Avignon : "Les Parisiens" d'Olivier Py, parfois corrosifs, souvent emphatiques
Fallait-il 5 heures de spectacle pour raconter cette misère humaine ? C’est la question qu’on se pose en sortant des "Parisiens", la pièce d’Olivier Py, adaptée de son roman éponyme et présentée à la FabricA en Avignon. Dans un Paris d’intrigues et de débauches, une foule de personnages se croisent dans une succession de tableaux. C'est parfois drôle, corrosif mais hélas souvent plein d'emphase.
Resituons d’abord les choses : sorti en 2016 chez Actes Sud, "Les Parisiens" est un roman fleuve de 544 pages (que l'auteure de ces lignes n'a pas lu) où se croisent 80 personnages et dans lequel Olivier Py raconte la trajectoire d’Aurélien, jeune provincial qui part à la conquête de Paris, de ses lumières, de ses gens et lieux de pouvoir. Politiques, artistes, courtisan(e)s, prostitué(e)s, homos, hétéros, transexuels… Un monde certes haut en couleur, brillant, mais où la quête de plaisir, de reconnaissance pousse chacun à porter un masque, à s’avilir parfois, à se perdre souvent.
Un vrai sens de la comédie
La pièce s’ouvre sur une longue tirade d’une dizaine de minutes où un chef d’orchestre réputé (incarné par Jean Alibert) apparaît en chaussettes noires, slip et tee-shirt blancs sous une robe de chambre écossaise. A ses côtés, son jeune amant, le fameux Aurélien (Emilien Diard-Detoeuf), feu follet virevoltant aux boucles rousses. Une grande soirée se prépare dans l’hôtel particulier du musicien. "Qui sera là ?" demande le jeune homme.S’ensuit une longue mais savoureuse énumération de tout ce que le microcosme parisien compte de profiteurs de tous poils, artistes reconnus ou ratés, ministres véreux, libidineux, politiques de tous bords, journalistes corrompus, prostitué(e)s, maitresses, amants, hommes d’affaires… Le décor est planté, le ton est donné : le verbe est précis, la description, mordante et haute en couleur, fait sourire. Une bonne surprise car on ne s'attendait pas à un tel ton de comédie.
Il y a dans "Les Parisiens" de vrais instants de comédie, drôles et corrosifs où l’auteur sait tourner en dérision le monde dans lequel il vit (celui de la culture) et ses propres défauts. Il excelle dans la description des intrigues de cour, des calculs politiciens. Il se moque de lui-même, certains diront qu’il scie la branche sur laquelle il est assis mais si c’est le cas, il le fait avec une lucidité qui ne manque pas de saveur.
Lyrisme indigeste
A ces tableaux parfois savoureux en succèdent d'autres qui sont beaucoup plus statiques et parfois hélas trop ingestes à force d'être verbeux. Dialogues philosophiques autour de la mort, de la souffrance, du temps qui passe, de Dieu... Il y a de vraies fulgurances, des moments où l’acuité des propos est redoutable et donne à réfléchir. Mais certains tableaux nous ont semblé étirés à l’excès voire carrément inutiles.On est submergé par un magma de mots et de tirades parfois grandiloquentes qui à force de s’enchaîner les unes derrière les autres finissent par sonner creux. Ce lyrisme finit par lasser, devenant risible par moment… Ca déborde de partout. On a envie de sortir un grand sécateur et d’élaguer dans cette masse pour garder l’essentiel qui est pourtant bien là.
Sexualité débordante
Dans ce "trop", il faut mettre la sexualité, exubérante, omniprésente, là aussi parfois jusqu’à la nausée. Masturbation, sodomie, rapports sados-masos, bite peinte en bleu ou statufiée en rouge, rasage de minou, godemichet tricolore… Tout est montré, il n’y a pas de tabou dans le monde d’Olivier Py. Et c’est tant mieux, mais là aussi, trop c’est trop. La question, c’est : ça apporte quoi, ça dit quoi ?! Si ce n’est que le sexe ici ne sert le plus souvent qu’à dominer l’autre voire à l’avilir.
Et Dieu dans tout ça ?
Il y a des moments de grâce dans "Les Parisiens" comme ce dialogue entre la transsexuelle lesbienne (Laure Calamy qui trouve ici un rôle très loin de celui de la série 10%, la série TV qui l'a révélée au grand public) et le prêtre dominicain (incroyable Philippe Girard) qui pose de vraies questions autour de la foi, de l’existence de Dieu ou plutôt de son absence. Outre les questions qu'elle pose, cette scène offre un répit dans le tourbillon des intrigues. Est-ce le fait de parler de Dieu, est-ce la présence et la voix apaisante de Philippe Girard qui créent cette sensation ? Toujours est-il que cela fait du bien dans une pièce où les silences sont rares, où tout est toujours survolté.
Alors ? On aime ou on n'aime pas ?
"Les Parisiens", c’est le genre de création qu’il est de bon ton soit de détester, soit d’a-do-rer (comme le prouvent les remarques entendues lors de l'entracte quand nous avons circulé au milieu de la foule) et on se sent presque coupable de ne ressentir ni l’un ni l’autre. C'est trop long, il y a du mauvais et du bon. Ça paraît banal à dire, un peu facile peut-être mais c'est la réalité.Au final, la pièce est à l’image de ces personnages qui tournoient sur scène et qui sont : agaçants, prétentieux, superficiels, comploteurs, mais aussi terriblement humains parce que tous sont en quête. D’amour, de jeunesse, de reconnaissance, de Dieu, d’une vérité qui leur est propre. Quelle que soit la finalité de cette quête qui les pousse à se damner, à se vendre au plus offrant, à se laisser humilier, c’est elle qui les rend faillibles, banalement humains et au final proches de nous.
Même si on regarde la pièce avec parfois la nausée au bord des lèvres en se disant "Mon Dieu, c’est ça Paris ?! C’est ça notre humanité ?! ", on sent aussi que cette cohorte de personnages représente la part d’ombre que nous portons tous en nous, que cette misère humaine, nous l’avons vécue ou côtoyée un jour ou l’autre.
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