"Henry VI" : et au bout de la nuit, un triomphe…
C'est l'un des événements du festival d'Avignon 2014 : "Henry VI" monté par Thomas Jolly dans une version intégrale de 18 heures. Nous étions à la première, lundi et mardi. Une aventure inoubliable. (Un spectacle à découvrir en intégralité et en direct sur Culturebox, le 24 juillet à partir de 10h)
10h10 Avec quelques minutes de retard, le paquebot "Henry VI" largue les amarres. Premier sentiment, la mise en scène est créative, tout en respectant le texte. Thomas Jolly a parsemé la pièce de détails humoristiques, souvent très réussis. Décalages, comportements outranciers, non-sens "so british". Le cardinal Beaufort (Bruno Bailleux) attaque ses adversaires à coup de caniche. Anglais et Français échangent des doigts d'honneur. L'esprit des Monty Python plane parfois sur la Fabrica.
Surtout, les comédiens sont tous fameux et ne se ménagent pas. On se demande déjà comment ils vont tenir à ce rythme tambour battant. A l'issue des deux premières scènes, une narratrice (désopilante Manon Thorel) vient tester notre motivation. "Ça vous a plu ? Ça tombe bien, il reste 17h et 25 minutes de spectacle. C'est long…"
12h40 Jeanne d'Arc (Flora Diguet) a des piercings et les cheveux bleus, et donne le tournis à Talbot, le chevalier anglais à la voix rocailleuse (Jean-Marc Talbot). Peu à peu, l'ambiance devient moins "cartoon", l'écriture est puissante et les tirades très longues. Peu d'hésitations chez les comédiens qui, tous, possèdent parfaitement leurs interminables textes.
La Pucelle nous quitte sur un bucher de chaises de bistrot. Talbot, le héros, va périr à son tour. Ce qui fera dire à la narratrice : "La mort d'un tel héros, c'est pour nous tous une lourde perte… et particulièrement pour le comédien qui n'a plus grand-chose à jouer". Qu'on ne s'inquiète pas, il y a besoin de bras pour les 200 personnages, et bientôt, Jean-Marc Talbot réapparaît sous d'autres traits.
Avant chaque entracte, le suspense monte, appuyé par une musique lancinante. Grand amateur de séries télé, Thomas Jolly avait prévenu : "Il faut créer de la frustration"… 16h10 Le temps a passé sans que l'on s'en rende vraiment compte. Voici déjà six heures que nous suivons le quotidien sanglant de la Cour d'Angleterre, on complote, on trahit et on décapite. Après une séquence relativement classique, Jolly réveille ma voisine (il arrive même aux Shakespeariennes les plus pointues de piquer du nez pendant la digestion) avec un ballet de miraculés déjantés... Qui précède la disgrâce de la Duchesse Eléonore, soupçonnée de complot et d'intelligence avec des sorciers. Puissante scène durant laquelle la jeune femme avance nue sous une robe blanche dont la couleur vire à l'écarlate sous les bombardements de tomates pourries.
16h50 Il faut nettoyer la scène, encombrée de poussières et de tomates écrasées. La narratrice nous occupe tandis que, derrière elle, hommes et femmes s'affairent à briquer le sol. Elle a fini, se retourne… "Il faut encore tenir un instant, on n'a pas fini" semble lui glisser l'un des nettoyeurs. Elle hésite et reprend : "Euh… Et bien cher public, profitez-en, ce n'est pas tous les jours que l'on voit des feignants travailler !". Moment de gêne… immédiatement dissipé. Manon Thorel vient, en fait, d'entamer un texte consacré aux intermittents. Façon astucieuse de porter le débat d'aujourd'hui dans les ténèbres du 15e siècle. Et voilà que l'on parle du MEDEF dans Henry VI !
19h30 A l'attaque du 3e épisode, Thomas Jolly sort les grands moyens pour réveiller les éventuels candidats à la sieste. Musique électro et punk, accoutrements provocants, Jack Cade (Nathan Bernat) emmène sa horde de rebelles du Kent avec une énergie dévastatrice. Londres prend un bain de sang. Sur la scène, ça fuse de tous côtés.
21h50 Les York ont pris le trône en viager, le Roi Henry est abandonné de tous, déconsidéré. Chez lui, intérieur très cosy, le massif Plantagenêt (Eric Challier, inusable) lit tranquillement un numéro de "Sanglier Magazine".
Nous sommes là depuis bientôt 12 heures. A l'entracte qui suit, les premiers vrais coups de mou. Des spectateurs s'endorment sur la pelouse.
Sentiment étonnant de toucher au but, après "L'hiver du déplaisir", la dernière partie, ce sera fini. Le public a la fatigue joyeuse, gourmande… Dans deux heures, chacun pourra dire "J'y étais".
3h30 Interminable ovation. Le public est debout et salue la performance d'une équipe incroyable. Aucune fausse note, aucun passage à vide durant ces 18 heures. Comédiens et techniciens ont tenu leur rôle avec un courage exceptionnel. Et dire qu'il leur faudra remettre ça dès jeudi matin, tout juste le temps de dormir, de retravailler quelques scènes peut-être…
Plus modestement, le public a, lui aussi, le sentiment d'avoir participé à l'aventure. D'ailleurs, à la sortie, on lui distribue le badge collector… "J'y étais".
A Avignon, à la Fabrica, les 24 et 26 juillet à 10h. Le spectacle tournera ensuite en France.
A découvrir en intégralité et en direct sur Culturebox le 24 juillet à partir de 10h
Le spectacle tournera ensuite en France.
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