernier et septième album Fortitude, le titre Amazonia est un plaidoyer pour l'Amazonie et la situation au Brésil, où les incendies criminels ont accéléré la déforestation de la forêt primaire durant le mandat de Bolsonaro. Selon Jean-Charles Desgroux, le groupe, en accord avec ses convictions, observe une hygiène de vie d'une grande sobriété, atypique, et même inédite, dans le milieu metal connu pour ses excès. Végétarien de longue date, Joe est devenu vegan. Plus globalement, les membres de Gojira "ne sont pas réputés pour être de grands fêtards, ne boivent que très peu d'alcool et ne consomment ni drogues ni cigarettes", écrit leur biographe.
3Un message mystique et philosophique
Dès ses débuts, Gojira exprime, au travers des textes en anglais de Joe Duplantier, un message pétri de mysticisme, d'écologie et de philosophie, loin des provocations horrifiques du metal. "Comprends, tu crées ce que tu es/Sois le lien, tu es ce que tu crées", gronde Joe Duplantier sur The Link (2003), qui en appelle à l'éveil de la conscience de l'humanité.
Les questionnements métaphysiques, les références au bouddhisme tibétain, au chamanisme, à la méditation et au yoga, abondent dans les paroles, et particulièrement sur le quatrième album The Way of All Flesh (2008), traversé par la question de la réincarnation. Sur l'album Magma (2016), marqué par la mort de la mère de Joe et Mario, Patricia Duplantier, plusieurs morceaux sont des appels à l'autre côté du miroir : "Dis-moi ce que tu vois dans l'au-delà (…) Tu es invisible, tu es dans tout, Dis-moi ce que tu vois, lorsque tu es partout, Dis-le-moi maintenant", implore le chanteur sur le poignant et lancinant Low Lands.
4Des studios faits main
L'indépendance et l'esprit DIY (Do it Yourself) chevillés au corps, Gojira a pris soin de ne jamais se retrouver en position de se laisser dicter quoi que ce soit au plan artistique. Fin 2002, Joe et Mario décident de retaper la vieille grange délabrée qui jouxte la maison familiale. Ils y investissent les maigres économies du quatuor et empruntent aux banques de quoi se bâtir un studio professionnel d'enregistrement, digne de leurs ambitions. Le Studio des Milans, "du nom de ces petits rapaces qui peuplent les environs", est un pari osé qui leur permet de continuer à "développer leur musique en toute liberté" et sans producteur extérieur.
En 2010, Joe part s'installer aux États-Unis, à Brooklyn (New York), où son frère Mario le rejoindra en 2014 (notons que les frères Duplantier ont la double nationalité franco-américaine, leur mère étant américaine). Ensemble, ils se lancent alors dans la construction dans le quartier du Queens de nouveaux studios d'enregistrement, encore plus performants que le premier. Ce complexe, baptisé les Silver Cord Studios, est inauguré en avril 2015. Joe s'est totalement investi dans sa conception et sa réalisation. "En pratiquant la menuiserie, en maîtrisant aussi bien les techniques d'isolation et d'acoustique, Joe est parvenu (…) à recréer le laboratoire de ses rêves", "un espace cosy et chaleureux, à leur image", tout en "divisant les coûts par dix".
5 Adoubés par les stars du metal
Gojira n'est peut-être pas encore ultra-célèbre en France, mais les fans de death metal du monde entier connaissent leur nom. Car il est célébré par les plus grands groupes du genre. Dès 2007, le cerveau de Gojira a participé, en tant que bassiste, au premier album de Cavalera Conspiracy, le groupe événement monté par deux de ses héros, Max et Igor Cavalera de Sepultura. Le 14 août 2008, les Landais ouvrent pour leur groupe fétiche Metallica au festival Rock en France d'Arras (devenu depuis le Main Square). L'année suivante, via le bassiste Robert Trujillo, qui tresse leurs louanges, une amitié instantanée se noue entre les Français et Metallica, qui ont pour eux un vrai coup de cœur. Les Américains vont dès lors leur demander très régulièrement d'assurer leurs premières parties, y compris aux États-Unis, exposant Gojira à un public international de plus en plus nombreux.
Au printemps 2011, les Français signent chez Roadrunner, le puissant label de metal (racheté par Warner) qui a propulsé depuis la fin des années 1980 des groupes comme Obituary, Death, Machine Head, Slipknot et Sepultura. En 2013, Gojira ouvre les concerts pour Slayer aux États-Unis durant six semaines et se produit les années suivantes dans les plus grands festivals. En 2026, ils accompagneront à nouveau Metallica sur la route de leur tournée des stades européens. Il faut dire que sur scène, le groupe, qui fêtait déjà son millième concert en 2020, ne déçoit jamais. "Gojira en concert, pour beaucoup, est un choc", écrit Jean-Charles Desgroux. À bord de cette "centrifugeuse" dotée d'une scénographie impressionnante, "le son est d'une clarté et d'une puissance phénoménales". Cet automne, leur tournée française, qui débute le 27 novembre à Reims, passera forcément près de chez vous.
"Gojira, les enfants sauvages" de Jean-Charles Desgroux (Le Mot et Le Reste, 22 euros)
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