"Hommage à une icône" : le procès Pelicot sur scène à Vienne, avant Avignon

La performance en allemand, qui a duré sept heures et réuni une trentaine de comédiens, s'est déroulée dans une église viennoise.

Article rédigé par franceinfo Culture avec AFP
France Télévisions - Rédaction Culture
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Temps de lecture : 3min
Le metteur en scène Milo Rau à Vienne, le 12 juin 2025. (JOE KLAMAR / AFP)
Le metteur en scène Milo Rau à Vienne, le 12 juin 2025. (JOE KLAMAR / AFP)

"La façade est solide mais l'intérieur est un champ de ruines" : des comédiens ont lu, mercredi 18 juin, lors d'une première à Vienne, ces mots de Gisèle Pelicot et d'autres "fragments" du procès retentissant qui a fait de la Française une icône féministe mondiale. Cette nuit de lectures, attendue cet été à Avignon, a laissé les spectateurs autrichiens sous le choc.

Derrière ce projet, le metteur en scène Milo Rau, captivé par les débats ayant ébranlé le tribunal d'Avignon, dans le sud-est de la France, entre septembre et décembre 2024, autour de cette femme droguée et violée pendant des années par son mari et des inconnus recrutés sur internet.

Il avait déjà prévu d'être présent en juillet au festival de la cité papale mais il lui "semblait étrange de s'y rendre six mois après et de faire une pièce sur La Mouette de Tchekhov", explique-t-il.

Sortir le procès de l'enceinte judiciaire

L'artiste helvétique de 48 ans s'est plongé dans les documents de l'affaire "afin de rendre public le procès", de le faire sortir des murs de l'enceinte judiciaire. "Comme une sorte de prolongation de l'acte de Gisèle Pelicot" qui, "dans un moment décisif", a refusé que ses violeurs comparaissent à huis clos.

Un minutieux travail de "reconstruction" a été entrepris avec la collaboration des avocats de la famille pour réunir les différents "fragments" de l'histoire.

Articles et tribunes de presse, cahiers de notes des journalistes, plaidoiries, livres, interviews d'experts, témoignages de féministes... La dramaturge Servane Dècle détaille le processus de recherche. "C'était un peu un défi de réussir à reconstituer la parole du tribunal", dit-elle, et de dépasser aussi le cadre parfois "frustrant" d'une justice pas armée pour juger autant de personnes.

La performance en allemand réunissant une trentaine de comédiens s'est terminée tard dans la nuit au bout de six à sept heures de lectures dans le cadre solennel d'une église viennoise, où les spectateurs avaient le droit d'entrer et de sortir librement.

"Deuxième vague MeToo" 

En Autriche, le verdict,  20 ans de réclusion criminelle pour l'ex-mari Dominique Pelicot, a fait la une des journaux, tout comme le jugement à l'encontre de ses 50 co-accusés, "ces Messieurs Tout-le-monde, de tous âges, de tous métiers ou presque", rappelle le texte lu.

Safira Robens, comédienne d'un grand théâtre viennois, est l'une des principales voix du projet. Après une préparation "difficile" qui la poursuivait dans son sommeil, elle parle d'un "voyage" qui, admet-elle, peut être "traumatisant" pour le public, avec des descriptions crues des vidéos de viol par exemple. "Mais le sujet est tellement important que cela en vaut la peine", dit la jeune femme de 31 ans, saluant en Gisèle Pelicot celle qui a fait changer "la honte" de camp. "Elle a ouvert une porte, initié une deuxième vague après #MeToo", abonde Servane Dècle.

Cet "hommage à une icône" se déplacera au cloître des Carmes d'Avignon dans une version raccourcie le 18 juillet, avec, aux côtés d'interprètes du festival, des protagonistes du procès, comme un expert psychiatre ou une dessinatrice de croquis d'audience. Mais sans Gisèle Pelicot, 72 ans, qui a choisi depuis la fin du procès de garder le silence dans les médias et de livrer par écrit son histoire dans un livre à paraître début 2026 en vingt langues.

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