Génocide arménien : un lanceur d'alerte de 1915 inspire une création théâtrale
En cette année du centenaire du génocide arménien, le jeune acteur Hovnatan Avédikian offre une tribune, pour sa première mise en scène, à la voix méconnue du pasteur allemand Johannes Lepsius qui tenta vainement d'empêcher la tragédie. Jusqu'au 1er avril au Théâtre national de Nice (TNN).
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"Arménien de la quatrième génération, on me dit qu'il faut se souvenir, se souvenir de ce que je n'ai pas vécu", énonce Hovnatan Avédikian, 33 ans, proche collaborateur de la nouvelle directrice du théâtre niçois Irina Brook.
Ce fils d'un acteur né en Arménie ne veut pas "perpétuer un rapport aveugle et émotionnel à l'Histoire", explique-t-il à l'AFP, mais plutôt déchiffrer le contexte historique de l'époque, en mettant en scène cette pièce intitulée "Le Cercle de l'ombre" (jusqu'au 1er avril 2015).
Johannes Lepsius, un destin incroyable
Occasion de faire connaître le destin incroyable de Johannes Lepsius (1858-1926), missionnaire allemand dans l'empire ottoman au secours des minorités chrétiennes, qui rencontra en 1915 à Istanbul le ministre de la guerre Enver Pacha dans l'espoir d'arrêter les déportations et massacres des Arméniens.
Le parti des Jeunes-Turcs, mu par une idéologie nationaliste, est alors au pouvoir. Rentré en Allemagne, le pasteur réclamera des sanctions contre le régime auprès de son gouvernement, mais ce dernier ne souhaite pas mettre en péril, en pleine Première Guerre mondiale, son alliance scellée avec l'empire ottoman.
Menacé de mort
Menacé de mort, l'humaniste et lanceur d'alerte retournera à Istanbul rédiger un rapport secret sur les massacres et terminera sa vie en exil en Italie, le 3 février 1926, à 67 ans.
En 1930, en pleine montée du parti national-socialiste en Allemagne, l'écrivain Franz Werfel prend connaissance du rapport et l'intègre dans deux chapitres de son ouvrage "Les quarante jours du Musa Dagh" sur le génocide arménien.
Un récit interdit... par Hitler
L'ouvrage sera publié en 1934 et immédiatement interdit par Aldolf Hitler arrivé au pouvoir... Ce sont précisément ces chapitres qui ont été adaptés pour cette création. Hovnatan Avédikian a ainsi choisi de prendre de la distance et donner la parole à un témoin clef, aux bourreaux et à leurs alliés allemands, plutôt qu'aux victimes dont la présence est juste suggérée par un furtif convoi humain poussant ses affaires.
"Quand j'ai découvert ces deux chapitres, j'ai pu mettre des mots assez simples sur une histoire complexe", confie-t-il. "Il y a peu de témoins de l'époque et il faut savoir précisément qui on accuse", note le jeune metteur en scène, qui s'est nourri de conseils historiques.
En résonnance avec l'actualité
"J'ai grandi avec cette problématique et je pose des questions. Comment est-ce possible? Qui a perpétré le génocide arménien ? Qui sont les pachas qui se sont appuyés sur l'idéologie nationaliste ?" Et sa pièce fait l'effet d'une troublante caisse de résonance avec la situation actuelle du Moyen-Orient, où l'existence de minorités est menacée.
Cette création courte, en un acte, Hovnatan l'a faite à destination des "16-17 ans". Il tient beaucoup à ses rencontres personnalisées avec des lycéens, souvent venus de quartiers modestes. "Je leur dit de sauver l'humanité et de jeter leurs téléphones portables !", précise l'acteur "en colère" contre un monde anesthésié et éloigné de l'intense communion du monde théâtral.
De fait, la pièce est accessible et didactique, tout en jouant sur la légèreté et les parenthèses dansées au son du violoncelle ou du piano. Au premier rang, une brochette de jeunes, sans doute nouveaux au théâtre, sourient devant les facéties acrobatiques et rires sardoniques des acteurs, tout en se concentrant sur les moments plus graves.
"Plus de 100.000 Arméniens ont déjà pris le chemin de l'exil, en plein désert de Mésopotamie !", s'inquiète Johannes Lipsius qui tente de parlementer avec le ministre de la guerre. "La question arménienne n'existe pas", lui rétorque Enver Pacha, qui vient de couper une tête et en rit.
"Cette alliance germano-turque nous rend complices aux yeux de l'histoire", dit le juste de retour dans son pays, reçu à la chancellerie par un bureaucrate qui se sert des verres de champagne et pousse la chansonnette sur son piano. "Je dois témoigner", répète ce Don Quichote, seul contre tous à Istanbul pour écrire sur l'innommable.
"Le Cercle de l'ombre" - création
D'après deux chapitres des "Quarante jours du Musa Dagh" de Franz Werfel
Adaptation et mise en scène par Hovnatan Avédikian
Théâtre National de Nice
Promenade des Arts
Tél : 04 93 13 90 90
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