Interview "À partir des années 1830, la prise de conscience patrimoniale émerge en France" : Christophe Bottineau, président de la compagnie des Architectes en chef des monuments historiques

Les Journées européennes du patrimoine mettront à l'honneur, cette année, l'action des architectes, notamment les architectes des Bâtiments de France et les Architectes en chef des monuments historiques.

Article rédigé par Marianne Leroux
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
David Wendland, professeur d'histoire de l'architecture à l'université technique de Brandebourg Cottbus-Senftenber, se tient aux côtés de Pascal Prunet, architecte en chef de Notre-Dame, dans une réplique d'une voûte de Notre-Dame dans le laboratoire de stéréotomie de l'université. (PATRICK PLEUL / DPA / AFP)
David Wendland, professeur d'histoire de l'architecture à l'université technique de Brandebourg Cottbus-Senftenber, se tient aux côtés de Pascal Prunet, architecte en chef de Notre-Dame, dans une réplique d'une voûte de Notre-Dame dans le laboratoire de stéréotomie de l'université. (PATRICK PLEUL / DPA / AFP)

Cette 42e édition des Journées européennes du patrimoine, qui se déroulera les 20 et 21 septembre, aura pour thème : "patrimoine architectural". Elle mettra ainsi l'accent sur les réalisations artistiques et techniques de l'architecture qui constituent souvent un point de repère important de l'histoire locale, nationale et européenne.

Les édifices bénéficiant de la protection au titre des monuments historiques seront bien évidemment à l'honneur lors de cette édition. En 2022, plus de 45 991 immeubles étaient classés ou inscrits. Ces Journées européennes du patrimoine seront aussi l'occasion de célébrer l'action des architectes : ceux d'hier et ceux d'aujourd'hui, chargés de la conservation et de la restauration des monuments historiques. Parmi eux, les architectes des Bâtiments de France qui veillent, au quotidien, sur le patrimoine, et les Architectes en chef des monuments historiques (ACMH), dont une nouvelle promotion vient d'être sélectionnée. Rencontre avec Christophe Bottineau, président de la compagnie des Architectes en chef des monuments historiques.

Franceinfo Culture : Qu'est-ce qu'un architecte en chef des monuments historiques et quelle est son histoire ?
Christophe Bottineau : À partir des années 1830, la prise de conscience patrimoniale émerge en France. Il faut donc trouver des architectes pour protéger les édifices issus du Moyen Âge : les grandes cathédrales, les grands édifices gothiques. Mais les architectes de l'époque sont formés à l'architecture classique, non pas à l'architecture médiévale et encore moins à l'approche de la restauration d'un monument. Il va falloir trouver des architectes qui vont devoir connaître ces types d'architecture. Ils vont réfléchir aux problématiques de restauration d'un bâtiment ancien et non pas de construction d'un bâtiment classique. Et c'est ainsi qu'on va progressivement créer le corps des Architectes en chef des monuments historiques. Le premier concours, c'est en 1893. Et puis, en 1905, avec la loi de séparation des Églises et de l'État, on supprime le ministère des Cultes et les architectes diocésains qui travaillaient sur les grandes églises. Et tout ça va être confié aux architectes en chef des monuments historiques qui sont donc devenus à partir de ce moment-là des fonctionnaires du ministère de la Culture.

Quelles sont ses missions ?
Si on reprend le décret statutaire des architectes en chef, il a pour mission de protéger, de conserver et de faire connaître le patrimoine architectural de la France aux côtés du ministre chargé de la Culture. Il a donc la charge des monuments classés au titre des monuments historiques appartenant à l'État. Il y a un architecte en chef pour la cathédrale de Reims, d'Amiens, pour Notre-Dame de Paris, pour la Sainte-Chapelle, pour le château de Fontainebleau, pour le château de Versailles et pour bien nombre d'édifices moins connus, mais appartenant toujours à l'État. Et sur ces édifices, il a pour mission de conduire toutes les études nécessaires à la conservation et à la restauration du monument, d'assurer la direction des travaux de restauration, dans un cadre bien défini par les services du ministère de la Culture assurant le contrôle scientifique et technique de l'action de l'architecte en chef. La particularité, c'est que d'un côté, il est un fonctionnaire, recruté par le ministère de la Culture, mais de l'autre côté, il doit constituer lui-même son cabinet, ses locaux, ses moyens, ses personnels qui sont entièrement à sa charge. Par exemple, lorsque vous êtes en charge des alignements de Carnac, qui est un monument historique classé appartenant à l'État, il n'y a pas souvent de travaux. Or, l'État nous demande d'avoir une agence opérationnelle à sa disposition pour les monuments dont nous avons la responsabilité. Pour que cette agence soit viable, les architectes en chef ont l'autorisation d'avoir un exercice libéral à côté du cabinet d'architecte pour permettre l'activité du cabinet.

Quelle est la différence entre un architecte en chef des monuments historiques et un architecte des Bâtiments de France ?
L'architecte des Bâtiments de France est un fonctionnaire au sens le plus classique du terme, un chef de service d'une UDAP, une unité départementale d'architecture et du patrimoine. Il va instruire essentiellement des permis de construire, des demandes d'autorisation administrative pour des bâtiments construits aux abords d'un monument historique, dans un site protégé au titre de l'environnement. Il a une mission de police, d'instruction. Sur une cathédrale par exemple, il va assurer les travaux d'entretien courant, là où l'architecte en chef des monuments historiques assurera la conception et la direction des travaux de restauration.

Comment vous intervenez lorsqu'un monument doit être restauré ?
Lorsqu'on a en charge des édifices importants, il y a un toujours un maître d'ouvrage, un client. L'architecte n'intervient jamais seul, de sa propre initiative. Sur les monuments de l'État, en fonction du ministère, il y a un établissement public ou une DRAC (Direction régionale des affaires culturelles) qui est maître d'ouvrage et qui va nous dire par exemple qu'ils ont constaté un état de dégradation sur un édifice et qu'ils aimeraient faire des projections pluriannuelles pour savoir comment programmer des travaux et définir les urgences sur les années à venir, puis ils vont nous commander une mission. À partir d'un programme établi, en concertation avec les services de l'État responsables de l'édifice, on va ensuite rentrer dans la phase de maîtrise d'œuvre, c'est-à-dire faire des études d'avant-projet qui sont soumises aux services du préfet de la région concernée. Ces services vont analyser le dossier et vont, en fonction de leurs conclusions, délivrer ou non une autorisation de travaux, demander que des travaux prévus soient amendés, modifiés, repensés. À partir de là, on va rentrer dans la phase où il constitue le dossier qui servira à consulter des entreprises puisque ces opérations sont des marchés publics. À partir du moment où les entreprises auront été recrutées par le maître d'ouvrage, par les services du ministère affectataire, on rentrera dans la phase de travaux et à ce moment-là, l'architecte en chef dirige les travaux de restauration jusqu'à leur achèvement final.

Journées européennes du patrimoine, les 20 et 21 septembre 2025, partout en France

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