"Il Viaggio, Dante" au Palais Garnier : l'extraordinaire voyage intérieur d'un homme en quête de rédemption

Une voiture roule sur un sentier forestier, le conducteur (Dante) croit apercevoir sa bien-aimée toute de rouge vêtue (Béatrice) et freine brutalement sans parvenir à éviter l'accident. La vidéo est projetée en arrière-plan. Les références sont appuyées : nous sommes dans un univers lynchien. Claus Guth transporte l'opéra de Pascal Dusapin dans un voyage onirique, féerique et tortueux.

Il Viaggio, Dante, opéra du compositeur français Pascal Dusapin sur un livret de l'écrivain français Frédéric Boyer, créé en 2022 à Aix-en-Provence, est adapté de Vita Nova et de La Divine comédie du poète italien Dante Alighieri. Œuvre visuelle – elle a fait objet de nombreuses représentations artistiques – La Divine comédie continue de nourrir l'imaginaire. À voir sur la scène de l'Opéra Garnier jusqu'au 9 avril.

"Écrire un opéra, ce sont des années de composition et, une fois qu'on le termine, on est devenu un peu comme ses personnages. J'avais donc envie de me réconcilier avec moi-même. Et La Divine comédie est une histoire qui se termine bien", confie, dans le livret, le compositeur Pascal Dusapin.

Il Viaggio, Dante, onzième opéra de Pascal Dusapin, est distribué en un prologue et sept tableaux. L'usage de la vidéo n'est pas ici superflu. Comme dans l'œuvre de David Lynch, le sens échappe parfois à la compréhension. L'émotion, la beauté, aussi bien de l'instant que de l'esthétique épurée, transcendent la raison.

Au cours de sa descente aux enfers, Dante fait une rencontre exceptionnelle. Dans sa recherche de Dieu et de Béatrice, sa jeune femme morte très jeune, il traverse de nombreux passages pour arriver à la rédemption. Cette quête spirituelle suppose des phases douloureuses.

Blessé lors de l'accident, Dante, interprété par le baryton danois Bo Skovhus, impressionnant de présence, chemine vers la lumière en absorbant toute la souffrance du monde. Il rêve de retrouver le sourire de Béatrice.

Faut-il avoir lu Dante ou s'être documenté sur son œuvre pour apprécier le spectacle ? Assurément oui, mais l'opératorio, combinaison d'opéra et d'oratorio, selon la propre expression de Pascal Dusapin, laisse aussi place à l'interprétation et à la perception de chacun.

Même si l'on ne comprend pas tout, ou l'on croît tout comprendre par des fulgurances, on est saisi par la virtuosité de l'œuvre de Pascal Dusapin, transfigurée avec élégance et raffinement par la baguette de Kent Nagano.

Le metteur en scène Claus Guth, en recourant à des dispositifs narratifs originaux, accentue l'intemporalité du chef-d'œuvre du poète et écrivain italien. Des sept tableaux, celui des "limbes", est tout simplement d'une puissance inouïe. Dans un cadre blafard, à l'esthétique froide, les personnages répètent encore et encore les mêmes gestes, en attente d'une libération.

Porté par une distribution exceptionnelle, Il Viaggio, Dante a enthousiasmé le public qui, ravi du voyage, a réservé une ovation de plusieurs minutes aux artistes à la fin de la représentation.

La fiche

Opéra en sept tableaux (2022) D'après Dante Alighieri, Vita Nova et Divina Commedia

Musique : Pascal Dusapin

Livret : Frédéric Boyer

Mise en scène : Claus Guth

Durée : 1h50 sans entracte

Langues : italien, surtitrage en français et en anglais

Direction musicale : Kent Nagano

Mise en scène et chorégraphie : Claus Guth

Décors : Étienne Pluss

Costumes : Gesine Völlm

Lumières : Fabrice Kebour

Chef des chœurs : Alessandro Di Stefano Orchestre et chœurs de l'Opéra national de Paris

Distribution : Bo Skovhus, David Leigh, Christel Loetzsch, Jennifer France, Danae Kontora, Dominique Visse, Giovanni Battista Parodi

Lieu : Palais Garnier, place de l'Opéra, 75009 Paris

Dates : jusqu'au 9 avril 2025

Synopsis : Poème à la beauté mystérieuse, épopée initiatique, réflexion sur le salut éternel, texte fondateur de la littérature italienne et pilier de la culture européenne, La Divine comédie de Dante semble résister à toute adaptation. C'est pourtant le défi relevé par Pascal Dusapin et son librettiste Frédéric Boyer qui proposent un voyage de Dante à travers différents âges de sa vie pour retrouver Béatrice, morte prématurément.