Interview "Wish offre un formidable aperçu de toute la diversité de la musique antillaise" : le créateur de la série, Julien Dalle, a sollicité le gratin de ses ambassadeurs

C'est une série qui fait déjà date dans le paysage audiovisuel antillais pour son casting et sa production. Elle est désormais disponible sur Francetv.fr et bientôt dans le réseau Outremer. Entretien avec Julien Dalle, le créateur de "Wish".

Article rédigé par Falila Gbadamassi
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 12min
Affiche de la série "Wish" (EYE & EYE PRODUCTIONS)
Affiche de la série "Wish" (EYE & EYE PRODUCTIONS)

Wish, la série musicale "100 % antillaise" est désormais disponible sur France.tv. En Outremer, elle sera également à découvrir sur le petit écran au cours du mois de juin. Les dix épisodes de 26 minutes réunissent tout le gratin culturel antillais en commençant par les stars de la musique, les anciennes et les nouvelles gloires. Au générique figure la chanteuse Methi’S qui tient le rôle d'Edith, l'héroïne de la série, les comédiens Luc Saint-Eloy, Firmine Richard, Laurence Joseph, Ndy Thomas et Jacques Martial ainsi que les chanteurs Francky Vincent, Admiral T, Thierry Cham, Passi, Jean-Michel Rotin, Misié Sadik ou encore Slaï. Ces derniers jouant leur propre rôle.

Wish démarre avec la mort d'un grand producteur guadeloupéen, le patron de la West Indies Studios. La plupart des artistes de la musique antillaise traditionnelle travaillent avec lui et il a su s'attirer les faveurs des stars montantes de la musique urbaine grâce à sa fille Edith, son héritière. Pour la jeune femme de 25 ans, la confiance de son défunt père va bientôt devenir un fardeau. Wish est une série qui fera (re)découvrir les mille et un visages des mélodies antillaises sur fond d'intrigues familiales attendues mais toujours aussi surprenantes.

Franceinfo Culture : "Wish" est une série dont l’intrique tourne autour d'un grand studio guadeloupéen, West Indies Studios. Elle démarre d'ailleurs sur deux ambiances musicales distinctes qui racontent une histoire de la musique antillaise. Pourquoi cette thématique ?

Julien Dalle : La musique antillaise est riche et variée. Wish est une série intergénérationnelle qui navigue entre les trois principaux courants musicaux présents aux Antilles. Le courant traditionnel est celui hérité de notre histoire : la quadrille, la mazurka, la biguine, le gowka... Ensuite, nous sommes une génération qui a vu l’émergence du zouk créé par Kasav' en 1979, l’année de ma naissance. Enfin, la musique urbaine, plutôt populaire qui vient des milieux underground des quartiers, a commencé à émerger dans les années 90. Ma génération a grandi en Guadeloupe au cœur d'un carrefour musical d’une incroyable richesse entre la musique traditionnelle, le zouk et la musique urbaine. Wish est un projet, placé sous le signe de l’unité, qui rend hommage à toutes ces musiques. La série offre un formidable aperçu de toute la diversité de la musique antillaise, celle que l’on connaît et celle qu’on connaît moins bien. 

On y retrouve les grands noms de la musique antillaise, anciennes gloires et stars montantes. Comment avez-vous pu réunir cette impressionnante affiche musicale ? 
Quand j’ai sorti Secrets de famille (2008), mon deuxième film (un succès, le film a fait 28 000 entrées en deux semaines), de nombreux artistes ont assisté aux avant-premières et ils m’ont demandé quand je comptais les faire jouer dans mon prochain film. C’est à ce moment-là que j’ai eu l’idée de créer cette série qui permet de raconter des histoires contemporaines de familles antillaises dans l’industrie musicale. Tous les artistes jouent leur propre rôle dans Wish : Francky Vincent, Admiral T, Thierry Cham, Jean-Michel Rotin, Misié Sadik, Slaï...

Je suis revenu vivre en Guadeloupe il y a douze ans. Ce qui m’a marqué sur cette île, tout comme en Martinique ou en Guyane, c'est la succession d’évènements qui nous ont divisés. Il y a eu les barrages en feu en Guadeloupe en 2021, des associations de jeunes et de moins jeunes qui se sont affrontés dans les tribunaux, le Covid qui a empêché les intermittents du spectacle de travailler pendant un an et demi... C’est dans ce contexte-là que j’ai proposé ce projet aux techniciens intermittents du spectacle, aux artistes musicaux en priorité et aux comédiens comme Firmine Richard, avec qui j’avais déjà travaillé. J’avais envie d'un projet symbole pour les Antilles afin de montrer, contrairement à tout ce que l’on entendait dans cette période, l'unité entre les différentes communautés des Antilles – Blancs, Noirs, Indiens, etc. – l'unité du monde culturel et des techniciens de l’audiovisuel et du spectacle vivant.

Le projet a très vite fait boule de neige et on s’est rendu compte que l’on répondait à un véritable besoin. Notamment en ce qui concerne les chanteurs qui ont très peu d’occasions de se rassembler autour d’une cause commune.

Wish est désormais le plus grand rassemblement, à ce jour, d’artistes antillais. Ces derniers ont mis leurs ego de côté et ils ont joué le jeu. Front commun également côté réalisation puisque nous sommes trois à coréaliser cette série.

Julien Dalle

à Franceinfo Culture

De fil en aiguille, le projet a pris une envergure phénoménale et les collectivités ont suivi, tout comme les diffuseurs ainsi que des acteurs privés. Nous avons réussi à monter cette production. La série a coûté 1,6 million d'euros. On n'imaginait pas, en le démarrant, que le projet prendrait une telle dimension. Il y a 122 artistes dans la série, plus de 100 techniciens – le projet est 100% antillais – et plus de 1000 personnes qui y ont pris part.

