"40° sous zéro" : l'œuvre déjantée et hilarante de Copi plus moderne que jamais avec son adaptation par le Munstrum Théâtre
Cruauté, changement de sexe à volonté et interactions hilarantes, la magie du théâtre provocateur de Copi continue d'opérer plus de 50 ans après sa création. Le Munstrum Théâtre incarne avec justesse, l'essence de son œuvre au Théâtre du Rond-Point jusqu'au 27 janvier.
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Hilarante, disruptive, provocante, l’œuvre du dramaturge, dessinateur et romancier argentin Copi n’a pas pris une ride. Résolument moderne, ce théâtre de la catastrophe des années 1970 inspire le théâtre queer d’aujourd’hui. Même si les revendications homosexuelles, et plus généralement queer, n’ont plus le même impact qu’à l’époque au vu du changement des mentalités, elles pèsent encore lourd dans la société. L’homophobie n’a pas disparu, la violence non plus.
Pas de déprime, pas de déclarations larmoyantes, Copi fait des complexités et des malheurs humains, des scènes comiques où les limites n’existent plus. Sang, seringues, sacs de poudre blanche (tout sauf de la farine ou du talc), matières fécales, soupe d’organes, faux seins et fausses fesses… Vous êtes avertis, pour cette mise en scène de Louis Arène et du Munstrum Théâtre, hors de question d’utiliser des pincettes avec l’œuvre de Copi.
"Voilà ce qu’elle méritait ! Salopes !"
40° sous zéro, c’est deux pièces en une, L’Homosexuel ou la difficulté de s’exprimer et Les Quatre Jumelles. Des pièces qui se rejoignent par leur irrévérence et leurs mises en scène aussi libres que leurs textes. Dans la première, Madame Simpson élève sa fille Irina, en Sibérie, où il fait 40° sous zéro. Femme trans, mais toujours en capacité de donner naissance à un enfant, Irina préfère enchaîner les relations charnelles tous les jours avec des partenaires différents au grand dam de sa mère. Irina est enceinte, mais qui est le père ? "Le coiffeur, je l'ai fait pour la première fois la semaine dernière, l'officier, il y a trois mois, alors que je suis enceinte d'au moins quatre mois", répond Irina.
"J'ai envie d'aller aux toilettes, maman. […] C'est pour chier l'enfant". Sa mère adoptive lui écarte les jambes sur la table familiale pour pratiquer un avortement, avant d’être arrosée d’un jet de sang, sous les cris de dégoûts et les fous rires de l’assistance. Le fœtus minuscule se retrouve dans la soupe d’Irina, dans laquelle nageaient déjà les organes crus du gibier tout juste chassé.
Trash, excessif, kitsch, ridicule, extravagant… les qualificatifs sont interminables pour décrire cette pièce qui ne plaira pas aux plus puritains ou aux pudiques. Cela n’a jamais été la volonté du créateur Copi partisan d’un théâtre de la catastrophe et de la cruauté, théorisé dans les années 1970. Ce théâtre est exigeant et traite le spectateur en adulte. Pas de doxa ou de morale, mais une provocation évidente et jamais gratuite. C’est "l'opposé de la tragédie classique qui affirme des valeurs morales tandis que dans mes pièces, l'idée est de les faire 'éclater'", disait le dramaturge anglais Howard Barker, théoricien du théâtre de la catastrophe. Tout éclate dans 40° sous zéro. Les frontières entre masculin et féminin, les rapports familiaux et amoureux, la décence, le bien et le mal.
Dans la deuxième partie du spectacle, intitulé Les Quatre Jumelles, le public n’a pas besoin d’être d’accord avec ces duos de sœurs qui passent leur temps à ingérer l’héroïne qui abonde dans le foyer, à chaque fois qu’elles ont mal quelque part. Les spectateurs ne font que rire lorsque les deux sœurs Joséphine et Fougère tentent de subtiliser le stock de drogue et d’argent au duo de sœurs opposé. Tous les moyens sont bons : Fougère les étranglent, les plantent au couteau, leur tirent dessus. Les jets de sang voltigent partout entre les piqûres d’héroïne. "Voilà ce qu’elle méritait ! Salopes ! Allez, on s’en va !", crie Fougère, face à un public hilare.
Insurmontable envie de lâcher prise
Les duos de sœurs s’entretuent éternellement dans un comique de répétition, laissant place à toutes les absurdités incarnées par les costumes signés Christian Lacroix, les accessoires et la mise en scène. Les comédiens portent des rembourrages beiges en mousses (plébiscités par les drags queens) qui augmentent leurs derrières, leur créent des seins. Sans compter les masques qui s’emboîtent sur leurs visages comme des prothèses, et leur donnent l’impression d’avoir été victimes d’une chirurgie esthétique ratée.
Les deux pièces se rejoignent par les décors frigorifiques et isolés, les déserts glacés de la Sibérie et de l’Alaska. Les comportements démesurés, illégaux dans n’importe quelle démocratie (meurtres, agressions physiques et sexuelles, consommation de stupéfiants, braquages…) s’inscrivent comme les conséquences d’un climat anxiogène et tortionnaire. Impossible donc de ne pas penser aux années de dictature péroniste vécues par l’Argentin Copi et qui hantent son écriture.
Dans 40° sous zéro, les personnages vivent en marge de la société sans pour autant s’excuser d’exister. Chacun semble faire avec ses difficultés, ses souffrances. "Ce sont des pièces d’affrontement où qui se ressemble ne s’assemble pas du tout, […] où le dominant et le dominé échangent sans cesse leurs rôles", détaille la note d’intention. Une merveilleuse réussite qui fait du bien au monde du théâtre.
"40° sous zéro / L’Homosexuel ou la difficulté de s’exprimer et Les Quatre Jumelles" par Copi, mis en scène par Louis Arène et le Munstrum Théâtre, jusqu'au 27 janvier au Théâtre du Rond-Point et en tournée.
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