"Swan Lake" : le blockbuster de la danse classique fait son retour en France après vingt ans d'absence
Ce spectacle est une version décalée du fameux "Lac des cygnes" de Tchaïkovski, inspirée par les tribulations de la famille royale britannique. Acclamés dans le monde entier depuis trente ans, ses hommes cygnes se posent cet automne à la Seine Musicale de Boulogne-Billancourt.
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Si vous ne connaissez pas Swan Lake, spectacle iconoclaste adapté de l'illustre Lac des cygnes, vous avez peut-être vu le film Billy Eliott, l'histoire d'un fils d'ouvrier prêt à franchir tous les obstacles pour devenir danseur classique. La scène finale le montre prêt à bondir sur scène, torse nu, vêtu d'un corsaire couvert de plumes blanches, un bec noir dessiné sur le front. Le costume devenu iconique des danseurs de Swan Lake-The Next Generation.
Jusqu'au 16 octobre, ces hommes cygnes, imaginés par le chorégraphe britannique Matthew Bourne sur la partition de Piotr Ilitch Tchaïkovski, font leur nid à la Seine Musicale, en proche banlieue parisienne. Ces drôles d'oiseaux n'avaient pas migré en France depuis vingt ans. Si l'on en croit les producteurs, ce show créé à Londres en 1995 est le spectacle de danse le plus joué dans le West End de Londres et sur Broadway à New York. Il a remporté une trentaine de prix internationaux, attirant, grâce à ses tournées dans le monde entier, un nouveau public à la danse classique.
Lors d'un échange auquel nous avons participé, à la veille de la première, dans la somptueuse ambassade du Royaume-Uni à Paris, Matthew Bourne a raconté qu'au moment de la création, il pensait choquer en présentant une famille royale passablement déjantée.
"En fait, explique-t-il, la seule chose qu'ont retenue le public et la presse, c'est que les cygnes étaient des hommes." Ce choix signe en effet son Swan Lake. En remplaçant les virginales danseuses du légendaire ballet, né à Moscou en 1877, par des hommes, il brouille les eaux du Lac et change la donne.
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S'il se défend d'avoir voulu représenter des membres de la famille royale en particulier, difficile de ne pas reconnaître le futur Charles III dans son personnage de prince empêché, mal aimé par sa royale maman. "À l'époque de la création, l'Angleterre était secouée par de nombreuses rumeurs autour de Charles et de Camilla, de Diana, d'Andrew et de Sarah Ferguson, se remémore-t-il. Un nouveau scandale sortait chaque jour dans les journaux."
Il intègre dans sa mise en scène de multiples références aux Windsor, plus ou moins lisibles pour le public français, comme ce corgi à roulettes, le chien préféré d'Elisabeth II qui traverse la scène. Le chorégraphe confie que la famille royale, qui en a vu d'autres, ne lui en pas tenu rigueur et qu'au contraire, "elle aime beaucoup le show". La reine Camilla serait même "très fan". Anobli par Elisabeth II en 2016, le chorégraphe porte désormais le titre de "Sir Matthew Bourne".
Après l'envol d'un cygne, le spectacle débute par une sorte de prologue. Un oiseau inquiétant apparaît dans les rêves d'un jeune homme couché sur un lit immense, le bien nommé king size. La première partie du spectacle a des airs de comédie musicale, façon Broadway, décor à l'avenant. Le jeune prince vit entouré d'un escadron de serviteurs virevoltants qui l'habillent de pied en cap. Sa royale mummy n'est pas des plus affectueuses. À ses côtés, ce prince qu'on sort se voit contraint d'accomplir toutes sortes d'obligations officielles qui l'ennuient. Cette entrée en matière très kitsch a un côté farce qui amuse beaucoup l'assistance.
La suite du show est plus sombre, notamment la partie correspondant au célèbre acte blanc du Lac des cygnes originel, teintée de psychanalyse et d'homo-érotisme. "Pour moi, explique Matthew Bourne, Le Lac des cygnes parle d'une personne qui lutte avec son identité". Son prince apparaît comme un homme seul, cherchant par tous les moyens à faire des rencontres. Il est constamment sous surveillance, incapable d'être lui-même dans le monde dans lequel il vit. Toute ressemblance avec Sa Majesté le roi Charles III n'est peut-être pas fortuite, si l'on excepte l'orientation sexuelle.
Des souffles inquiétants
Pour qui connaît la version de Rudolf Noureev régulièrement reprise à l'Opéra de Paris, cette relecture d'un ballet patrimonial à la sauce britannique a de quoi surprendre. Adieu les ports de bras coulés dessinant des ailes aux danseuses du corps de ballet, la magie des lignes qui se font et se défont. Les hommes oiseaux de Matthew Bourne sont à l'opposé de la grâce, dans la force et dans la puissance, parfois dans la démonstration. Ils ont le geste saccadé, presque brutal et scandent leurs mouvements de souffles inquiétants.
Loin de la fluidité et de la géométrie envoûtante du ballet russe, le chorégraphe explore la bestialité et donne à ses quinze cygnes une sensualité animale. Il s'amuse même à parodier les danseurs à l'ancienne en créant un petit théâtre dans le théâtre. Une mise en abyme qui semble nous dire : regardez comme c'est ridicule et ringard toutes ces poses, ces mimiques et cette pantomime d'un autre âge. Moi, je renverse la table !
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Malgré l'incident technique qui a brièvement interrompu la représentation du dimanche 12 octobre, les spectateurs de Swan Lake se sont levés comme un seul homme pour applaudir la troupe à tout rompre. Preuve que trente ans après sa création, ce ballet revisité garde toute sa force.
Il existe de par le monde d'autres interprétations tout aussi détonantes de ce monument. Si vous appréciez la partition de Tchaïkovski, ne manquez pas la très belle version du Lac des cygnes créée par Angelin Preljocaj en 2020 autour des questions écologiques. Elle sera de retour sur scène du 21 décembre 2025 au 4 janvier 2026 au théâtre des Champs Élysées à Paris.
"Swan Lake" de Matthew Bourne, du 9 au 26 octobre à la Seine Musicale, à Boulogne-Billancourt, 2h30 avec entracte. Tarifs à partir de 20 euros et jusqu'à 99 euros en catégorie or.
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