C’est la première production audiovisuelle de cette ampleur qui est entièrement produite par une société antillaise : Eye & Eye Productions, la maison de production que j'ai créée, en assure la production déléguée. C'est une étape de passée pour la production antillaise. C'est aussi la première série produite en Outremer par Canal Plus [qui a d'abord diffusé la série]. Au-delà des audiences qui sont très bonnes sur Canal et on espère que ce sera le cas sur Francetv.fr, nous sommes déjà heureux d’avoir une œuvre symbole d’unité.

La série s’ouvre sur la disparition d’un grand producteur antillais dont la particularité est de salarier ses artistes. Idée assez originale dans une industrie où les droits d’auteur sont rois. D’où vous est venue cette idée ?
Effectivement aux Antilles, il y a souvent une véritable affection, dirais-je, entre patron et employés. Je trouvais sympathique de pouvoir dire, dans une fiction, que des artistes [traditionnels pour la plupart] étaient tellement en perte de vitesse que leur producteur, très embêté qu’ils ne puissent plus gagner leur vie, leur avait offert des CDI. Et cela grâce aux revenus générés par la musique urbaine.

C'est une série musicale, donc la bande originale est aussi une œuvre...
Pour la série, l'idée est de provoquer des collaborations inédites entre les artistes issus de différents genres comme Mister Sadik (dancehall) et Jean-Michel Rotin (zouk), qui ont exactement 25 ans d'écart. Une illustration de ce que je disais plus tôt sur Wish, une série intergénérationnelle et intergenre musical. La bande originale sera bientôt disponible. Il y a également une BD qui va bientôt paraître.

Au-delà des musiciens, on retrouve tout le gratin culturel des Antilles…
On a vraiment envie que Wish lance un mouvement qui prenne de l'ampleur au fil des années, qu’il soit un véritable symbole de rassemblement des afrodescendants. C'est aussi l'un des rôles de notre génération de démultiplier les projets entre l'Afrique francophone et les Antilles. En cela, Wish pourrait en être l’un des symboles de cette construction entre ceux qui vivent aux Antilles, dans toute la France et en Afrique. Je suis ingénieur en physique et j’ai fait du marketing. Je n’ai pas une formation cinématographique mais le cinéma est ma passion depuis tout petit et c’est devenu mon métier. Je suis passionné par ce projet, qui consiste à travers le cinéma, à montrer notre société avec authenticité et à partager notre culture à travers le monde.

Avec "Wish", on plonge dans les secrets de famille et les rancunes enfouies. C’est un sujet qui vous intéresse parce que vous l’avez déjà exploré dans vos précédentes œuvres. Pourquoi cette appétence pour les intrigues familiales ?
Je viens d'une très grande famille, à la fois guadeloupéenne et martiniquaise. Je suis issu d’un métissage très large : grand-père noir, grand-mère indienne. Mon père est métropolitain. J’ai toujours été fasciné par la complexité et le côté exceptionnel des histoires de familles antillaises. C'est le cas dans le monde entier, mais par rapport à notre culture et notre histoire, il a une vraie culture de l’omerta. Je suis inspiré par l'histoire de ma propre famille et par toutes celles que j’ai pu observer en grandissant en Guadeloupe.

Par ailleurs, je trouve qu'on a une spécificité multiculturelle qu'il est passionnant de mettre à l'image et cela répond également à un véritable besoin. Comme je fais partie de cette société, je peux en parler de façon plus authentique comme d'autres réalisateurs, scénaristes et producteurs antillais parce que nous avons souffert pendant des années de gens qui représentaient des personnages antillais plein de clichés à l'écran. Je m'inscris dans une histoire du cinéma antillais, avec des glorieux aînés comme Euzhan Palcy, Christian Lara, Guy Deslauriers… J'ai envie de continuer à multiplier ces histoires d'Antillais mais qui nous ont manqué. Elles sont pourtant universelles. On a encore aujourd’hui un problème avec notre image, nos images. La meilleure réponse à ce manque est de multiplier les films pour qu'on s'habitue à nous voir à l'écran afin que cela agisse comme un véritable miroir qui nous permettra d'être plus à l’aise avec notre identité.

"Wish" est surtout une histoire d’Antillaises aux prises avec des hommes qui veulent en découdre avec elles. Les vraies patronnes, à l’instar d’Edith qui hérite de la gestion du studio, ce sont elles. Sa mère, incarnée par Firmine Richard, ne se laisse pas faire. Tout comme sa sœur, interprétée par Laurence Joseph, qui cherche à faire la lumière sur un secret familial. Les femmes "potomitan" sont le pilier d'une société qui reste patriarcale. Ce schéma est totalement rompu dans "Wish" où le pouvoir est féminin…

La société moderne va être amenée à laisser la place à des femmes qui prendront beaucoup plus de poids dans les finances. Traditionnellement, une femme "potomitan" s'occupe moins de la partie économique du foyer en général. Mais je pense que ça va évoluer. 

Je trouvais donc assez juste et contemporain de faire une série avec des femmes qui sont aux manettes ou qui les prennent. C’est clairement ce qui commence à arriver et cela va s'accélérer dans les années à venir.

Julien Dalle

Franceinfo Culture

Comment avez-vous choisi Methi’S qui incarne Edith, personnage central de "Wish"?
Quand Methi’S a commencé ses premières lectures lors des castings, j’ai tout de suite su que c’était elle. Elle correspondait au personnage. Methi’S est une chanteuse très connue en Guadeloupe et aux Antilles. Elle n’avait pas d’expérience dans le domaine mais elle collait vraiment au personnage.

 

 

 "Wish" à voir sur France.tv

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